Société

La bassesse d’un client

Fatiha n’avait pas besoin d’un conseil pour prendre l’initiative de se plaindre auprès de la Gendarmerie d’Ezemmour. D’abord, bien qu’elle ait seulement vingt ans, elle a déjà éprouvé le calvaire ; elle s’est livrée à la corvée depuis son quinzième printemps. La pauvreté et la misère de sa famille l’ont contrainte depuis cinq ans à regagner quotidiennement «Al Mawkef», situé juste à côté de la gare routière d’Ezemmour, en quête d’un client. Parfois elle y arrive et d’autres fois elle retourne chez elle sans le moindre sou.
«Viens, viens,…» l’appelle un jeune, ce matin du lundi 4 mars 2002.
Elle avance vers lui sans hésiter, le surprend par un sourire innocent. Il lui demande de monter derière sur son vélomoteur.
«Mais où allons-nous ?», lui demande-t-elle.
«Tu ne veux pas travailler ?» lui lance-t-il avec ironie. Fatima accepte et monte derière son client. Elle remarque que la route s’allonge de plus en plus. «Mais tu as dit que ton domicile n’est pas loin de là…», remarque-t-elle. Il ne lui répond pas. Elle s’inquiète, son coeur bat la chamade. Elle n’a pas le choix, elle doit l’accompagner. «Qui sait ? Il pourrait être un brave homme…», conçoit-t-elle.
Douze kilomètres plus loin d’Ezemmour, le jeune s’arrête et lui demande de descendre. Fatiha lance des regards à gauche et à droite. «C’est vrai, voilà une maison qui est entre les champs», se dit-elle.
Fatiha tente de garder son calme, le suit à pas lents. Il ouvre la porte, se tourne vers elle. Elle se plante à sa place. Il recule de deux pas, la saisit par la main et la tire violemment vers lui. Elle tente de crier quand elle remarque qu’il s’agit d’une étable. Il ne lui laisse pas le temps d’ouvrir la bouche pour brandir son couteau : «Je te tue si tu cries…», la menace-t-il.
Elle se tait et obtempère à ses désirs qui sont allés jusqu’au bout. Elle fond en larmes quand elle a remarqué des gouttes de sang. «Que dois-je faire maintenant, je te dénonce aux gendarmes?» Et comme s’il avait regretté son comportement, il la prend entre ses bras et lui promet de l’épouser. Il la reconduit à bord de son vélomoteur jusqu’à Ezemmour. Elle lui laisse son adresse. «D’accord je vais venir avec mes parents d’ici deux jours au maximum…» la rassure-t-il. Une semaine est passée sans que le jeune ne donne signe de vie. Elle se décide enfin.
«Il m’a dit qu’il s’appelle Abdellah…», affirme-t-elle aux gendarmes.
Les limiers l’accompagnent à la demeure de son violeur. «Abdellah n’est pas là, il est à Casablanca depuis un mois…», leur dit son père.
Les recherches des gendarmes n’ont pas pris fin jusqu’au jour où ils l’ont arrêté. D’une question à l’autre, Abdellah, vingt-six ans, passe aux aveux.
«Comment cela s’est passé… tu étais à Casablanca… ?», dit son père, étonné.
«Quand je l’ai violée, j’ai retourné le même jour à Casablanca…», répond-il.
«Et le vélomoteur ?», lui demande le chef de la brigade.
«Je l’ai remis à mon ami…Il me l’a prêté pour un jour…», précise-t-il.
Abdellah se tient la tête dans les mains quand il a entendu le jugement : 4 ans de prison ferme.

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