Chambre criminelle près la Cour d’appel de Casablanca. Vêtu d’une chemise grise, d’un pantalon noire et portant des sandales en plastique, Saïd se tient devant les magistrats. Le président de la cour lui demanda de décliner son identité. «Je suis âgé de vingt-six ans, célibataire et sans profession », lui a-t-il répondu. Interrogé sur ses antécédents judiciaires, il a affirmé ne pas se souvenir de leur nombre. En effet, son casier est noirci d’antécédents judiciaires.
Le mis en cause a purgé plus de six ans de prison ferme pour plus d’une dizaine de délits et crimes. Issu d’une famille indigente du quartier Moulay Rachid, Saïd s’est inscrit dans une école primaire à l’âge de sept ans. Seulement, il n’a pas pu poursuivre ses études au-delà de la phase primaire.
À treize ans, il s’occupait déjà de ses frères et soeurs. Ses parents, qui sortaient tôt le matin pour travailler, le laissaient en compagnie de ses huit frères et sœurs. Ils passaient leur journée à errer dans le quartier sans objectif. Au fil des jours, Saïd a commencé à s’adonner à la drogue : quelques adolescents de son quartier lui ont proposé un jour des comprimés psychotropes. Celui qui ne fumait même pas une cigarette est devenu un accro des différentes sortes de drogues. Sans aucune source matérielle, il s’est jeté dans le gouffre de la délinquance et du vol. Il accompagnait un voisin du quartier à bord d’un vélomoteur pour voler les sacs à mains, les téléphones portables, les lunettes et les casquettes. Trois mois plus tard, son complice a été arrêté et soumis aux interrogatoires. Il l’a dénoncé bien évidemment et Saïd s’est retrouvé derrière les barreaux. Il a écopé de dix mois de prison ferme pour complicité au vol qualifié. Il a passé ces mois dans la Maison de rééducation réservée pour les mineurs. Relâché, il a commencé à «opérer» pour son propre compte. Il a perpétré une vingtaine de vols avant d’être arrêté une seconde fois. Traduit devant la justice, il est condamné à deux ans de prison ferme pour vol avec récidive. Après un an et deux mois, il a pu bénéficier d’une grâce royale. Cependant, habitué à la vie en prison, il a été appréhendé une semaine après sa libération pour avoir tabassé violemment un homme.
Il avait l’intention de lui délester son téléphone portable. Il a été condamné cette fois à dix-huit mois de prison ferme. Une fois relâché, il a été arrêté pour d’autres délits : il a purgé des peines d’emprisonnement allant de deux à quatre mois ferme.
Après sa sortie de prison, il a rencontré quelques amis qui l’ont invité pour s’enivrer. En conversant, Saïd a reproché à l’un de ses deux compagnons, Kamal, d’avoir entretenu une relation avec sa copine quand il était derrière les murs de la prison. Kamal lui a assuré qu’il n’avait pas couché avec elle et qu’elle sortait uniquement de temps en temps en sa compagnie. Saïd n’a pas cru à ses propos. Kamal, trente-deux ans, lui l’a sollicité de ne pas prêter attention aux mauvaises langues. Aussitôt, Saïd s’est levé et l’a asséné de coups de pied. Perdant son équilibre, Saïd s’est renversé. Il s’est levé un couteau à la main. Son ami a reculé tentant de s’enfuir. Seulement, Saïd était plus rapide que lui et lui a donné deux violents coups, l’un au niveau de son ventre, l’autre au niveau de son cœur. Kamal est tombé par terre. Son ami qui était en leur compagnie a pris la poudre d’escampette. Alors que Saïd ne s’est pas éloigné d’un iota du lieu de crime. Il y est resté jusqu’à l’arrivée de la police qui l’a arrêté et traduit devant la justice. Devant la Cour, Saïd a avoué son crime. Mais il a expliqué n’avoir pas l’intention de le tuer. «Il m’a provoqué», justifia-t-il son acte criminel.
Son avocat, constitué dans le cadre de l’assistance judiciaire, a précisé dans sa plaidoirie que Saïd est une victime de la société qui ne déploie aucun effort pour venir en aide aux délinquants et favoriser leur réintégration. Le représentant du ministère public a requis une peine maximale contre le mis en cause. Après les délibérations, la Cour a jugé Saïd coupable de coups et blessures ayant entraînés la mort sans l’intention de la donner et l’a condamné à 15 ans de réclusion criminelle. Quant à leur ami, qui avait pris la poudre d’escampette, il a été condamné à un an de prison ferme pour non-assistance à une personne en danger et non-dénonciation et ivresse.