Où se situe le Maroc actuellement dans cette dynamique de la mise en place de la bonne gouvernance ?
Le Maroc, en partenariat avec l’USAID et l’Union européenne, a ouvert la porte à des projets pour la mise en place de la bonne gouvernance dans l’Administration, une partie prenante incontournable. Messieurs les entrepreneurs, faisons le tour de nos entreprises familiales, la bonne gouvernance d’entreprise est une troisième mi-temps qui meuble les discussions de salon. Elle est à quelques années lumières des préoccupations de beaucoup de nos dirigeants. Ce n’est pas le dernier accord de libre-échange qui changera de sitôt la donne à en juger par l’Etat d’esprit de nos entrepreneurs. Une étude récente montre que ce concept est encore très marginal dans nos entreprises. Seules quelques institutions financières, qui ont pour la plupart des partenaires étrangers dans le tour de table, ont introduit les outils de la bonne gouvernance.
Il n’en reste pas moins que le projet de loi amendé sur la SA propose d’introduire certaines règles de bonne gouvernance, telles que la séparation de la fonction du président du Conseil d’administration et celle de directeur général. Une société ne peut fonctionner correctement que si elle dispose de systèmes de contrôle efficaces dont les règles de bonne gouvernance en font parie. Avant d’instituer le débat sur la bonne gouvernance au Maroc, il faut d’abord asseoir celui de la gouvernance d’entreprise. Celle-ci ne peut fonctionner sans préalable, avoir des valeurs affichées, appliquées et assumées. Ces valeurs aident dans les choix du dirigeant qui présupposent donc de sa part liberté d’action et volontariat. La vision de l’entreprise, dont la finalité ne peut pas être qu’économique, s’inspire des valeurs. C’est cette vision que le Centre des jeunes dirigeants souhaite faire partager dans son mouvement, avec les collaborateurs et avec l’ensemble des parties prenantes de nos entreprises.:
La loyauté : c’est être fidèle aux engagements pris, sans tricher vis-à-vis des parties prenantes. La solidarité : c’est être lié à une communauté d’intérêt ; cela implique de ne pas, pour servir ses intérêts, en desservir d’autres. La solidarité, c’est la réciprocité, donner-recevoir.
La responsabilité : c’est avoir la vision des conséquences de ses actions dans le temps et dans l’espace.
Exemple : recherche de la pérennité de l’entreprise. Et enfin, le respect de l’Homme avec un grand H. C’est le fondamental du CJD : l’humanisme. Nous voulons asseoir le principe de la non-instrumentalisation de l’Homme, c’est-à-dire l’économie au service de l’Homme. J’en veux pour exemple, cette PME marocaine leader dans son secteur et qui n’a jamais connu de pannes de ses machines qui tournent 24 h sur 24. Comment ? Tout simplement par une valorisation de l’ouvrier. Ce dernier bénéficie de programmes d’alphabétisation, d’une couverture sociale, de primes et surtout de considération et de respect de la hiérachie et ce à tous les niveaux.
L’ouvrier s’approprie l’entreprise et se sent chez lui. Dès qu’il entend un petit bruit « anormal » au niveau des machines, il en avise son responsable. Ces gestes simples génèrent des économies considérables (moins d’arrêt de machines et de réparations…). Ce qui est possible dans cette entreprise marocaine est applicable à toutes les autres entreprises. Ce sont ces exemples d’entreprises qui appliquent les règles de la bonne gouvernance sans la nommer qu’il faut accompagner pour plus de performance partagée. Sans vision, il ne peut y avoir d’entreprises pérennes et créatrices de richesses. Comme disait Sénèque : « Nul bateau ne peut arriver à bon port s’il ne sait quelle est sa destination ».
Alors accompagnons nos entrepreneurs à avoir une vision claire dans leurs PME et TPE, préalable pour la mise en place d’une stratégie qui ne doit pas être vue comme la panacée réservée des grandes entreprises.
Une fois la mise à niveau de l’entrepreneur engagée et acceptée par ce derniers, asseoir la bonne gouvernance n’est plus qu’une question de temps et ne peut plus rester une chimère. La bonne gouvernance d’entreprise est un critère d’attente des analystes et des investisseurs. Aus Etats-Unis,, le « corporate governance » est un puissant courant d’opinion qui s’est développé en réaction à une série de scandales, dont l’un des plus retentissant est l’affaire Enron
L’Europe du sud, notamment la France, a été atteint par ce syndrome. Le poids prépondérant de l’actionnariat anglo-saxon dans le capital des sociétés du CAC 40 à Paris (40% des valeurs) a été un accélérateur.
Mais c’est vrai, avant d’aller plus loin, comment peut – on définir sans circonscrire le terme «Bonne gouvernance d’entreprise».
Selon le Centre des jeunes dirigeants, la gouvernance d’entreprise, c’est une approche concertée et systémique de décision destinée à répondre à des exigences de transparence, de participation et de démocratie. Elle est l’ensemble des transactions par lesquelles sont élaborées, décidées, légitimées, mises en œuvre et contrôlées des règles collectives pour définir la relation de pouvoir dans l’entreprise entre la direction générale, le conseil d’administration, les actionnaires et les autres parties prenantes. Dit autrement, la bonne gouvernance d’entreprise peut être vue comme un renouveau du contre-pouvoir de l’actionnaire, basé de façon concomitante sur un rôle plus actif des administrateurs et sur la surveillance ultime par les actionnaires. L’œil sur la valeur actionnariale, une participation active aux assemblées, notre actionnaire reste prêt à recourir éventuellement à la justice s’il juge ses droits bafoués. La bonne gouvernance d’entreprise peut être appréhendée comme un dosage savant entre la primauté inconditionnelle de l’actionnariat et les excès de l’ère des dirigeants. La bonne gouvernance d’entreprise est modelée par l’ensemble des règles, législatives et réglementaires, jurisprudentielles et contractuelles, qui définissent les modalités de gestion de l’entreprise. Le concept est associé à la surveillance économique, financière et morale de l’entreprise.
En effet, à la suite des nombreux et récents scandales financiers en Europe et ailleurs (World com, Enron, …), les dirigeants et mandataires sociaux des entreprises sont souvent interpellés quant à la gouvernance de leur entreprise.
Comme elles sont considérées comme une partie essentielle pour une valorisation correcte de l’entreprise par les investisseurs, les règles de gouvernance d’entreprise ne peuvent pas être la propriété de l’extérieur, juristes, politiciens, investisseurs ou commissaires aux comptes, alors même qu’elles expriment l’essence d’une société.
Cette thématique, qui a le vent en poupe, est articulée autour de deux axes : la défense des actionnaires minoritaires et des parties prenantes. Mais on oublie que les entreprises modernes ne sont pas fondées sur l’opposition entre capital et travail, mais sur le triangle constructif entre capital, travail et commercial, ou avec un peu plus de complexité : actionnaires, salariés et parties prenantes.
La bonne gouvernance basée sur une structure conceptuelle triangulaire protège contre de fréquentes confusions entre entrepreneurs et investisseurs, présentées fréquemment comme un conflit d’intérêt vis-à-vis des salariés. Une structure capitalistique qui donne le contrôle réel de l’entreprise aux actionnaires fondateurs, le manque de dirigeants venus de l’extérieur, l’absence de directives sur la détention d’actions à l’attention des cadres et dirigeants, un plan de compensation qui permet à la firme de revaloriser ses stock-options en cas de chute du cours, et des prêts accordés à ses actionnaires historiques ont une incidence directe sur la notation de la gouvernance. Ainsi, le premier moteur de recherche mondial sur la toile (Yahoo) se voit attribuer une note de gouvernance de 0,2 sur 100! Outre-Atlantique, les dispositions prévues par la loi Sarbanes -Oxley mises en place après l’affaire Enron ont impulsé un changement d’attitude des administrateurs américains qui ont massivement réformé les modalités de rémunération des PDG. Par exemple, l’importance de la part variable des rémunérations devrait servir à inciter les dirigeants à œuvrer sur les performances de long terme de l’entreprise… S’ils restent les mieux payés du monde, les dirigeants américains ont vu leurs revenus diminuer, surtout par la disparition de l’exercice des stock-options. La bonne gouvernance passe par la révision des modalités de la rémunération des grands patrons pour une meilleure prise en compte des performances et son corollaire immédiat est de faire preuve d’une réelle transparence d’information à ce sujet. Au Maroc, si nos entreprises veulent relever les défis qui nous attendent, notamment celui de l’INDH et de l’an 2010, nos PME et PMI, en tête, devront s’atteler à mettre en place l’esprit de la bonne gouvernance et le faire valoir comme un outil d’abord pour plus de performance globale, partagée et durable.
• Par Zakaria Fahim
Vice Président 2005/2007
Centre des jeunes dirigeants