Les Espagnols ont approuvé par leur vote le Traité de l’Union européenne. L’Espagne ouvre le chemin et devient le premier pays de l’Union où les citoyens appuient le nouveau texte qui fixe les Institutions, les règles du jeu et les politiques de l’Union européenne de l’avenir.
Huit autres pays mèneront cette ratification à travers un référendum, le reste le feront à travers leurs Parlements. En définitive, un large processus de débat public, qui doit se conclure à la fin de l’année 2006, pour permettre l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution en 2007.
Existe-t-il une signification pour le Maroc de ce qui s’est passé en Espagne ? Je pense que oui, étant donné l’intensité des relations entre le Maroc et l’Union européenne et l’envergure stratégique du nouveau partenariat entre le Maroc et l’Espagne, dans le contexte d’une Union européenne élargie à vingt-cinq pays. Cette nouvelle réalité a produit un virage évident. L’ouverture de l’Union s’opère vers le Nord et vers l’Est, Chypre et Malte étant les deux uniques exceptions de cette équation. La demande d’adhésion de la Turquie et le débat qui s’initie introduisent également de nouveaux paramètres à la discussion. Il n’est donc pas étonnant que, déjà depuis l’année 2000, et anticipant des événements ultérieurs, S.M. le Roi Mohammed VI plaide pour un statut avancé du Maroc dans ses relations avec l’Union. Un lien à caractère privilégié qui soit construit sur l’expérience des relations intenses avec la communauté européenne, et à partir de l’Accord d’association en vigueur. L’initiative ne peut être plus opportune. L’Union élargie définit une nouvelle politique de voisinage, conséquence de la rectification des frontières de l’Union, avec la particularité du Maroc, dont le voisinage n’est pas nouveau mais bien ancien, et où la volonté d’être plus près, renferme un intérêt commun pour les deux rives du détroit. Définir dans la pratique ce qui, d’après M. Romano Prodi, équivaut à un « tout sauf les Institutions ». En définitive, offrir une sortie créative à la situation des pays qui, se trouvant dans les frontières extérieures de l’Union et n’étant pas candidats à l’adhésion, possèdent une volonté d’avoir un lien permanent et intense avec l’Europe.
La Constitution européenne aborde ce sujet-là dans l’article I-57, dont l’objectif est d’établir un espace de prospérité et de bon voisinage, tout en respectant les valeurs de l’Union et les relations étroites et pacifiques, fondées sur la coopération. Vu depuis la proximité géographique et la volonté manifeste de resserrer les liens avec l’Union, j’estime que la Constitution européenne a une signification particulière pour le Maroc, dans plusieurs dimensions. La première comme pôle de stabilité : un projet intégrateur comme celui de l’Union européenne, exemple de dépassement de conflits séculaires, c’est un bon chemin pour les pays du Maghreb, de ce que, en termes de richesse et de cohabitation, on peut obtenir à travers la coopération et l’oubli des anciens antagonismes. On peut souligner également que la nouvelle politique de voisinage est un bon moyen pour améliorer les échanges économiques et pour canaliser, de manière ordonnée, les migrations.
Au-delà des accords ponctuels en matières techniques, il s’agit d’obtenir un dialogue authentique et une association qui puisse identifier les problèmes et trouver les solutions de manière coordonnée. A cet égard, l’émigration en est un bon exemple, du moment qu’elle comprend tous les éléments substantifs de la propre société européenne : citoyenneté, développement économique, marché du travail, intégration sociale et contrôle des frontières et sécurité. Mais là où je pense que l’influence peut être la plus significative, c’est sur le modèle de société, que définie la partie I, dans ses Titres I et II, et la partie II de la Constitution européenne, dans son catalogue des droits, libertés et principes. La propre politique de voisinage apparaît ici fondée sur des valeurs communes, ce qui signifie apprécier qu’elles ont une validité qui dépasse les frontières. Cela signifie-t-il intromission ou imposition ? Je ne le crois pas, car le respect pour la diversité et pour la propre réalité de l’autre, est une partie substantive de cette Constitution.
La définition du droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion mène à respecter les diverses croyances tout en excluant, clairement, l’identification de l’Union avec une conception religieuse ou culturelle déterminée. Le débat en cours sur l’adhésion de la Turquie illustre, en termes pratiques, les possibilités qui découlent d’une telle conception, ouverte et tolérante. Ce débat sur la valeur de la Constitution européenne, en relation avec le Maroc et le reste de nos partenaires méditerranéens, coïncide avec celui sur le changement dans les pays arabes. C’est-à-dire, comment donner une réponse aux défis du monde actuel, tout en respectant l’identité et les traditions des sociétés millénaires, qui méritent considération et respect. Parce que ces changements ne peuvent qu’être le fruit d’un processus endogène de ces sociétés, accompagné certainement, mais en tout cas, pas guidé ou dirigé depuis l’extérieur.
Quand, parfois, on prétend, d’une façon erronée, donner peu d’importance à la Constitution européenne, comme s’il s’agissait d’un traité en plus, parmi ceux qui ont jalonné l’histoire d’une moitié de siècle déjà, on ne doit pas oublier que les valeurs et les principes de celle là, vont au-delà des frontières de l’Union. Pour cette raison, je reste convaincu que la décision majoritaire des citoyens espagnols, manifestée le 20 février, aidera aussi à la consolidation et à l’enrichissement des relations entre le Royaume du Maroc et le Royaume d’Espagne.
Luis Planas
Ambassadeur d’Espagne au Maroc














