Construits pour juguler le phénomène des marchands ambulants et résoudre le problème d’encombrement des rues de la ville, les marchés-pilotes ont tourné à un beau fiasco.
Le marché-pilote de Aïn Sebaâ, à Casablanca, est l’exemple le plus représentatif de cette situation de désolation.
Lancé en 2002, ce projet, qui vise à organiser les marchands ambulants au sein de marchés structurés et équipés, se trouve effectivement aujourd’hui dans une situation très critique. Sur les 172 stands aménagés, près de vingt seulement sont occupés. "Le marché est en train d’agoniser. Les commerçants désertent les stands et ressortent leurs charrettes. Au départ, ils étaient 172 bénéficiaires. Actuellement, ils ne sont qu’une vingtaine", déplore Abdallah Bennini, administrateur et propriétaire du marché. Et d’ajouter : " Le marché subit les méfaits du phénomène néfaste des marchands ambulants qui voudraient le réduire à un chaos quasi total.
Le blocus imposé par l’hégémonie des marchands ambulants persiste condamnant ainsi à mort un projet prometteur et empreint d’une touche citoyenne non négligeable." Le problème réside essentiellement dans le fait que de nouveaux marchands ambulants envahissent la place mitoyenne au marché.
Les rues sont encombrées : les vendeurs étalent et exposent leurs marchandises sur les trottoirs. Cette situation "anarchique" a pénalisé gravement les petits commerces du marché du fait de la concurrence déloyale livrée par les camelots.
Les locataires ont décidé alors d’abandonner leurs stands et de pousser à nouveau leurs brouettes. Puisque le petit commerce n’est plus rentable. Seule une minorité continue de militer pour la survie de leurs activités. "Les commerçants se trouvent au bout de la déprime. Certains envisagent même de tenter l’aventure de l’immigration clandestine qui reste pour eux l’unique alternative.
Les autres ayant été contraints d’abdiquer se trouvent convertis en marchands ambulants et retournent pour s’approprier la voie publique", s’indigne M. Bennini.
Le propriétaire et administrateur de ce marché témoin fait des mains et des pieds pour sauver son investissement, qu’il lui a coûté la bagatelle de plus d’un million de dirhams.
L’acquisition du terrain a nécessité, à elle seule, un montant de l’ordre d’un million de dirhams alors que la construction des stands a coûté la somme de 500 000 dirhams.
Il a envoyé une lettre de doléances au gouverneur de la préfecture de Aïn Sebaâ-Hay Mohammadi dans l’espoir d’une intervention qui permettrait de remettre de l’ordre. Les bénéficiaires et locataires du marché ont également envoyé une autre lettre de doléances assortie d’une pétition.
Ils demandent aux autorités locales d’intervenir "d’une manière urgente pour lever le blocus imposé sur le marché par les marchands ambulants depuis plusieurs mois."
"Nos appels de détresse n’ont pas reçu de véritables échos favorables. Pendant plusieurs mois, c’est le statu quo qui régnait.
Il y a quelques jours, l’agent d’autorité, le caïd, est intervenu pour dégager la rue et renvoyer les marchands ambulants.
Toutefois, ces derniers sont revenus une semaine plus tard pour occuper la place", indique M. Bennini.
Ce dernier a même tenté une opération séduction. Pour encourager les marchands de revenir occuper leurs stands, il leur a proposé deux mois de loyer gratuit. En vain.