De grâce, que nul n’ait jamais plus l’audace d’évoquer, ne fusse que d’un murmure, «sa solidarité» avec le peuple palestinien. A la honte n’ajoutons pas l’impudence. Oui, car aujourd’hui, n’ayons pas peur des mots. Honte, lâcheté, calculs politiciens sont ceux qui reviennent à l’esprit au regard de notre attitude de ces dernières semaines. Les éditorialistes occidentaux ont raison de gloser sur «l’impasse de la rue arabe», sur le fait «qu’elle avait rendez-vous avec l’histoire et qu’elle lui a fait faux bond». Un tapis de bombes est tombé sur l’Afghanistan. Nous n’avons pas bougé. Même si les innocents décimés par les bombes à fragmentation ne sont en rien responsables des ignominies de leurs dirigeants, il était certes difficile de se mobiliser quand des figures aussi odieuses que celles des Talibans brouillent la vision. Mais la Palestine ! Cette Palestine que nous portons tous au fond de notre coeur, pas uniquement en raison de son appartenance à notre sphère de civilisation mais parce qu’elle est l’image même de l’injustice suprême exercée à l’égard d’un peuple, celui de le déposséder de sa terre, cette Palestine-là sur laquelle vous, nos gouvernants, vous nos hommes politiques, vous nous avez toujours concoctés de magnifiques discours, cette Palestine-là se vide son sang et nous ne bougeons pas. Je ne sais si c’est votre cas, messieurs nos gouvernants, messieurs nos hommes politiques mais moi, simple citoyenne marocaine, j’ai honte. Et je me pose la question de savoir si nous possédons encore une once de cette «dignité arabe» dont nous aimons tant nous gargariser. «La rue arabe» ! ! ! ! Les Améri-cains comptabilisent le nombre de ses manifestations depuis le début de leur «guerre contre le terrorisme». Et constatent, avec satisfaction que les dirigeants tiennent bien leurs foules, les tiennent d’autant mieux quand ce sont les anciennes oppositions qui sont au gouvernement. Devant le silence, le calme et la « bonne tenue » des masses, ils peuvent tranquillement continuer à « manifester leur sympathie avec Israël » pendant que les bombes dévastent Gaza. Pourquoi faire pression sur le meilleur copain quand on peut tranquillement assassiner les Palestiniens sans que personne ne réagisse ? Je reviens de Palestine et j’ai encore devant les yeux le regard amer mais déterminé des Palestiniens. La vision de ces hommes et de ces femmes décidés à se battre jusqu’au bout pour cette chose infime et immense qui se nomme la dignité. Les tanks qui les encerclent, les bombes qui rasent leurs infrastructures, les bulldozers qui dévastent leurs champs et les balles qui fauchent leurs enfants, à tout cela, ils résistent. Une seule chose entame leur moral : la solitude extrême. Le sentiment d’être abandonné par tous. Abandonnés et lâchés par ceux-là même qui se disent leurs frères. Hier, alors que tout était en place, un téléthon pour la Palestine a été déprogrammé pour de forts mystérieuses raisons. Des manifestations de soutien ont été interdites sous prétexte de crainte de débordements. Cela suffit. Messieurs, avez-vous donc oublié le temps où notre pays combattait pour sa liberté ? Trêve de mesquineries et de petits calculs politiciens ! Ce sont des gens qui meurent, un peuple tout entier qui est écrasé, humilié, affamé pendant que nous nous taisons! Allons-nous continuer longtemps encore à rester passifs ! En tant que citoyenne marocaine, j’en appelle solennellement à tous les partis politiques, à toutes les associations de la société civile pour que soit organisée une grande journée Palestine dans notre pays. Une journée avec des marches unitaires de soutien aux Palesti-niens dans les principales villes du Maroc. J’en appelle aux plus hautes instances de l‘Etat pour qu’elles autorisent ces manifestations. Il n’y va pas que de la Palestine. Il y va également de notre dignité de Marocain.