Société

Le diplomate belge et la traite des blanches

Fatima L. est une femme pas comme les autres. Cette mère de deux enfants est née en 1956 à Azilal et installée à Casablanca. Son niveau scolaire moyen lui a permis d’avoir un job au cabinet de l’architecte Rachid W. qui veille, selon ses déclarations consignées dans le procès verbal, sur les chantiers du Palais Royal. Elle y a passé quelques années, avant d’être arrêtée en 1986, par la police judiciaire de Rabat.
Le motif? Elle confectionnait des documents avec des en-têtes du «Secrétariat personnel de Son Altesse Royale», «La sécurité personnelle de Son Altesse Royale», «Journal Aïcha» et «Magazine des Forces Armés Royales», en faveur des candidats à l’émigration qui se présentent aux différents Consulats européens au Maroc afin d’avoir facilement le visa. Elle touchait en contrepartie des sommes allant de 20 à 25 mille dirhams par personne. Elle a été condamnée à trois ans de prison ferme. Elle a été libérée en 1989 et avait repris une fois encore ses «activités» louches et reconduite, le 6 janvier 1998, à la prison pour purger une peine d’un an pour escroquerie, faux et usage de faux. Quand elle a été libérée, elle n’a pas hésité, un moment, de se présenter aux gens qu’elle rencontre et croise dans son chemin : «Je suis fonctionnaire aux services sociaux au Palais Royal, chargée des handicapés». Et elle a continué de “rendre service“ aux candidats à l’émigration puisqu’elle gardait encore chez elle des documents portant l’en-tête du Palais Royal. Entre temps, elle a commencé à fréquenter le Consulat Général de Belgique à Casablanca. Elle a entretenu des relations amicales avec quelques fonctionnaires. L’un d’eux l’a présentée lors d’une occasion au Consul Général Belge, Callaert Geert, et à son épouse Janet: «Je vous présente Fatima L. fonctionnaire aux services sociaux du Palais Royal, chargée des handicapés…». Fatima n’a pas raté l’occasion pour développer sa relation avec eux ; elle a commencé à leur rendre visite et leur faire des cadeaux.
Lorsqu’elle a été convaincue qu’elle a mis le Consul Général dans ses poches, elle n’a pas hésité une seconde à lui demander de lui faciliter l’octroi de visas à des personnes qu’elle lui présentait comme des fonctionnaires du Palais Royal, alors qu’elles ne sont que des rêveurs de l’Eldorado et qui ont payé des sommes de 20 à 30 mille dirhams à Fatima et à sa rabatteuse, Touria. D. Le Consul ne lui refusait rien. Il ne permettait pas à ses fonctionnaires de vérifier l’authenticité des documents délivrés pour la demande des visas. Fatima n’a pas oublié ses proches pour les faire profiter des visas. Entre autres, sa soeur, Ibtissame, née en juillet 1976, informaticienne.
Lorsque cette dernière a décroché son diplôme en informatique, elle a pensé à l’émigration. Chose qui est très facile pour elle puisque sa soeur lui facilitera l’obtention d’un visa Chengen. La fausse fonctionnaire du Palais Royal a aidé également ses deux filles, Kawtar et Chahenaz.M, pour avoir les visas Chengen..
Seulement, sa deuxième fille, Chanaz n’est pas retournée au Maroc. La relation entre le Consul général belge et la prétendue fonctionnaire du palais Royal se consolide d’une semaine à l’autre et les visas Schengen continuent à être distribués sans vérifications des dossiers de demande.
En effet, lors d’une cérémonie, le Consul général s’est présenté devant Fatima accompagné d’une jeune femme : «Je vous présente Salwa M.». Cette femme, de 35 ans, divorcée avec deux enfants, présidente des adhérents de la Chambre de Commerce et d’Industrie Française, est son amante. Elle a passé 9 ans à la Chambre de Commerce Belge dont il est le président d’honneur. Elle avait profité durant une dizaine d’années de sa relation avec Jacques Huygen pour octroyer des visas à des candidats à l’émigration en les lui présentant comme étant des hommes d’affaires marocains. Seulement, elle s’est déviée par la suite vers les jeunes filles désirant obtenir des visas Schengen pour aller se prostituer en Europe. Les enquêteurs de la brigade anti-gang de la police préfectorale de Casablanca, qui ont tiré cette affaire au clair, ont cité dans leur rapport les noms de quelques bénéficiaires, à savoir Aïcha T., Hayat A. et Benzina H. qui ont obtenu des visas valables pour un mois.
Seulement, elles ne sont pas retournées au Maroc après l’expiration de leurs délais légaux. Où sont-elles allées ? Les autorités belges ont précisé aux enquêteurs que leurs noms n’ont pas été enregistrés en Belgique, prouvant par conséquent qu’elles ont séjourné dans d’autres pays européens.
Le Consul général Belge avait-il d’autres relations qui ont été exploitées pour l’octroi des visas Schengen à des filles de joies ?
L’enquête policière répond : «Oui, il en a avec le Belge, Callaert Greet, et son amante marocaine, Maftaha I». Qui sont-ils ?
Maftaha est née en 1964 au douar Ouled Amer, province de Fès. Cette commerçante gérait, il y a une dizaine d’années, une boutique à la Galerie ben Omar, au quartier Maârif, à Casablanca. C’est là qu’elle a fait connaissance avec le ressortissant belge. Callaert Greet, né en septembre 1962 à Dendermonde, marié, père de 4 enfants dont 2 avec une Belge. Ils se sont pliés tous les deux à la loi de leurs coeurs et ont commencé à vivre en concubinage dans sa maison située à Tamaris. En 1995, leur relation a fleuri d’un nouveau-né, Ilyasse. Une année plus tard, Callaert a acheté une boutique à la Galerie Ben Omar et l’a confié à son amante, Maftaha. Quelque temps plus tard, les deux concubins et leur unique fils ont déménagé à un appartement situé au quartier Racine, que le Belge avait acheté. Entre temps, ce dernier a acquis un local à Aïn Diab et il y a installé “La Maison des Belges“ destinée à la rencontre des ressortissants belges au Maroc et gérée par Maftaha. C’est là où les deux amants ont connu le Consul général belge et ont commencé à lui organiser des soirées un peu «agitées». Mais non pas sans contrepartie. Puisqu’il a commencé à octroyer des visas Schengen à ses proches sans entraves ou vérification de documents.
En 1997, le propriétaire de“La maison des Belges “, Callaert, a été interpellé par la Cour d’appel de Gand en Belgique pour trafic de drogue. Il a été condamné à 3 mois de prison ferme assortie d’une amende de 300 mille francs belges. Lorsqu’il a été libéré, il est retourné au Maroc. Depuis, il n’a pu séjourner en permanence au Maroc et pour avoir au moins un visa touristique, le Consul général lui a délivré deux documents-témoignages d’honneur, l’un en novembre 2000 et l’autre en juin 2001, faisant état de ses bons comportements au Maroc.
L’enquête a révélé également que le Consul Général a facilité l’octroi des visas Schengen à des filles de joie qui rejoignaient un homme d’affaire saoudien en contrepartie de son séjour chez lui à Marbella, en Espagne. La Chambre correctionnelle près le tribunal de première instance de Casablanca a rendu son verdict dans cette affaire en condamnant Fatima L. à 4 ans de prison ferme et 3000 Dh et sa soeur, Ibtissam, à 3 mois de prison avec sursis . alors qu’elle a acquitté Kawtar, Maftaha, Salwa et Callaert. La première condamnée a interjeté appel.

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