Khouribga. De coutume, Rajae passe par la même ruelle. C’est la seule issue qu’elle avait pour arriver au collège. À son quinzième printemps, elle poursuit ses études à la septième année de l’enseignement fondamental. Bien qu’elle ait des amies, elle se rend souvent seule au collège, sans compagnie. Parce qu’aucune d’entre elles ne demeure près d’elle et ne partage pas le même chemin.
En fait, personne ne la dérange, ni ne la provoque, ni ne lui barre le chemin ou ne l’agresse. Elle passe toujours sans le moindre problème. Seuls deux yeux la suivent souvent et comptent ses pas. Elle s’en est rendu compte, mais elle ne sait pas de qui il s’agit. Elle ne sait pas que le jeune homme qui la suit du regard s’appelle Saïd, qu’il est âgé de dix-huit ans et qu’il est sans profession. Elle ne sait de lui qu’une seule chose: c’est qu’il se plante le plus souvent au même coin, sans bouger. Mais elle ignore ce qu’il veut d’elle et ce que signifient ses regards chaleureux, qui la suivent d’un pas à l’autre comme son ombre. Des regards qui commencent à lui faire vibrer le coeur au point qu’elle perd son équilibre lorsqu’elle passe devant lui. Pourquoi ? C’est un sentiment étrange pour elle, elle ne sait pas qu’il s’agit du début d’un amour.
Au fil du temps, Saïd a décidé de prendre l’initiative, de lui exprimer son amour. Il a hésité la première fois et s’est contenté de lui adresser un sourire. Elle a fait semblant de ne rien remarquer. Pleine de joie, elle a continué son chemin à destination du collège. Elle ne rêve, depuis, que de lui au point que lorsqu’il est arrivé à lui exprimer son amour, il n’a pas trouvé de difficulté. Elle n’a manifesté aucun refus d’entretenir une relation amoureuse avec lui. Elle lui a demandé une seule chose : « Notre relation doit rester secrète ». Pourquoi ? Elle craint la réaction des membres de sa famille, notamment celle de son oncle maternel. Elle le considère comme son frère aîné. Elle n’ose pas le contredire ou s’opposer à ses ordres. Elle ne doit que lui obtempérer. Dans un quartier comme celui où habite Rajae, une relation d’un couple ne peut être qu’une occasion de médisance. De bouche à oreille, la nouvelle est arrivée à la mère, puis à l’oncle maternel. Hors de lui, ce dernier a attendu sa nièce.
Une fois rentrée, il l’a giflée, lui a crié que dans sa famille aucune fille ne doit avoir une relation avec un garçon si ce n’est dans le cadre du mariage. Et les garçons ? L’oncle maternel n’avait pas de réponse. Car ce qui importe pour lui était l’honneur des filles de la maison. Ce père de deux enfants, âgé de vingt-sept ans, est sorti ensuite chercher Saïd. Quand il l’a trouvé, il lui a demandé de laisser sa nièce tranquille, de ne plus lui adresser la parole. Sinon, il finirait par le liquider. Une menace qui n’a pas été prise au sérieux par Saïd. Et il a osé une fois encore s’approcher de Rajae, il lui a réaffirmé qu’il l’aimait et qu’il ne l’abandonnerait pas, qu’il se marierait avec elle une fois qu’il trouverait un emploi. Des promesses qui ont noyé Rajae dans un océan de rêves. Soudain, ils furent surpris par l’oncle maternel qui se tenait derrière eux.
Prenant la fuite, chacun d’entre eux s’est réfugié chez lui. L’oncle a rejoint sa nièce, l’a violentée cruellement au point qu’elle lui a promis de rompre sa relation avec Saïd. Ce dernier est sorti une nouvelle fois de chez lui, armé d’un couteau, cherchant l’oncle qui voulait le séparer de sa dulcinée. Une heure plus tard, les voilà face-à-face. L’oncle avait également l’intention de maltraiter Saïd pour qu’il ne touche plus à sa nièce. Il est également armé d’un couteau. Des injures, ils sont passés aux coups. D’un coup à l’autre, chacun d’eux a fini par brandir son couteau. Toutefois, l’oncle maternel était plus rapide que Saïd et lui a donné deux coups mortels, un au niveau du coeur et l’autre à la poitrine, avant d’attendre l’arrivée de la police.