Des centaines de millions de dollars réclamés, des millions de morts potentiels évoqués, jour après jour, la grippe aviaire fait l’objet de déclarations maximalistes qui contrastent singulièrement avec le bilan humain encore très limité de la maladie. Rarement une menace sanitaire aura fait l’objet de prévisions aussi alarmistes.
À Ho Chi Minh-Ville, au cours d’une conférence de trois jours consacrée à la lutte contre le virus H5N1, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a de nouveau brandi le scénario-catastrophe. « Nous pensons, à l’OMS, que le monde est face au plus grand danger possible de pandémie », a estimé le Dr. Shigeru Omi, directeur Asie-Pacifique de l’OMS. « L’impact sanitaire en termes de morts et de la maladie sera énorme et certainement plus important que le SRAS », a-t-il affirmé en allusion au Syndrome respiratoire aigu sévère qui avait fait environ 800 morts dans le monde il y a deux ans. L’an passé déjà, l’OMS avait jugé la maladie capable de tuer des millions de personnes. Or, 45 morts ont été officiellement enregistrés depuis fin 2003, au Vietnam et en Thaïlande.
À titre de comparaison, la tuberculose tue 150.000 personnes, rien qu’en Chine, chaque année. Si la grippe aviaire représente une menace réelle, nul ne peut la chiffrer. « On est sur un scénario de probabilité », résume Christophe Paquet, épidémiologiste à l’Institut national de veille sanitaire (INVS) à Paris. « Dire que le virus fera 0 ou 100 millions de morts, c’est faire deux paris. Personne ne sait lequel des deux a le plus de chance de se réaliser. Mais le prix à payer en cas d’erreur n’est pas le même dans les deux hypothèses », ajoute-t-il.