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L’enseignement privé vu par le Conseil de la concurrence

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Politique générale, chevauchement des missions, concurrence du marché, fixation des tarifs

Les parties auditionnées ont insisté sur la nécessité de réguler les conditions d’accès au marché, de façon à préserver les droits des investisseurs et des apprenants, et de réviser le cahier des charges en y incluant des critères précis couvrant l’ensemble du processus éducatif et les services annexes.

Le Conseil de la concurrence livre son diagnostic sur les écoles privées. Suite à une demande de la Chambre des représentants, l’institution vient de dévoiler ses conclusions au sujet d’un secteur propulsé sur le devant de la scène après la crise de Covid-19. Dans le détail, le Conseil a organisé plusieurs auditions avec les parties prenantes concernées par l’enseignement scolaire privé au Maroc, notamment le ministère de tutelle, le Conseil supérieur de l’éducation, de la formation et de la recherche scientifique, les associations professionnelles, les associations de parents et de tuteurs d’élèves, les associations de protection des consommateurs, les syndicats nationaux, ainsi que des professeurs universitaires et certains experts en matière d’éducation. L’une des conclusions importantes concerne notamment le cadre juridique et réglementaire de l’enseignement scolaire privé.

«Les parties auditionnées estiment que l’amélioration de la performance de l’enseignement scolaire privé nécessite une révision des textes législatifs et réglementaires le régissant, conformément aux dispositions de la loi-cadre 51.17 relative au système d’éducation, de formation et de recherche scientifique et en tenant compte des évolutions que connaissent les domaines de l’éducation, de la formation, des méthodes d’enseignement et de la connaissance au niveau international», lit-on dans l’avis du Conseil. Les parties auditionnées ont également insisté sur la nécessité de réguler les conditions d’accès au marché, de façon à préserver les droits des investisseurs et des apprenants, et de réviser le cahier des charges en y incluant des critères précis couvrant l’ensemble du processus éducatif et les services annexes, sans se limiter aux spécifications des conditions matérielles d’exercice, telles que les moyens et les équipements.

Politique générale

Le Conseil de la concurrence a annoncé en outre que les parties auditionnées ont affirmé que l’atteinte des objectifs assignés à l’enseignement privé est tributaire de la nécessité d’accélérer l’élaboration du cadre conventionnel stratégique global, approuvé par la vision stratégique, l’adoption de plans de mise en ouvre et d’une programmation précise pour l’instauration de mécanismes de soutien et d’accompagnement au bénéfice du développement de l’enseignement, notamment à travers l’orientation de l’investissement vers l’amélioration et la diversification de l’offre pédagogique et la satisfaction des besoins des zones en pénurie. L’accent a également été mis sur la nécessité d’adopter des mesures à même d’assurer l’amélioration de la performance de l’enseignement privé, notamment en matière de formation et de mise à niveau des ressources humaines, et la conclusion de conventions collectives de travail, en vue de répondre aux différentes spécificités de gestion de l’enseignement privé en d’emploi et de protection sociale.

Chevauchement des missions

Les auditions du Conseil ont également permis de relever une multiplicité des intervenants. «Compte tenu de l’évolution du nombre d’établissements d’enseignement scolaire privé et de leur rôle moteur en tant que partenaires de l’enseignement public, les auditions précitées ont conclu que la création d’une instance nationale en charge d’accompagner, d’encadrer et de suivre la performance de ces établissements serait de nature à contribuer substantiellement à l’amélioration des performances et de la rentabilité du secteur, tout en aidant à relever le défi du développement socio-économique du pays. Les parties auditionnées ont, en outre, partagé un ensemble de propositions en vue de renforcer l’efficacité et l’efficience du contrôle des établissements scolaires privés, d’améliorer leurs méthodes et de remédier à la faiblesse de la rentabilité de nombre d’entre eux. Ces propositions ont porté sur l’augmentation de la fréquence des opérations de contrôle, et l’extension de leur périmètre pour y inclure les aspects afférents aux ressources disponibles et au contenu du processus éducatif, tout en veillant à ce que les modalités de leur conduite soient compatibles avec la nature de ces établissements (en référence à la nécessité d’adopter des méthodes différentes de celles relatives à l’inspection et au contrôle des établissements publics).

Concurrence du marché

Selon le Conseil de la concurrence, les professionnels de l’enseignement privé ont souligné le caractère concurrentiel au sein du marché. Ces derniers ont proposé de consolider la dynamique concurrentielle en créant un système transparent de contrôle des normes de qualité des services présentés par les établissements privés et de proposer une classification, ainsi que d’encourager de nouveaux modèles d’établissements, y compris des établissements semi-publics et participatifs où les parents contribueraient au financement et à la gestion desdits établissements.
«L’accent a par ailleurs été mis sur la nécessité de réévaluer l’école publique au regard de son rôle référentiel au sein du système éducatif. En outre, il a été proposé de considérer les établissements privés comme des incubateurs expérimentaux aux fins de tester des approches pédagogiques innovantes pouvant par la suite être généralisées à l’ensemble du système éducatif, et de s’efforcer de changer les stéréotypes qui lient la qualité de l’enseignement aux infrastructures récréatives et négligent la composante éducative et l’ouverture à des expériences pédagogiques innovantes et sophistiquées et/ou dérivées d’expériences internationales concluantes», ajoute le document.

Fixation des tarifs

L’un des points de divergence, notamment entre les écoles et les parents d’élèves, concerne les prix pratiqués et les frais des services facturés. «Pour les représentants des parents d’élèves, la tarification des services éducatifs doit être conforme à des normes réglementées et à des mécanismes transparents, loin d’une optique de «marchandisation» des services aux fins de garantir aux investisseurs des marges commerciales confortables. Les propositions formulées dans ce cadre ont essentiellement porté sur l’adoption d’un barème de prix selon la classification des établissements à l’instar de la pratique constatée dans le secteur hôtelier», disent les responsables ajoutant que les représentants des associations professionnelles ont attribué l’écart des niveaux de tarification au manque d’homogénéité de la qualité et du contenu de l’offre proposée par les établissements privés. «Ils ont, par ailleurs, souligné que la fixation des frais se fait selon une rationalité économique basée sur un équilibre entre dépenses et revenus. En outre, le choix du service par les familles demeure volontaire et conditionné par leur pouvoir d’achat. Du point de vue des professionnels, l’application des prix fixés par la loi de l’offre et de la demande garantit la créativité, l’innovation et la poursuite de l’amélioration des services sans porter atteinte aux principes de transparence», conclut la même source.

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Équilibre public/privé

Pour rééquilibrer les performances entre le secteur public et les écoles privées, le Conseil propose de garantir la complémentarité entre l’enseignement public et privé et d’accroître la dynamique concurrentielle du marché de l’enseignement scolaire privé. Il s’agit notamment de consolider la dimension référentielle de l’école publique : au fil des décennies, l’école publique a joué un rôle capital dans l’éducation de plusieurs générations et la production
d’une élite, capables de satisfaire les besoins du développement socio-économique. «Dans ce sens, le Conseil considère que l’accélération de la mise en place de mesures pour la concrétisation de l’autonomie des établissements scolaires publics contribuerait au renforcement du dynamisme concurrentiel du marché et pousserait les établissements privés à doubler leurs efforts pour améliorer leurs services, accroître leur attractivité et éviter la migration de leurs élèves vers des établissements publics gratuits», explique le Conseil. Et de conclure : «Cette autonomie, qui est un élément indispensable pour renforcer la responsabilité des écoles publiques et améliorer la gestion des affaires scolaires, constitue un catalyseur de la pérennisation d’une mobilisation collective des différentes parties prenantes, qu’il s’agisse des encadreurs administratifs et pédagogiques, des enseignants et des familles, pour l’atteinte des objectifs communs à travers l’amélioration du système éducatif et pédagogique et la rationalisation de l’utilisation des ressources mises à leur disposition».

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Classification

Par ailleurs, le Conseil recommande de mettre en place deux types de mécanismes qui contribueraient à l’amélioration de la dynamique concurrentielle du marché. «Le premier visant principalement à rendre plus transparente la relation entre le consommateur-apprenant et l’établissement scolaire, alors que le deuxième intègre des formes d’appui correspondant aux orientations définies», apprend-on. Concrètement, il s’agit notamment de la classification des établissements scolaires privés et la normalisation de leurs prestations. «Toutefois, il est difficile de mesurer la qualité de ce type de services du fait de la diversité, des formes et contenus des offres des établissements scolaires privés dont le dénominateur commun est la conformité au curriculum officiel et la préparation aux examens certificatifs du système d’éducation nationale, alors que leurs différences se multiplient et varient selon les établissements», reconnaît le Conseil.

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Cadre contractuel

Les recommandations du Conseil de la concurrence ont porté sur l’élaboration d’un nouveau cadre contractuel définissant les objectifs et les responsabilités entre les établissements scolaires privés, l’Etat et ses organes. L’utilité de ce cadre s’explique par la nécessité de doter les acteurs d’une vision claire sur les choix stratégiques, les priorités définies, et les objectifs intermédiaires ainsi que les moyens à mobiliser pour les atteindre suivant une feuille de route précisant la mise en place des mécanismes d’appui et d’accompagnement prévus, les rôles et les contributions des différentes parties prenantes, ainsi que les bases de l’évaluation des chantiers et de l’atteinte des objectifs. A cet effet, et afin d’assurer la mise en œuvre des dispositions de la vision stratégique de réforme et de la loi-cadre n° 51.17, dans les délais impartis et dont le compte à rebours a été lancé dès 2015, il est recommandé de concrétiser les dispositions de l’article 44 de ladite loi, et d’élaborer un cadre contractuel qui soit compatible avec les orientations stratégiques de promotion de ce type d’enseignement et l’accroissement de la compétitivité de ses établissements, et qui met en évidence la vision de l’Etat quant au rôle devant être assumé par ce type d’enseignement.

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