Société

France : Les démons de l’islamisme (60)

© D.R

Bernard Stasi se convertit
Médiature, 8 mars 2004

Tout a basculé fin 2003. Les islamistes commencent à faire sentir leur pression dans différentes régions. Le débat public est lancé. Les frères Ramadan surgissent sur le devant de la scène. Jacques Chirac, dont on sait la proximité avec beaucoup de pays arabes, s’interroge sur la conduite à tenir. Il décide de créer une commission. Pour une fois, celle-ci va jouer un rôle décisif. Son président va recevoir une dizaine de lettres de menaces de mort, mais refusera la protection policière qu’on lui propose. Entre juillet et décembre 2003, le médiateur de la République, Bernard Stasi, va accomplir la délicate mission qui lui a été confiée : faire l’état des lieux de la laïcité et proposer des mesures.
Responsables poliiques, religieux, syndicaux, administratifs, associatifs, élus racontent leurs expériences. Après environ cent quanrante auditions, Bernard Stasi est convaincu, avec ses collègues, qu’«il y a en France des groupes islamistes qui cherchent à tester la résistance de la République». D’où la décision de la commission de recommander finalement une loi interdisant les «signes ostensibles» à l’école. «Si nous avions fait un vote avant le début des travaux, la totalité des membres de la commission aurait été contre une loi», assure Stasi. Les entretiens, notamment avec des jeunes filles voilées, ont fait basculer les convictions les mieux ancrées. Le médiateur était pourtant bien disposé au départ. En 1984, il avait publié «L’immigration : une chance pour la France», livre dans lequel il insistait sur l’apport de cultures différentes dans la sociétés françaises et sur les efforts à développer pour favoriser l’intégration. Il affirme n’avoir pas changé. Sauf sur un point capital : «Je pensais qu’il fallait promouvoir les cultures d’origine pour aider les jeunes gens à s’intégrer. Je crois maintenant au contraire qu’il faut couper les liens.»
Dans son rapport, la commission relève une «exclamation en forme d’avertissement», qui «sonne comme un véritable échec de la politique d’intégration des vingt dernières années» : «À la mosquée, au moins j’existe!», se disent certains. Coupable d’avoir laissé se constituer de véritables ghettos communautaires, l’État a toléré la dérive fondamentaliste. «La République ne défend pas ses enfants», comme l’a dit une jeune femme à la commission. Le 14 octobre 2002, sept ans après son projet de résorption de la «fracture sociale», Jacques Chirac a prononcé à Troyes un discours présenté comme «fondateur» : «La République ne peut pas accepter de voir des quartiers entiers s’enforcer dans la violence, le non-droit et le désespoir. La République ne serait plus elle-même si elle acceptait que, sur son territoire, un nombre grandissant de ses habitants soient abandonnés à eux-mêmes et finissent par ne plus adhérer aux valeurs qui la fondent.» Et le président d’ajouter que les discriminations font «le lit de la violence, de l’incompréhension, du rejet de la société». Belle proclamation après sept ans de règne.
Il aurait pu ajouter : «Et de l’islamisme». Il n’est que d’observer les cursus des anciens leaders de la Marche des beurs, un mouvement laïc qui avait réclamé la justice sociale en 1983. Nombre d’entre eux ont versé dans l’Islam, et pour certains dans sa version radicale. Maintenant, chacun sent qu’il faut agir. Car la République a commis beaucoup d’erreurs.
Après la Seconde Guerre mondiale, le patronat et les pouvoirs publics promeuvent une immigration qui garantit une main-d’oeuvre disciplinée et économique. Algériens et Marocains viennent chercher en France de quoi améliorer l’ordinaire de leurs familles. Le contrat tacite repose sur l’idée : «Vous venez, vous travaillez, vous êtes payés, vous rentrez.» Le 17 octobre 2003, Jean-Pierre Raffarin affirme à la Mosquée de Paris : «Jusqu’au début des années 80, il n’était pas question que les travailleurs immigrés maghrébins restent en France. De part et d’autre de la Méditerranée, le discours officiel était au retour. Cette situation n’a pas facilité l’intégration de l’Islam et des musulmans dans notre pays.» Le Premier ministre se trompe un peu sur les dates. Car le regroupement familial a été instauré sous le septennat de Valéry Giscard d’Estaing.
Interrogé en 2004 dans l’hebdomadaire Paris Match par l’académicien Jean-Marie Rouart, l’ancien président regrette d’ailleurs les dispositions de cette mesure : «J’ai eu tort de ne pas regarder le décret d’un peu plus près, de ne pas me méfier de ses applications et de ses dérives. C’était une mesure de générosité raisonnable qui s’est transformée en filière d’immigration.» Cela aurait été un moindre problème si les politiques publiques étaient parvenues à éviter la constitution de ghettos et à enrayer les discriminations. L’angélisme de la gauche et l’indifférence de la droite de la droite l’ont empêché.
En juin 2003, un rapport du Haut Conseil à l’intégration sur «la promotion sociale des jeunes dans les quartiers en difficulté» observe que 31% des jeunes immigrés ou d’origine immigrée sortent sans qualification du système éducatif, contre 14% des jeunes dont les deux parents sont nés en France.
Selon cet organisme, «le fait d’être immigré ou d’origine immigrée constitue une difficulté supplémentaire au moment de l’insertion professionnelle». À curriculum vitae quivalent, celui de Mohamed finit souvent à la poubelle quand celui de Pierre a des chances d’être étudié par les recruteurs. Pire, «certains facteurs comme la question des inégalités et l’ethnicisation du lien social contribuent à différentes formes de marginalisation, de «désaffiliation sociale», voire de victimisation». Nicolas Sarkozy ne cesse de le répéter : «Une identité humiliée est une identité radicalisée.» La relégation des quartiers, la détresse des familles, l’absence de perspectives, forment un terrain propice aux prédicatrurs radicaux. Le communautarisme, voilà l’ennemi. Il s’est déjà bien implanté. L’État a sa part de responsabilités. La loi n’est pas la même pour tous, comme en témoigne la tolérance à l’égard de pratiques discriminatoires envers les femmes qui semblent d’un autre âge. «Sur le fondement de conventions bilatérales, le droit au pays d’origine peut être applicable (aux femmes), y compris les dispositions directement contraires à l’égalité entre les sexes et aux droits fondamentaux 1.» La France «anotamment signé avec le Maroc une convention du 10 août 1981 (…) qui exclut en partie l’application de l’article 310 du code civil pour appliquer la loi nationale des époux à la dissolution du mariage et conduit ainsi à reconnaître en France la répudiation 2». Qui donc sait que la France a accepté de renoncer à ses règles de droit au profit de celles de pays étrangers et de principes islamiques dans ce qui’ils ont de plus archaïques, voire scandaleux? Ce procédé moyenâgeux devrait faire hurler les féministes.
Pourtant, c’est le silence. De meêm, «la convention franco-égyptienne du 15 mars 1982 permet également la reconnaissance en France d’une répudiation éxécutoire en Égypte». Mohsen Ismaïl est à la fois théologien et sociologue de l’Islam. Il raconte devant la commission Debré : «Je viens de Tunisie qui est un pays monogame. J’ai découvert la polygamie en France. Les polygames sont couverts par la loi française qui n’interdit pas d’avoir des enfants tout en étant célibataire, c’est le concubinage. De grands imams, connus, voire progressistes, contractent avec une femme, puis par une ruse juridique récitent la première sourate du Coran et la deuxième femme devient légitime!» Un tour de passe-passe surprenant en République.
La réalité n’a parfois que peu à voir avec les beaux principes. Un témoin entendu par la commission Debré raconte une anecdote sidérante : «L’an dernier, un Marocain, devenu français, est décédé. Il avait demandé à être incinéré. Sa femme était française depuis 1931. Le consulat du Maroc est venu interrompre la crémation en présence de l’épouse 3.» L’Islam impose normalement d’être enterré à même la terre. Mais l’Islam ne devrait s’imposer qu’à ceux qui le veulent.

1- Rapport de la commission Stasi, 2003.
2- «Les droits des femmes issues de l’immigration», avis au Premier ministre, Haut Conseil à l’intégration, 2003.
3- Audition de Jeanne-Hélène Kaltenbach par la commission Debré, 17 septembre 2003

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