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Journée internationale des femmes : Une nouvelle génération de féministes au Maroc !

© D.R

Le Maroc célèbre ce dimanche 8 mars la Journée internationale des femmes

Les femmes marocaines sont souvent décrites dans les médias occidentaux comme des victimes impuissantes et passives, une représentation qui est constamment nourrie par la prolifération de l’islamophobie dans le monde occidental. De telles opinions diffusent un discours homogénéisant qui ne prend guère en compte l’énorme potentiel des femmes marocaines. Une réponse spectaculaire à cela est une génération émergente de jeunes féministes marocaines qui appellent à la diversité, à la liberté individuelle, à la justice de genre et à la paix, revitalisant ainsi un mouvement féministe déjà dynamique.

L’appel à la diversité et à l’égalité fait venir à l’esprit les militantes féministes amazighes qui cherchent à contrer les stéréotypes tenaces qui affligent encore la mentalité de certain(e)s universitaires véhiculant encore des vues biaisées de l’histoire du Maroc. Ces militant(e)s cherchent à mettre en évidence l’hétérogénéité des femmes marocaines, celle de leurs langues diverses, la répartition du pouvoir et les écarts socio-économiques et sociopolitiques entre hommes et femmes.

Les nouveaux militants utilisent une approche multidisciplinaire et inclusive qui cherche à déconstruire les opinions fausses et racistes. Les médias, en tant qu’ensemble d’images graphiques, visuelles et textuelles véhiculées par la télévision, les journaux, les magazines et les publicités radiophoniques, ont un pouvoir notoire. A travers des messages subtils, ce pouvoir agit sur le subconscient des gens, façonne leurs attitudes et leurs comportements et interfère dans leurs croyances et leurs valeurs. Les images intériorisées ont un effet durable sur les consommateurs de médias dans un monde où les images voyagent plus vite que les idées et où le développement des nouvelles technologies est très rapide.

En abordant la diversité et la liberté individuelle, les nouveaux militants féministes deviennent une arme puissante de lutte contre la violence à l’égard des femmes. Les activités que ces militantes organisent soulignent que les femmes doivent avoir le contrôle de leur corps et des choix qu’elles en font, tels que leur désir d’être enceintes et le nombre d’enfants qu’elles souhaiteraient avoir.

En ce qui concerne la justice de genre, les nouveaux militants s’efforcent de sensibiliser les garçons et les filles des lycées à la justice de genre à travers les médias que ces jeunes aiment et comprennent, comme le théâtre, la caricature et les jeux. Ce faisant, ils s’efforcent de mettre en œuvre l’égalité dans le présent et l’avenir, ce qui aidera d’autres acteurs du plaidoyer tels que les associations des femmes, des droits humains à faire pression sur l’État pour obtenir plus de droits légaux. La justice et l’égalité entre les sexes sont importantes pour le développement des pays. A ce titre, la nouvelle génération de féministes marocaines construit à la fois leur vision des luttes antérieures des associations de femmes et innove en termes de contenu et de stratégie.

La justice de genre améliorera également le langage de la loi en la rendant plus inclusive des femmes et de leurs préoccupations et en éliminant certaines expressions «dérogatoires». Elle facilite l’accès des femmes à la justice en permettant à davantage de femmes d’accéder aux tribunaux de famille, de demander des conseils juridiques, etc. La justice de genre sera également bénéfique pour les femmes vulnérables et opprimées qui demandent le divorce, poursuivre leurs maris en justice si ceux-ci prennent une seconde femme sans consulter la première, etc.

En utilisant la diversité et la justice de genre comme concepts analytiques et utilisant des sujets et des stratégies spécifiques tels que le théâtre, l’art, la caricature, etc. pour démystifier les stéréotypes profondément enracinés et les idées préconçues, Hya illustre l’action des femmes dans un patriarcat basé sur une division de l’espace entre hommes et femmes. Il est important de rappeler que le droit marocain de la famille (Moudaouana) est codé en arabe standard, une langue non maternelle que seules les femmes instruites peuvent comprendre. Le taux d’analphabétisme chez les femmes marocaines reste élévé (autour de 40%). Même parmi les femmes instruites, très peu d’entre elles comprennent le langage juridique. Il est vrai que certaines ONG se sont efforcées de remédier à cela, mais beaucoup de chemin reste à faire à ce niveau. Une maîtrise du langage juridique est très importante parce qu’elle facilite l’accès à la justice et permet à la femmes d’avoir confiance en elle-même dans ses transactions avec son mari et sa famille. En abordant la diversité et la justice de genre, les nouveaux acteurs offrent un espace unique qui non seulement comble divers écarts dans la société marocaine, mais met en évidence le potentiel sous-estimé des femmes marocaines. En effet, ces femmes ont toujours prospéré en franchissant les frontières des tendances idéologiques dominantes qui ont oscillé entre conservatisme et modernité dans le passé et aujourd’hui entre laïcité et islamisme.

Enfin, en promouvant la paix, la nouvelle génération de féministes marocaines favorise la sécurité des femmes. Il est important de noter ici que le concept de sécurité est une construction humaine qui a été interprétée différemment par différentes personnes car elle dépend de divers contextes et de différents scripts culturels. La paix est étroitement liée à la sécurité. L’approche des nouveaux acteurs marocains impose donc une nouvelles conceptualisation de la sécurité car le sentiment de sécurité des femmes et sa violation sont différents de celles des hommes ; ainsi, une compréhension plus approfondie des variables sociales qui définissent les constructions et les significations de genre est nécessaire.

En associant la diversité à la paix, les nouveaux acteurs féministes forcent une approche intersectionelle du genre au Maroc, c’est-à-dire qu’ils forcent une vision plus complexe des relations de genre dans ce pays et nous poussent à inclure des variables sociales telles que l’origine géographique (rurale ou urbaine), la classe sociale (supérieure, moyenne, inférieure, ou sans ressources), niveau d’éducation (éduqué, non-instruit, analphabète), possibilité d’emploi (emploi formel ou informel), compétences linguistiques (monolingue, bilingue ou multilingue), et statut social (mariée, célibataire, veuve, divorcée, etc.

En effet, pour ces nouvelles voix, les femmes portent de multiples valeurs que l’inégalité entre les sexes rend invisibles. Ces nouveaux acteurs doivent être respectés et méritent d’être encouragés. Un exemple de ces associations est Femmes pour la diversité et la paix – AFDP par le projet Hiya (Elle), une initiative visionnaire créée par l’ambassade de Suisse à Rabat. Créée en 2018 par deux femmes marocaines, et utilisant un mélange d’approches de genre du Sud et du Nord, le projet Hya vise à promouvoir les femmes marocaines en tant qu’ambassadrices de la paix dans un Maroc divers et pluriel. L’objectif majeur de l’association est de connecter ces femmes à d’autres femmes créatrices de paix pour un monde équilibré et durable.

Bravo les nouvelles féministes marocaines !

Fatima Sadiqi,

chercheure marocaine

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