Rares sont les moments durant lesquels il prend en toute quiétude son déjeuner. Vu la nature de son métier, il rentre le plus souvent chez lui à une heure tardive. Parfois, à peine arrivé au seuil de la porte de sa maison, il est sollicité de rebrousser chemin à son bureau. Sa profession de policier l’oblige à répondre rapidement aux alertes urgentes des citoyens. Une fois alerté, il se dépêche sur les lieux du crime avant la disparition des preuves tangibles lui permettant d’élucider le mystère du crime. Ce jour, le commissaire, chef d’une brigade criminelle de la police judiciaire de Salé, s’apprêtant à prendre son déjeuner, a été informé par téléphone d’un crime perpétré au quartier Al Inbiâte, à Salé.
De l’autre côté du fil se trouvait le chef de la PJ qui l’a chargé d’enquêter sur cette affaire. Le commissaire de police ordonne ses limiers de se dépêcher sur ce quartier considéré comme l’un des points noirs de la ville. Ils y sont arrivés quelques minutes plus tard. Les badauds s’attroupaient dans un coin du quartier.
Les enquêteurs sont descendus du fourgon et se sont dirigés vers le lieu de l’attroupement. En les dispersant, les policiers ont remarqué une mare de sang mais sans cadavre. Les enquêteurs ont échangé des regards avant que le chef ne s’adresse à l’un des badauds pour l’interroger sur le cadavre.
« Il est encore en vie et il a été évacué par la Protection civile vers les Urgences », a répondu un témoin. Il semble que les policiers n’ont pas été alertés à temps. L’un des badauds, qui avait constaté que la victime est encore en vie, a téléphoné à la Protection civile avant d’appeler la police. Le chef de la brigade a donné son ordre à l’un des inspecteurs de police de se déplacer vers les Urgences afin qu’il se rassure si la victime est encore en vie et de l’interroger si son état de santé le permet. Les enquêteurs ont entendu les témoignages des badauds, qui ont assisté à la scène.
Selon les premiers éléments des investigations, l’affaire est très banale et a connu un tournant dramatique.
Deux voisins, un employé et un prothésiste, se disputaient souvent pour la moindre des choses. Il suffit que l’un exprime un avis que l’autre personne le contredit. Et la bagarre s’éclate ! Leur différend remonte à des années. Personne ne se souvient de la vraie raison de cet accrochage permanent. Les voisins sont intervenus à maintes reprises pour mettre fin à cette situation.
Mais en vain. La relation entre les deux parties s’est dégradée au fil du temps. Un jour, l’employé a croisé le prothésiste au quartier. L’un lançait à l’autre des regards méprisants. Hors de lui, le prothésiste a commencé à l’injurier. Les voisins sont intervenus une fois encore pour mettre fin à leur accrochage. Mais sans résultat. Le prothésiste a continué à lui lancer des insultes infâmes. Alors que l’employé s’est contenté de le provoquer en le fixant du regard, et éclater de rires. Les voisins ont sollicité l’employé de rentrer chez lui et d’arrêter de provoquer le prothésiste davantage. Têtu, l’employé s’est planté sans se déplacer d’un iota. Un moment après, il a avancé d’un pas vers le prothésiste pour cracher sur son visage. Ce comportement était la goutte qui a débordé le verre.
En perdant tout contrôle de ses nerfs, le prothésiste est rentré rapidement à son local pour ressortir avec un grand couteau à la main. Les badauds criaient de toutes leurs forces et demandaient au prothésiste de renoncer à ses intentions criminelles. Quand l’un d’eux a pris l’initiative de s’approcher de lui, il l’a menacé de le tuer.
Le prothésiste arriva devant l’employé. Les voisins criaient et tentaient de lui faire entendre raison. Mais en vain. L’employé soupirait difficilement.
À peine qu’il s’apprêtait à prononcer un mot, le prothésiste lui a asséné deux coups, l’un au niveau du cœur et le second au niveau de sa poitrine. La victime s’est effondrée en disant : « Tu m’as tué, tu m’as tué ». Et en un clin d’œil, le prothésiste s’est enfui.
En notant toutes ces informations, les enquêteurs ont entamé les recherches pour retrouver le fuyard. Entre-temps, des informations sur l’employé sont parvenues au chef de la brigade faisant état du décès de la victime suite à ses blessures. Le lendemain matin, un jeune homme, au visage pâle, s’est présenté devant les enquêteurs pour avouer : « Je suis le prothésiste qui a tué hier au quartier Al Inbiât son voisin ». Interrogé sur le mobile du meurtre, il répond : «Il me provoquait souvent ».