Société

Le trésor maudit

© D.R

Il n’a plus de travail et donc rien à faire de son temps. À son cinquantième printemps, qu’il avait atteint en 1998, Mustapha a bénéficié de sa retraite. Mais que devait-il faire après une trentaine d’années à la Marine royale et au service de la nation ? Devait-il se contenter de rester chez lui à attendre sa pension ? Devait-il rejoindre les rangs de ces retraités qui passent leur temps aux cafés ou dans un coin de la rue pour jouer aux cartes et inventer des histoires qui feraient de lui un héros de la mer ?
Mustapha était loin de correspondre à ce profil. Lui, il avait de l’ambition, des rêves à revendre.
Mais comment pouvait-il atteindre ce rêve? Par quel moyen ? Il n’avait plus le temps à patienter, il devait chercher le chemin le plus court. Au fil des jours, il s’est souvenu de son ami, Regragui, qui lui parlait de trésors dissimulés dans des jarres, enterrées et gardées par les djinns depuis des centaines d’années. Il l’a rencontré et lui a fait part de son intention de s’engager dans des aventures d’exhumation des trésors. «C’est le moment ou jamais»,  a affirmé le f’kih Regragui. Il lui a précisé qu’il a une "Takyida” "(un plan) et qu’il localise un lieu au mausolée Sidi Âbed, sur la route côtière, pas loin de Sidi Rahal. La date a été fixée pour le départ.
Le jour "J" de 1998 est arrivé. Regragui n’était pas seul. Il était en compagnie d’un certain Hassan, un certain dhaybi et une troisième personne qui s’est chargée du transport à bord d’une Mercedes. Mustapha les a rejoints. Arrivés au mausolée, ils ont attendu la tombée de la nuit. Vers minuit, ils sont passé à l’action. Le f’kih Regragui psalmodiait avant de procéder à un rituel. Il a procédé à "Attarbiê” (Quadrillage du lieu par traçage), puis à "Al Ikhlae" (L’évacuation), ensuite à "Attkaf"et "Attahcine” (Fortification du lieu) et enfin à "Arrache” (L’arrosage du lieu) par un liquide, censé avoir des pouvoirs magiques. Et Regragui a donné l’ordre à entamer l’excavation. Seulement, il leur a demandé de s’arrêter. Pourquoi ? « Un vieux noir est passé devant nous. C’est "Al Maniê” »(L’empêcheur) », leur a-t-il chuchoté pour que le djinn ne l’entend pas. Le quatuor a rebroussé chemin. Le lendemain, Regragui, leur a raconté avoir rêvé qu’un djinn l’a sommé d’égorger un chevreau et arroser, avec son sang, le lieu qu’ils doivent excaver. Ils ont obtempéré aux ordres du djinn et sont retournés au mausolée. Une fois Hassan a commencé le creusage, il s’est retrouvé obligé de s’arrêter. Pourquoi ? «Je vois du sang qui jaillit», leur affirme-t-il. Il a eu peur au point qu’il a tenté de s’enfuir. Le f’kih Regragui a avancé vers Hassan, l’a calmé, l’a rassuré qu’il ne doit rien craindre. Toutefois, il semble que Hassan a été angoissé. Il n’a pu creuser. Ils ont enfin rebroussé chemin. Quelques jours plus tard, Regragui leur a affirmé qu’un djinn était venu la nuit et lui a demandé de se rendre à une maison de Derb Kachbar, dans l’ancienne médina pour exhumer un trésor et l’a ordonné d’arroser le lieu par le sang d’une poule. Mais l’opération a échoué une fois encore. En 2002, Regragui est décédé. Mustapha rêvait encore d’avoir son trésor. En plus de son expérience avec Regragui, il s’est penché sur la lecture des livres “jaunes“ de la sorcellerie.  Du fil en aiguille, il est arrivé, lui aussi, à rêver d’un djinn qui lui demande d’aller en compagnie d’un certain Hamid près Oued Oum Rabiê, à Azzemmour pour exhumer un trésor de plus d’une centaine de millions de dirhams. Ils s‘y sont rendus et ont creusé le lieu indiqué. Mais en vain. Pas de trésor. Et d’une lecture à l’autre, il a fini par apprendre que le sang des enfants “Zouhri“ qui portent des signes particuliers, est le clé de l’exhumation des trésors enterrés. Car, selon ces lectures, les trésors sont gardés par des djinns de plus de 900 ans qui doivent boire le sang des personnes “Zouhri“ pour se rajeunir. Mustapha, qui passait des mois loin de chez lui, est retourné enfin chez sa famille. Il a demandé à son fils, Abdelaziz, né en 1973, de l’accompagner faire un tour dans la côte d’Aïn Diab. Content du retour de son père, Abdelaziz a obtempéré. À bord d’un petit taxi, ils sont arrivés à Sidi Abderrahman. Et Mustapha a conduit son fils vers un terrain, près de la forêt Sindibad. Il lui a demandé de creuser par ses mains. Pourquoi ? « Il y a là un trésor », lui affirme le père. Hébété, Abdelaziz a entamé l’excavation. Soudain, il a reçu un coup de couteau qui a percé ses côtes gauches, puis un second coup. Que se passait-il ? Il a lancé un cri strident avant de prendre la fuite. C’est son père qui l’a lardé. Pourquoi ? Abdelaziz est “Zouhri“. Le père n’est plus retourné à la maison. Il a emprunté le chemin à destination de Mohammedia, Kenitra, Souk Larbaâ Gharb et autres villages et douars à la recherche de trésors. Il n’est rentré que deux ans plus tard. Personne n’a osé lui reprocher  quoi que ce soit.  Son fils, lui,  était dans un état de santé critique. Il était en réanimation durant quatre mois et une partie de son poumon a été enlevée.
Dimanche 17 avril 2005, vers minuit. Son autre fils, Nawfel, 21 ans, vient de rentrer chez lui. Il s’est allongé sur un divan. Son père se tenait devant lui. Tout à coup, il a sursauté de sa place. Qu’est-ce qu’il lui est arrivé ? Son père l’a blessé avec un couteau au niveau de sa gorge. Il tentait de l’égorger pour avoir son sang qu’il doit offrir comme offrande aux djinns. Nawfel a passé 40 jours à l’hôpital 20 août. Leur mère ne supporte plus de voir son mari tenter de  liquider ses enfants un par un. Elle s’est adressée à la police et a déposé plainte. Une enquête a été lancée par la brigade urbaine de Casablanca-Anfa et s’est soldée par l’arrestation du père et l’un de ses complices. Ils ont été traduits, vendredi 20 mai, en Cour d’appel.

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