Société

Jamal Benomar : Le retour

© D.R

Jamal Eddine Benomar est de retour au pays. Le fils du Rif, celui qui a passé plus de 8 ans de sa vie en prison lors des années de plomb, actuellement secrétaire général adjoint de l’ONU chargé du dossier de la reconstruction de l’Irak a regagné dimanche le Maroc. Un retour qui met fin à plus de 20 ans d’exil. Mais il ne faut pas s’y tromper. Si Jamal Eddine Benomar est au Maroc, c’est uniquement pour une semaine et pour des raisons personnelles, liées au décès de sa mère. «Je suis au Maroc pour être avec ma famille en ces tristes circonstances », a déclaré M. Benomar à ALM.
La précision s’impose dans la mesure où depuis son départ, l’intéressé, qui dit « aimer le Maroc » et être « prêt à participer au renforcement de la liberté que le pays commence à connaître » ne veut pas revenir à n’importe quel prix. «Il faut que l’Etat marocain présente ses excuses, de manière officielle, solennelle, à ces milliers de victimes que les années de plomb ont entraînées». Qu’est-ce qui explique tant de fermeté ? Revenir à l’Histoire, aux multiples rebondissements et aux parcours, tragiques dans un premier temps, glorieux par la suite, de Benomar, c’est comprendre ses positions. Né en avril 1957 à Nador et dans une famille de militants, il s’est vu à un âge très jeune (dès 15 ans) s’impliquer dans la lutte pour le changement au Maroc. Epousant  les thèses d’Ilal Amam, clandestin, il sera pincé une première fois, en janvier 1976 à Rabat, en possession de paquets de tracts de l’organisation d’Abraham Serfaty.
À 18 ans, il est de nouveau arrêté puis transféré à Derb Moulay Cherif, où il sera emprisonné pendant huit mois, tortures à la clé. Il n’aura droit à un procès qu’en février 1977 et il est condamné à 10 ans de prison ferme. A la prison de Kénitra, et entre passage à tabac, grèves de la faim et «réunions de cellules », il poursuivra ses études. Il va se consacrer à une thèse sur les droits syndicaux, à la mémoire de son père, qui était militant de l’Union marocaine du travail (UMT). Du fond de sa cellule, Il correspond régulièrement avec plusieurs universitaires de renom. Parmi eux, André Adam, alors professeur du défunt Roi Hassan II, et premier directeur de l’École nationale d’Administration à Rabat. Et c’est grâce à ce dernier, par le moyen d’une intervention discrète que Benomar sera extirpé de la prison. C’était en 1983.
Son exil commencera quelques mois seulement après sa libération. Et pour cause, Benomar est interpellé suite aux émeutes du Rif. A ce sentiment de menace permanente de revenir en prison s’est ajoutée une invitation du CNRS (France) qui lui propose d’effectuer un travail de recherche. Ne pouvant pas avoir de passeport, obstination de Driss Basri, alors ministre de l’Intérieur, oblige, il décide alors de prendre le large, à sa manière. Il est ainsi le tout premier marocain à emprunter une patera pour rejoindre l’Espagne, puis l’Angleterre pour enfin atterrir à Paris.
Depuis, bien du chemin à été parcouru, amenant Benomar d’abord au CNRS, ensuite au siège d’Amnesty International en Grande-Bretagne, dont il a la nationalité, puis  à Genève et enfin à New York,  où il est M . Irak au sein de l’Organisation des Nations unies. Il fait partie du cercle restreint qui traite ce dossier. C’est lui qui a supervisé la préparation et l’installation du gouvernement intérimaire présidé par Iyad Allaoui. Et c’est encore lui qui a préparé les dernières élections irakiennes de 2005. La tâche de la préparation d’une nouvelle Constitution pour ce pays lui revient également.
Une carrière et des fonctions qui ne l’ont pas pour autant éloigné de son pays dont il continue à suivre l’évolution. Une évolution qui reste, notamment sur le plan des droits de l’Homme, à achever. « La procédure entamée sur ce plan n’est pas encore achevée. Faire la lumière sur ce qui est réellement passé pendant les années de plomb au Maroc est une très bonne chose. Mais il s’agit d’une première étape, qui doit être suivie de bien d’autres si on veut vraiment et définitivement tourner la page des années noires de notre Histoire contemporaine», affirme-il.
Pour lui, Il y a d’abord la réhabilitation des victimes, mais il y a aussi, et surtout, la justice qui doit prendre le relais et sanctionner les responsables des atteintes aux droits de l’Homme. « Parce que tant qu’il y a des responsables de ce qui s’est passé qui circulent en toute impunité, on ne pourra pas dire que la page est tournée. Les expériences comme celle du  Chili, et les crises, liées à cet état de fait, que ce pays a traversées, prouvent qu’impunité ne rime jamais avec réconciliation. Le dossier est donc loin d’être réglé». Cela dit, liberté il y a au Maroc.
«  Une liberté que j’ai pu découvrir à travers le dynamisme de la société civile et des associations de droits de l’Homme, à travers la liberté d’expression qui règne actuellement, du jamais vu pour moi quand j’étais encore au Maroc. J’ai pu aussi constater l’existence de véritables institutions et de lois. Mais il ne faut pas oublier qu’il existe toujours des abus », constate-t-il. Une manière de dire que tout n’est pas gagné d’avance.

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