Une ambiance d’enterrement régnait hier matin, sur le marché à la volaille, Hay Mohammadi, ex-La Villette. « Une nouvelle a circulé ce matin comme quoi trois personnes atteintes de grippe aviaire auraient été hospitalisées au CHU, à Casablanca », déplore Ahmed, un volailler, 25 ans. « Si ça se trouve, ce sera une catastrophe pour nous», fit-il, les deux mains portées à ses tempes, comme pour chasser un mauvais sort. En ces « maudits » temps de crise, la rumeur peut briser des vies. Or, depuis les « garanties » données par le Premier ministre Driss Jettou, lors de sa sortie dans une firme de volaille dans la région de Kénitra, sur « l’absence de grippe aviaire au Maroc », motus et bouche cousue. Ce silence, observé à titre officiel, a permis de nourrir dangereusement les rumeurs. Chaque jour que Le Bon Dieu fait, apporte son lot de «bruits». Et surtout de dégâts pour des volaillers, qui n’ont pratiquement que les yeux pour pleurer. Abdellah M, père de dix enfants, dit « vendre à perte ». Il en veut pour preuve la chute du prix du poulet dit « Maradona ». Au lieu de 16 dirhams le kilo, il ne vaut plus que 13. Un rabais de trois dirhams sur le prix pratiqué précédemment. Pourquoi alors continuer de travailler à perte ? Abdellah M. fronce les sourcils, il ne sait plus à quel saint se vouer. « Pas d’alternative», lâche-t-il, impuissant. Son «cas» serait pourtant meilleur que d’autres. Aziz S., 24 ans, en est réduit, depuis quelques jours, à se tourner les pouces. « Il y a huit jours, les autorités avaient interdit les «déplumeurs de travailler», proteste-t-il. Une mesure attribuée à des problèmes d’hygiène, d’autant plus que le marché de la volaille de l’ex-Villette a toujours souffert de l’absence de propreté. Mais voilà, il y a problème: les autorités ont-elles cherché pour nous des « solutions de remplacement ? », s’interroge Aziz S., interloqué. « Cela fait dix ans que je vis de ce métier, que vais-je faire après la fermeture du service du déplumage ? », se demande-t-il, le regard perdu. Comme lui, il y a environ 400 déplumeurs à vivre aujourd’hui le même sort. Un drame qui concerne également leurs familles. Hors de ce cas, ce sont plusieurs milliers de personnes, opérant sur le marché de la volaille de Casablanca, à subir un sort critique. L’intervention des autorités y serait pour beaucoup. A preuve, une autre mesure vient saper le moral de cette «armée» de volaillers. «Ouvert précédemment à longueur de journée, le marché de la volaille ferme depuis quelques jours à 15 heures », se plaint une nuée de volaillers. Ce genre de mesures en rajoute à la souffrance de volaillers déjà atterrés par la baisse des prix, engendrée par la « débandade » des clients. Changement de décor. De Rabat à Casablanca, en passant par Bouznika, ils sont plusieurs dizaines de volaillers, de simples paysans rassemblés en bord de route, à se plaindre de la même crise. Les usagers de la route nationale desservant Rabat et Casablanca ne s’arrêtent plus aux points de vente des volatiles, dont notamment le poulet «beldi», les dindes, les lapins, a fortiori les œufs qui « sont bradés à 20 centimes l’unité », se lamente un fellah, à l’entrée de Bouznika. Et de s’interroger, le regard sombre: «Que faut-il faire de la volaille ? La jeter aux chiens ?». Encore faut-il savoir si les chiens ne répugneront pas un jour à manger de cette volaille-là.
Virus h5n1 : «poulitiquement incorrect»
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