Quelle mouche a piqué Driss Basri? C’est la question que se sont posés (et continuent d’ailleurs) bon nombre de Marocains, peu informés de la réalité politique et des coulisses sécuritaires dans notre pays. Et pour cause, l’ancien homme fort du régime de Feu Hassan II est sorti du mutisme médiatique qui le caractérisait pendant ses années de gloire, en multipliant les interviews et les déclarations intempestives accordées à des journaux et chaînes télévisées au Maroc, en Espagne, en Algérie et dans beaucoup d’autres pays.
L’ex-ministre d’Etat à l’Intérieur a procédé à un grand déballage. A chaque entretien, c’était le même refrain. « Je suis une victime ». De qui? De quoi? On n’en saura pas davantage. Toutefois, les Marocains retiendront des multiples sorties médiatiques Basri trois choses essentielles. La première est que l’homme qui faisait la pluie et le beau temps au Maroc n’a plus de passeport. Mais il se balade d’un pays européen à un autre sans aucun problème. Dans le même sillage, le bras droit de Hassan II crie à qui veut l’entendre qu’il possède à peine de quoi subvenir à ses besoins. En fait, le message que Basri veut transmettre aux Marocains (qui ne sont pas naïfs) c’est qu’il n’a bâti aucune fortune personnelle après 30 ans au pouvoir. C’est trop beau pour être vrai.
Voilà pour le premier aspect. Deuxièmement, Driss Basri, a adopté une position irritante, c’est le moins qu’on puisse dire, concernant l’affaire de l’intégrité territoriale du Maroc. En parlant de « Sahara occidental », en qualifiant les militaires algériens au pouvoir de « frères » ou en considérant Bouteflika de « visionnaire », ce ne sont ni les diplomates marocains, ni même les responsables politiques du dossier du Sahara, que Basri agresse en premier lieu. Au contraire. Il est coupable d’outrage à tous les militaires morts sur le champ de bataille, à tous les blessés de guerre marocains, aux centaines de prisonniers civils et militaires torturés jusqu’à la mort dans les camps de Tindouf, aux veuves et aux orphelins dont les proches sont tombés sous les balles de militaires algériens.
Basri a également exaspéré les Sahraouis des provinces du Sud, dont les proches sont toujours séquestrés sur le sol algérien et dont le développement socio-économique a été retardé du fait, entre autres, de ce maudit conflit.
Quant à la troisième facette de ce personnage trés étonnant, c’est la cerise sur le gâteau. On se rappellera toujours de ses prestations en langue arabe. Du mot « Aguenague » (têtes) à « Marahib » (bienvenues), Basri aura excellé dans l’art d’abuser du charabia. Il est réellement incapable de prononcer une seule phrase en arabe classique sans y glisser une expression ou un mot en dialectal que, d’ailleurs, tous les Marocains ne comprennent pas forcément.
Voilà pour les remarques de forme. Pour ce qui est du fond, il ne fait pas de doute que Basri est en train d’exécuter une véritable stratégie de brouillage à grande échelle. Contrairement aux apparences et contrairement à l’image qu’il veut donner de lui-même, Basri n’a jamais entretenu de relations étroites, encore moins cordiales, avec les militaires algériens au pouvoir. C’est de notoriété publique. Toutefois, il a conservé des relations très « amicales » avec des responsables sécuritaires en Europe, en France notamment, où il a un pied-à-terre.
Son parcours et son goût accentué du pouvoir l’ont empêché de se tenir à l’écart des enjeux géopolitiques régionaux. Son limogeage et la persécution dont il se dit victime l’ont donc poussé à jouer un nouveau rôle, celui d’empêcheur de tourner en rond.