L’institution d’une autorité de régulation indépendante s’impose
La Cour des comptes a procédé, durant la période 2006-2019, au contrôle de la couverture médicale de base (CMB), dans ses différentes composantes, à savoir l’AMO des secteurs public et privé et le RAMED. Il en ressort que le taux global de couverture de la population a atteint 68,8% à fin décembre 2018, dont 28,8% des assurés de l’AMO et 31% bénéficiaires du RAMED. Seulement 9% de la population bénéficie d’une couverture médicale dans le cadre de régimes spécifiques (mutuelles, caisses internes et/ou assurances privées). La Cour des comptes note que bien que la population couverte par la CMB enregistre une tendance haussière, encore près d’un tiers de la population (31,2%) reste hors champ de cette couverture. Il s’agit notamment : des travailleurs non-salariés (TNS), dont l’effectif des assurés ne dépasse pas, à fin 2020, 3.441 bénéficiaires, d’une population éligible, désignée par l’article 114 de la loi n°65-00, estimée fin 2020 à plus de 788.975 employés. En plus de certaines populations spécifiques constituées principalement d’employés du secteur privé (population à droits fermés) et dont l’effectif s’élève en 2020 à 602.046 personnes. Concernant les résultats et l’équilibre financier de l’AMO, la Cour relève que l’AMO/CNSS réalise des excédents, depuis son instauration, ce qui lui a permis de constituer des réserves de l’ordre de 28,7 MMDH à fin 2019 et un résultat net de 3,9 MMDH. Quant à l’AMO/CNOPS, celle-ci a enregistré son premier résultat technique négatif en 2016, suivi d’un résultat global déficitaire en 2017 et en 2018. Ainsi, «l’AMO/CNOPS présente une situation financière à assainir et, à partir de 2016, les cotisations et les contributions ne couvrent plus les dépenses de prestations en plus des charges d’exploitation et des réserves techniques», indique la Cour dans son rapport annuel au titre des années 2019 et 2020. La Cour signale qu’en 2020, les indicateurs de résultats de l’AMO ont connu de légers changements sous l’effet des conséquences de la pandémie de Covid-19 surtout pour l’AMO/CNOPS qui a ainsi réalisé un résultat technique de 134,7 MDH et un résultat net de 823,5 MDH.
Faiblesse du taux de couverture réel des frais engagés
Au sujet du panier des prestations couvertes par la CMB, la Cour fait remarquer qu’aucun système d’actualisation régulière n’a été prévu et le panier ne suit pas convenablement l’évolution des soins liée à son tour au développement des technologies et des sciences de la médecine. La Cour estime que l’absence de ce système se traduit par un défaut de maîtrise de l’évolution du panier de soins, aussi bien en termes de contenu que de tarifs, ce qui est de nature à se répercuter négativement sur la préservation de l’équilibre du régime. Quant au taux de couverture, pour les bénéficiaires du RAMED, la prise en charge des frais de soins ne concerne que les prestations dispensées par les établissements de santé publics. Par conséquent, la Cour estime que le taux de couverture des dépenses de soins consommés par les bénéficiaires ne peut être déterminé. Pour les assurés de l’AMO, en l’absence de nomenclatures et de tarifs mis à jour, le taux de couverture réel des frais engagés par les assurés demeure largement en deçà des taux réglementaires. Par poste de soins, ce taux se situe, en 2020, entre 19% (pour les verres et montures) et 97% (pour la dialyse) pour l’AMO/CNSS et entre 40% et 100% pour l’AMO/CNOPS. La Cour précise que la faiblesse du taux de couverture réel des frais engagés, notamment pour certains postes de soins, est pénalisante pour l’assuré qui doit prendre en charge le reste. « En l’absence de mécanismes dédiés au développement des ressources et au contrôle des dépenses, l’équilibre financier et la pérennité de la CMB et plus particulièrement de l’AMO restent tributaires des aides de plus en plus importantes» indique la Cour.
La mise à niveau de l’hôpital public, principal levier de la CMB
Pour pallier les dysfonctionnements relevés, et dans la perspective de la généralisation de l’AMO et son application aux bénéficiaires du RAMED à l’horizon 2022, la Cour des comptes a recommandé au ministère de la santé et de la protection sociale et au ministère de l’économie et des finances de revoir les paramètres de financement de la couverture médicale de base et d’engager une réflexion sur les mécanismes de diversification des ressources et moyens de son financement. Elle a aussi suggéré de mettre en place un cadre de gouvernance de la CMB dans sa globalité et d’instituer une autorité de régulation indépendante dotée des pouvoirs et moyens nécessaires, et adopter un système de veille et de prévention sanitaires et une politique pharmaceutique efficace. Enfin, la Cour a insisté sur l’importance de mettre à niveau l’hôpital public, en tant que principal levier de la couverture médicale de base, et du contrôle du secteur de santé privé.