Société

Jabiri, Victime d’une bavure policière

© D.R

La nuit du mercredi 17 mars 2004, Hassan Jabiri se dirigeait à grande vitesse vers Strasbourg sur l’autoroute A 35 à hauteur d’Ensisheim (Haut-Rhin) lorsqu’il avait été pris en chasse par les gendarmes.
La Peugeot 405 qu’il conduisait n’avait pas de plaque d’immatriculation ni pare-chocs arrière. Après une course-poursuite le véhicule s’était arrêté à hauteur de Colmar. Au moment de l’interpellation, un adjudant de la gendarmerie a tiré « accidentellement » atteignant Hassan à la tête. Le coup était parti alors que l’automobiliste, sorti de son véhicule et les mains sur le capot, avait, selon les gendarmes, esquissé un geste de rébellion. Selon la version officielle, donc le coup serait parti «accidentellement» lors d’une bousculade provoquée par Hassan. Vendredi, c’est-à-dire 48 heures après l’incident, ce dernier rendit l’âme à l’hôpital Pasteur de Colmar provoquant une grande désolation au sein des siens et des gens de son quartier. Agé de 33 ans, il était électronicien au chômage, marié et père d’une petite fille de huit ans, fils et frère d’une famille sans histoires. Selon sa soeur Nadia Jabiri, très affectée par la perte de son frère « Hassan était un homme apprécié de tous il avait une vie sans histoire et était bien intégré dans cette société.
Il avait un bac plus 2 en électronique, et était le premier bénévole éducateur de jeunes dans son quartier. Il rendait toujours service à qui le lui demandait et ne disait jamais non. » Pour elle, comme pour le reste de la famille, la mort de Hassan est une « bavure policière ». Et Nadia d’ajouter « Il rentrait d’un séjour au ski et cela lors d’un contrôle routier. Ce contrôle à été fait par 4 gendarmes de Colmar , un des gendarmes, le plus gradé et le plus ancien des quatre, a tué Hassan par l’arrière, d’une balle dans la tête qui lui a traversé le cerveau. Hassan était en règle au niveau de tous ses papiers et la voiture lui appartenait. Hassan n’était en possession d’aucun stupéfiant et n’avait aucune arme.
Le gendarme affirme que cela était un accident. La famille ne croit pas à la thèse des gendarmes sur le déroulement des faits ». Samedi d’après, 800 personnes (600 selon la police) ont défilé silencieusement en sa mémoire dans Strasbourg. La plupart venaient du quartier du Neuhof, d’où Hassan était originaire. Au premier rang, sa famille.
L’incompréhension fut unanime. Un ensemble d’associations strasbourgeoises avaient immédiatement réagi en émettant un communiqué dans lequel elles exigent « que lumière soit faite sur les circonstances exactes de la mort de notre frère, fils, conjoint, père et ami. » Et d’ajouter, « Nous ne pouvons qu’exprimer notre compassion à l’égard des proches de Hassan et demander que justice soit faite afin que ce tragique événement ne soit pas exploité par la colère et la désespérance des jeunes de nos quartiers populaires, et instrumentalisé politiquement à la veille d’échéances électorales.
La colère, sentiment légitime en pareilles circonstances, ne doit pas se retourner contre les habitants des quartiers déjà suffisamment précarisés. Le deuil de la famille d’Hassan doit être respecté et surtout pas souillé par la haine et la violence. En ces temps troubles, nous demandons à ce que les plus hautes autorités de l’Etat et des collectivités prennent leurs responsabilités pour que la surenchère sécuritaire cesse de criminaliser les citoyens français issus de l’immigration, premières victimes de l’exclusion économique, sociale, culturelle, urbaine et des discriminations qui l’accompagnent» . Les signataires sont ATMF (Association des travailleurs maghrébins de France), ACMMV (Association culturelle Maghrébine de la montagne Verte), ACMN (Association Culturelle Maghrébine du Neuhof), ANAE (Association des Nords Africains de l’Elsau), ASK (Association Solidarité Koenigshoffen), Eveil Meinau, AMBR (Association des Marocains du Bas-Rhin).
On décrivait le défunt comme un homme «sans histoires», qui n’a jamais eu affaire à la police. C’est ainsi que la famille du défunt s’est constituée partie civile. « Nous ne prétendons pas que ce gendarme a voulu provoquer intentionnellement la mort de Hassan Jabiri. Simplement, il y a des zones d’ombre très importantes qui devront évidemment être éclairées », a dit à Reuters Me Francis Metzger, avocat de la famille. « Ce que nous ne comprenons pas, c’est pourquoi ce gendarme se tenait à une distance aussi faible par rapport à une future victime avec en main une arme de poing qui était armée, dont le cran de sûreté était abattu », a-t-il ajouté. La semaine d’après, le procureur de la République de Colmar, Pascal Schultz, a annoncé l’ouverture d’une information judiciaire pour homicide involontaire et parlé d’une « faute » du gendarme qui n’aurait pas dû participer à la fouille de la personne interpellée, une arme à la main. Le procureur de la République de Colmar a confié l’enquête à la section de recherche et à l’inspection technique de la gendarmerie.
A présent, la famille s’apprête à ensevelir la dépouille de son fils Hassan, avant de retourner en France pour suivre de près le déroulement de l’enquête. Il y a toujours dans le deuil de l’immigré quelque chose qui manque, une absence d’harmonie qui le rend plus navrant. Dans le cas Hassan Jabiri, ce quelque chose est le geste incompréhensible d’un gendarme expérimenté.

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