Houcine Youaabed: Les récentes intempéries liées au dérèglement climatique ?

Ouchagour Leila24 février 2023

Entretien avec Houcine Youaabed, responsable communication à la DGM

C’est le titre de la boite

Chutes de neige : Le Maroc connait d’abondantes chutes de neige. La pluie fait aussi son grand retour après plusieurs mois de sècheresse. Ces conditions climatiques inhabituelles dans certaines régions ne sont toutefois pas exceptionnelles puisqu’il y a eu déjà des précédents dans l’histoire. Dès janvier, un dispositif a été mis en place avec le déclenchement de l’opération Grand froid en faveur des populations rurales exposées à une chute importante des températures dans les provinces du Grand et du Moyen Atlas. Des aides aux habitants ont également été mobilisées du côté des provinces de Ouarzazate, Zagora et Taroudant fortement touchées par les récents épisodes neigeux et les intempéries. Cette vague de froid inhabituelle interroge sur le lien qu’elle pourrait avoir avec le dérèglement climatique. Interrogé par ALM à ce sujet, Houcine Youaabed, responsable communication à la Direction générale de la météorologie (DGM), nous livre son analyse.

ALM : Certaines régions du Maroc connaissent actuellement, et contrairement à ce qu’on s’est habitué à voir d’importantes chutes de neige, qu’est-ce qui explique ce phénomène ?

Houcine Youaabed : Durant la période comprise entre le 14 et le 19 février notre pays a connu une perturbation accompagnée de neige. Cette situation météorologique est due au rapprochement, au centre de notre pays, d’une dépression associée à de l’air froid en altitude générant ainsi des nuages accompagnés par des pluies et averses qui ont intéressé le Centre, le Sud et le Sud Est du Maroc, notamment les régions du Souss, du Haut et Anti-Atlas, du Sud-Est et le Nord des provinces Sud.
Du mercredi 15 au vendredi 17 février, de fortes chutes de neige ont également intéressé les reliefs de l’Atlas et les versants Sud-Est avec un cumul de neige qui a atteint jusqu’à 2 m à Tidili, au sommet des reliefs de la province de Ouarzazate et sur les reliefs au-delà de 1.400m. Des chutes de neige entre 30 et 80 cm ont été également enregistrées sur les reliefs d’Al Haouz, Azilal, Béni Mellal, Chichaoua, Midelt, Tinghir et Taroudant.
Une comparaison entre les mesures enregistrées les 16 et 18 février 2023 avec les hauteurs significatives de neige enregistrées dans la province d’Ouarzazate durant la période 1996-2022 montre que cette situation a un caractère exceptionnel en quantité de neige enregistrée. Ceci est dû au contraste thermique entre un air froid polaire en altitude et un air doux et humide en provenance du Sud. Par conséquent, de fortes précipitations sont enregistrées sur le Sud-Est du pays. Sur les reliefs dépassant les 1.300 m, la pluie est tombée sous forme de fortes chutes de neige atteignant jusqu’à 2m de hauteur sur certains reliefs de Ouarzazate.

Peut-on parler de dérèglement climatique ?

Il est difficile de parler d’un dérèglement climatique à partir d’un seul phénomène météorologique extrême sachant qu’un dérèglement climatique correspond à une perturbation du climat à l’échelle planétaire et sur le long terme.
En effet à cette période de l’hiver nous avons l’habitude de voir des chutes de neige intéresser les reliefs de l’Atlas et ses versants Sud-Est. Ceci peut être attribué à la variabilité naturelle du temps et du climat. Ce qui relève du dérèglement climatique c’est l’intensification des précipitations et parfois leur absence pendant une longue période.

Après plusieurs mois de sécheresse, les précipitations reviennent. Quelle est votre analyse à ce sujet ? Et peut-on dire qu’on est sorti d’affaire ?

Après 4 ans de sécheresse, notre pays connaît actuellement une abondance en pluviométrie sur certaines de ses régions. Ce constat est tout à fait naturel pour le climat du Maroc qui a connu depuis toujours une alternance entre années sèches pouvant même durer et d’autres plutôt normales et parfois exceptionnelles. Les Marocains se rappellent l’année 1996 qui était exceptionnellement humide et qui a précédé les années de sécheresse du début des années 90.
La banquise de l’Antarctique a battu un record de fonte pour la 2e année consécutive et cela avant même la fin de l’été. Parallèlement, il y a eu le cyclone en Nouvelle-Zélande ou encore les inondations en Afrique du Sud.

Par conséquent, ces catastrophes naturelles se sont multipliées ces dernières semaines dans l’hémisphère Sud. Ces phénomènes seraient-ils liés au réchauffement climatique?

Il est judicieux de rappeler que les cyclones, les vagues de chaleur, les événements de fortes précipitations et autres sont des manifestations naturelles qui ont eu lieu dans le passé et qui continueront de l’être dans le futur. La différence entre le passé lointain et le présent est que la fréquence de ces évènements a augmenté durant les 60 dernières années. C’est ce qu’affirment les derniers résultats parus au sixième rapport sur le climat en 2021. Cela est dû à l’intensification de l’activité humaine matérialisée par l’émission des gaz à effet de serre causant un dérèglement climatique. Pour ce qui est de la décroissance en superficie de la banquise, les scientifiques affectent cette déperdition au réchauffement planétaire s’amplifiant de décennie en décennie.

Quelles sont vos prévisions pour les prochains mois à venir ? et est-ce que l’été sera plus chaud que d’habitude cette année ?

Les prévisions dites saisonnières dont dispose la DGM informent sur une saison estivale plutôt normale en termes de température, traduite par des températures de saison sur la majeure partie du Royaume.