Chambre criminelle près la Cour d’appel de Casablanca. Aziz se tient devant le box des accusés, vêtu d’une tenue de sport. A 26 ans, il est sans profession. Avant son arrestation, il se débrouillait de temps en temps en vendant des cigarettes au détail afin d’acheter sa dose de haschisch et de «mahia» (eau de vie). Il a déjà purgé une peine d’emprisonnement de trois mois ferme pour coups et blessures avec violence et ivresse. En revanche, cette fois-ci, il risque une peine plus lourde. Près de lui, une jeune fille se tient debout, la tête baissée. Elle s’appelle Zakia, dix-huit ans. Quand le président de la Cour lui demande de sortir pour attendre en dehors de la salle d’audience, elle a scruté Aziz avant de traîner ses pas vers la porte. Aziz s’est contenté de baisser les yeux comme s’il fuyait ses regards. «Tu es accusé de kidnapping et tentative de viol avec torture », lui dit le président de la Cour. Aziz lève son regard sur lui sans pour autant prononcer une seule parole. Le président s’est adressé une fois encore et lui a rappelé l’accusation. «Non, non, je n’ai rien fait…», a-t-il répondu, sans ajouter mot. Et le président a commencé à lui rappeler les faits consignés dans le procès-verbal. «Zakia t’accuse de l’avoir harcelée dans la rue alors qu’elle s’apprêtait à faire des courses chez un commerçant qui donne sur la rue située de l’autre côté de sa demeure…Il était 20h… Quand elle t’a demandé de la laisser tranquille, tu l’as menacée avec un couteau, tu l’as sommée de ne pas crier et de ne pas demander du secours et tu l’as conduite dans un terrain vague…», lui rappelle le président de la Cour. En entendant les accusations, Aziz, a fondu en larmes comme un enfant. Que lui est-il arrivé au juste ? Regrette-t-il son comportement ? Loin de là, il a levé ses yeux pleins de larmes pour tenter de se disculper une fois encore. Il a expliqué à la Cour qu’il n’avait jamais vu Zakia. Une réponse qui a eu l’air d’étonner le président de la Cour, qui lui a demandé : « comment se fait-il que, demeurant dans la même rue qu’elle, tu ne l’aies jamais vue ? ». Perturbé, le jeune homme a gardé le mutisme comme s’il pensait déjà à une autre réponse qui lui permettrait de sauver sa peau. Et le président a appelé la victime, Zakia, qui est entrée à pas lents. Une fois devant la Cour, elle a prêté serment et a commencé à donner sa version des faits. «La rue était presque vide quand je suis sortie de chez moi pour aller acheter du lait… c’est là que j’ai été surprise par ce vendeur de cigarettes au détail qui m’a saisie par ma djellaba et m’a menacée avec un couteau…je n’ai pas pu crier ni demander secours… Il m’a conduite jusqu’à un terrain vague et il a tenté d’enlever mes vêtements… », a-t-elle déclaré à la Cour. Zakia a résisté au début. Mais il lui a administré une première gifle, puis une deuxième avant de la jeter à terre. Et le destin est intervenu pour la sauver. Bien qu’elle soit à terre, elle a remarqué deux jeunes hommes qui passaient un peu plus loin et elle a commencé à crier au secours. Sans la moindre hésitation, ces derniers ont couru dans leur direction pour porter secours à la jeune fille et rosser Aziz de coups, avant que la police n’arrive. Prenant la parole, le représentant du procureur du Roi a axé son réquisitoire sur le fait que Aziz soit un repris de justice qui était drogué et en état d’ivresse quand il a agressé Zakia. De son côté, la défense a rappelé que son client a nié en bloc devant la Cour les charges retenues contre lui et qu’il n’avait rien déclaré à la police qui a rédigé son procès-verbal sans permettre au mis en cause de le lire avant de le signer. L’avocat a précisé, par ailleurs, que son client l’a signé après avoir été maltraité par les enquêteurs. Une plaidoirie qui n’a pas convaincu la Cour, qui a jugé Aziz coupable de kidnapping et de tentative de viol et l’a condamné à trois ans de prison ferme.