Société

Le fabuleux destin de Khadija Tijani

Il est 10h du matin. Le Boeing 767 de la RAM, assurant la liaison Casablanca-Montréal vient de décoller. A bord, Khadija, onze ans, petite élève de l’école du douar de Taghdoute à Taznakht, province de Ouarzazate. De son hublot, elle peut contempler pour la première fois l’immensité de l’océan Atlantique. Un océan aussi grand que les rêves de Khadija qui n’imaginait pas lors de sa première rentrée scolaire que l’école pouvait mener si loin.
Le but de son voyage ? Rencontrer Jade, une petite canadienne de son âge qui vit à Chicoutimi au Québec. Cette rencontre originale est à mettre à l’actif du Bureau de l’UNICEF à Rabat et de l’Agence canadienne pour le développement international (ACDI), qui ont réalisé avec la contribution du ministère de l’Education nationale un reportage TV intitulé «Portrait en parallèle de l’éducation de base pour jeunes filles». La projection de ce reportage sur une grande chaîne de télévision canadienne, en l’occurrence Radio Canada, devra aider à rallier des donateurs potentiels à l’effort du Maroc pour la promotion des droits de l’enfant. Une partie du reportage a été tournée dans le douar de Khadija au mois d’octobre et la suite mettra en scène la rencontre entre les deux écolières au Canada. Armée d’un courage dont seuls les enfants ont le secret, la petite Khadija quitte pour la première fois son village natal, situé sur les hauteurs de l’Anti-Atlas, accompagnée de son directeur d’école, Abdelhak Kamim et de Touria Barakat, assistante Communication à l’UNICEF.
Pendant les dix bonnes heures que durera le vol, Khadija n’aura qu’une question en tête: à quoi ressemble son amie canadienne dont on lui parle ? De tous les portraits qu’elle a pu lui brosser, elle n’imaginait pas un seul instant que Jade lui ressemblait comme une soeur jumelle.
Il est 20h, heure du Québec. Devant le portillon de la salle de débarquement, enveloppée dans un gros manteau, Jade attend, impatiente. Un beau sourire se dessine sur son visage à la vue de son hôte. La scène se déroule sous l’objectif de la caméra de Jean-Pierre Dussaut, le réalisateur du reportage en question. Les moins 25° affichés sur le thermomètre de l’aéroport fondent dans la chaleur des yeux des deux petites gamines. Mais cela n’empêchera pas Joanne, la mère de Jade, dans un élan affectif maternel, de couvrir Khadija, ce petit bout de chair, d’un manteau bien chaud et de lui enfiler une paire de gants. Le groupe quitte l’aéroport sous le regard médusé des agents de sécurité. Après une nuit de sommeil bien méritée, Jade et Khadija se retrouvent pour une journée bien chargée : l’arrivée de la petite Marocaine ne pouvait mieux tomber puisqu’elle coïncide avec le carnaval annuel de neige organisé chaque année par la ville du Québec.
Une bonne occasion pour Jade de faire visiter à son hôte le village de glace, de faire ensemble un tour en calèche et de goûter à la joie des glissades sur neige. Jean-Pierre, le réalisateur, s’efface et laisse sa caméra filmer ces moments de bonheur que les enfants savent apprécier. Les deux filles se comportent comme des amies de longue date et les clivages culturels s’estompent comme par enchantement. Le soir, c’est au tour de Jade et sa famille de découvrir une des multiples facettes du Maroc en visionnant quelques séquences du reportage tournées à Taghdout : une invitation au voyage dans le Maroc profond où des hommes et des femmes bravent au quotidien les délits de l’enclavement, de la sécheresse et du manque. Un vrai hymne au courage des familles rurales marocaines pour qui la scolarisation de leurs enfants, filles ou garçons, est un choix qu’ils assument tant bien que mal sans trop se plaindre. Commentant ces images, Abdelhak Kamim, le directeur de l’école du douar, explique les raisons de cette dynamique qui s’est instaurée autour de la scolarisation des enfants de Taghdout. Pour ce jeune gaillard d’à peine trente ans, l’effort consenti par les parents, le dévouement des instituteurs et l’aide précieuse du programme de l’UNICEF constituent des atouts majeurs qui ont contribué largement à la montée en flèche du nombre d’enfants inscrits chaque année.
Ainsi, après le creusement d’un puits pour le douar de Khadija, dans le cadre de la coopération Gouvernement-UNICEF, beaucoup d’enfants, et particulièrement les filles, ont été libérés de la corvée de l’eau. Elles devaient parcourir chaque jour des kilomètres, à travers des sentiers escarpés, pour remplir leurs bidons de cette denrée vitale. Mais l’eau ne constituait qu’un obstacle parmi d’autres. Il fallait aussi mettre à niveau les compétences des acteurs pédagogiques par des sessions de formations pointues, sensibiliser les parents plus réticents à l’opportunité d’investir dans une génération instruite.
Aujourd’hui, les enfants de Taghdout poursuivent leur cursus scolaire dans des conditions moins contraignantes et rêvent du jour où ils iront étudier à l’université d’une ville aussi belle qu’Agadir. Pour sa part, Khadija profite bien de son séjour au Canada tout en jouant le rôle de l’ambassadrice de la cause des filles marocaines non encore scolarisées.

• Youssef Simou

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