«Il était mon ami, je n’avais pas l’intention de le tuer monsieur le président », a balbutié Abdelaziz devant les magistrats de la chambre criminelle près la Cour d’appel d’El Jadida.
Sa mère qui s’asseyait près de ses deux sœurs sur les sièges réservés à l’assistance sanglotait, alors que son père et son unique frère écoutaient attentivement ses déclarations, profondément attristés par ce qui lui arrive.
« Il m’a provoqué. Je n’ai pas su contenir ma colère et je lui ai assené un seul coup de couteau », a-t-il expliqué à la Cour qui continue à l’interroger sur les détails de son crime qui a coûté la vie à son ami, Abdellah. Un seul était suffisant pour qu’Abdellah ne soit plus de ce monde. Cette violente dispute qui s’est tournée en un véritable drame est due à une fille de joie. Elle s’appelle Fatiha. Elle travaillait pour le compte de Naïma, une proxénète installée à El Jadida, bien connue dans la région. Abdelaziz la connaissait depuis belle lurette. Il se rendait souvent chez elle. Il était l’un de ses fidèles clients.
« J’ai quitté dans l’après-midi la maison à Ouled Sidi Ghanem pour rejoindre Naïma », a-t-il précisé à la Cour. Quand il est arrivé à El Jadida, il a effectivement rejoint Naïma. Il a été chaleureusement accueilli. « Je te propose Fatiha. C’est une très belle fille. Elle sera là dans une demi-heure », lui a affirmé la proxénète. Abdelaziz l’a quittée et s’est rendu au « Bar de France » pour boire quelques bières.
Après quoi, il est arrivé au marché pour s’approvisionner de tout ce dont il avait besoin pour passer les deux ou trois nuits avec la fille de joie. Il a même acheté quelque trois quarts de vin rouge avant de rebrousser chemin chez Naïma. Fatiha était chez elle dans l’attente du client. Après avoir payé la proxénète, Abdelaziz a demandé à Fatiha de le suivre. Ils ont pris un grand taxi à Sidi Bouafi pour se rendre à Sidi Ghanem. Arrivés à destination au moment du crépuscule, Abdelaziz a emprunté le chemin qui l’emmène directement loin des yeux des curieux à la baraque que son père a installée pour les agriculteurs travaillant dans ses champs. Elle se situe un peu plus loin de la maison. Ils y sont arrivés quelques minutes plus tard. Ils passèrent la nuit ensemble.
Le lendemain, son voisin, Nouredine, l’a réveillé tôt et lui a appris l’arrivée de son oncle. Après avoir rangé rapidement la baraque, ils ont regagné tous les trois une autre baraque. Ils ont passé toute la journée à s’enivrer. Vers 18h, Miloud, Abdelkrim et Abdellah les ont rejoints pour prendre part à la soirée. Ils sont leurs amis et voisins du douar. Les verres de vin rouge passaient d’une main à l’autre et les têtes tournaient. Les premières bouteilles ont été vidées et les secondes ont été emmenées par le trio. Au fil des verres, les désirs s’éveillent. Abdelaziz embrassa Fatiha. Excité, Abdellah s’approcha de Fatiha qui ne manifestait aucune opposition. S’il voulait coucher avec elle, il ne devait que lui verser de l’argent. Chose qu’Abdelaziz a refusé catégoriquement. « Mais elle n’est qu’une fille de joie. », lui a dit Abdellah qui ne pouvait plus se contrôler.
« Tu n’as qu’à aller à El Jadida pour chercher une autre », lui a-t-il rétorqué. Mais Abdellah continua à faire des avances à Fatiha. Son comportement a gêné davantage Abdelaziz.
Leurs trois amis, Miloud, Nouredine et Abdelkrim sont intervenus pour le dissuader. Mais en vain. Têtu, Abdellah a continué à provoquer Abdelaziz. Quand ce dernier l’a chassé, il n’a pas hésité de lui jeter des injures infâmes avant de sortir. Hors de lui, Abdelaziz s’est relevé de sa place, a saisi un couteau, a avancé vers lui en titubant et l’a lardé d’un seul coup avant de regagner sa place. Il passa alors la soirée avec ses amis et Fatiha. Sans lancer de cri, Abdellah est blessé à la partie gauche de sa poitrine qui saignait beaucoup. Le lendemain, Nouredine est sorti de la baraque pour se rendre chez lui.
Seulement, il a été choqué par la découverte du cadavre de son ami, Abdellah, gisant dans une mare de sang. Horrifié, il est retourné chez Abdelaziz, Fatiha et ses deux autres amis pour les réveiller et leur lancer la mauvaise nouvelle. Sans trop penser, Abdelaziz, a emprunté le chemin à destination du centre de la gendarmerie de Sidi Bouzid. «J’ai tué Abdellah sans en avoir l’intention», leur a-t-il avoué.
Il a été arrêté, ainsi que la fille de joie et ses trois amis. Seulement, ces derniers ont été relâchés. « Je regrette de l’avoir tué et je demande pardon à ses parents », a-t-il marmonné lors de son dernier mot.
Il a été condamné à 15 ans de réclusion criminelle. Prix trop cher à payer !