Société

Joseph le Marocain

«…Hassan a émigré clandestinement vers l’Italie… réalisant ainsi son rêve…». C’est ce que prétend Abdeslam au douar Aït Idine, à Khemisset. Cela remonte à 1999 quand son frère Hassan a disparu sans laisser de trace. «C’est bizarre que Hassan disparaît en un clin d’oeil. Trop bizarre pour dire qu’il a émigré clandestinement», pensent certains habitants du douar. «…Sans doute ne supporte-t-il plus les réactions et les comportements de son père. Le choix d’émigrer était peut-être la seule solution pour lui…», affirment d’autres.
Yzza, la mère de Hassan, se contente de pleurer, elle ne peut plus retenir ses larmes et ne croit pas qu’il est allé au delà de la Méditerranée. «Hassan est le seul de mes enfants qui ne peut faire quelque chose sans me demander de prier pour lui…Il ne peut me laisser dans un pareil état…», confie-t-elle à son fils Abdeslam, qui tente d’apaiser son chagrin. Zahra, l’épouse de Hassan, n’a pas pu avaler cette couleuvre. «…Hassan est mon mari, je le connais très bien…Il aime ses deux filles et ne peut les laisser à leur propre sort avec son père cruel…» affirme-t-elle à sa mère qui vient la soutenir et prendre soin d’elle. En effet, Hassan n’était pas comme son père et son frère Abdeslam. Il est connu depuis son adolescence par les habitants du douar, par sa gentillesse et son sens aigu du civisme. Il ne ménageait aucun effort pour les aider et les soutenir.
Tout le monde l’aime, l’apprécie, l’estime. Contrairement à son père qui est cruel, méchant, avare, ne pensant qu’à lui-même. Et pourtant, il aimait son fils, Hassan, qui le lui rendait parfaitement. Ce qui n’est pas le cas pour Abdeslam, qui ressemble à son père, surtout en sa cruauté et sa méchanceté. Abdeslam n’aime personne, y compris lui-même.
Quand arrive l’été 2000, les habitants du douar se sont souvenus de l’affaire du tracteur qui a opposé, pour la première fois d’une façon directe, Hassan à son père Abbès. Ils se rappellent quand Hassan les aidaient à cultiver leurs champs par le tracteur de son père. Il recevait une contrepartie chez les uns et exonérait les autres. «…Ce tracteur n’est pas fait pour faire l’aumône aux habitants du douar…Celui qui n’a pas d’argent doit se jeter à la mer…Personne ne m’a donné ce tracteur… les services du tracteur doivent être payés…», lui dit son père. «…Mais mon père, Dieu nous conseille d’aider les gens et nous, nous sommes à l’aise grâce à lui. », lui répond Hassan. Son frère, Abdeslam, intervient : « celui qui veut aider les habitants doit les aider de ce qu’il dispose et non pas les soutenir par les moyens du paternel… ». Abbès lève sa main et gifle Abdeslam qui ne réagit pas observant un calme inaccoutumé. Hassan n’a rien compris, il reste figé sans dire un mot. Abdeslam le dévisage drôlement comme s’il le voiyait pour la première fois et se lève par la suite pour se réfugier dans les champs. Hassan le rejoint, tente de l’apaiser. « …ne t’énerve pas…Tu sais que mon père est un peu nerveux…», lui dit-il. Abdeslam ne répond pas, il se contente de le scruter et le repousser un peu plus loin comme s’il ne voulait pas de lui, ni de ses conseils.
Une semaine plus tard, le père vend le tracteur.
Hassan n’a pas protesté. Depuis, il ne travaille pas, il reste chez lui la majorité du temps pour rejoindre quelques amis du douar le soir. son père lui verse de l’argent pour entretenir sa famille.
Un comportement qui a nourri la haine d’Abdeslam envers son frère Hassan. Pourquoi toute cette haine envers Hassan ? « Parce que Abbès le préfère à Abdeslam, bien que ce dernier lui ressemble dans ses comportements» disent les habitants.
Deux ans plus tard, Hassan ne donne toujours pas de signe de vie. Et Zahra, son épouse, n’arrive pas à l’oublier, ni a chasser de sa tête l’image du cadavre de l’âne découpé et jeté dans le puits. Un ami de Hassan, auquel elle avait relaté l’histoire, lui conseilla d’alerter les gendarmes. Ce qu’elle fit tout de suite après. Les sapeurs pompiers ont été mobilisés pour fouiller le puits. Et c’était la surprise des enquêteurs. Un pantalon vert, un tee-schirt blanc, un crâne et un tibia ont été découverts. Abdeslam est arrêté.
«C’est moi qui l’ai tué le jour du souk hebdomadaire», avoue-t-il. Il lui a fracassé le crâne avec un bâton, alors qu’il était seul chez lui. Il l’a tiré par la suite pour le jeter dans le puits.
«C’est mon père et les habitants qui m’ont poussé à le haïr…Tout le monde l’aime alors qu’ils me détestent…», a-t-il déclaré à la Cour de la chambre criminelle près la Cour d’appel de Rabat. Et pourtant, le verdict était clément : 15 ans de réclusion assortie de dommages et intérêts de 60 mille dirhams au profit de l’épouse et des deux enfants du défunt.

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