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Les CoDays, plus qu’un congrès scientifique, une plateforme de dialogue

© D.R

Entretien avec Dr Mounir Bachouchi, président de la Moroccan Association of Supportive Care in Cancer

Cette 4ème édition qui se tient ce vendredi permet de réunir chercheurs, cliniciens, décideurs et partenaires pour débattre de l’oncologie de demain. Dr Mounir Bachouchi, président de la Moroccan Association of Supportive Care in Cancer et fondateur d’oncologie 16 Novembre, revient sur les faits marquants de cet événement.

ALM: Les CoDays ouvrent leur 4ème édition. Qu’est-ce qui caractérise cette nouvelle édition ?

Dr Mounir Bachouchi : Ce que nous lançons aujourd’hui est plus qu’un congrès scientifique. C’est une plateforme de dialogue multidisciplinaire où se croisent chercheurs, cliniciens, décideurs et partenaires. Cette 4ème édition s’inscrit dans la continuité de notre ambition de faire des CoDays un moment de réflexion collective sur ce que doit être l’oncologie de demain au Maroc. Notre ambition est de créer un espace de réflexion et d’échange, où l’expertise clinique, biologique et la dimension humaine du soin dialoguent sans hiérarchie où on peut parler d’innovations thérapeutiques autant que de qualité de vie, de parcours de soins, d’écoute et de dignité. La diversité des profils présents, la qualité du programme scientifique, mais aussi la maturité des débats annoncés montrent que nous sommes désormais sur un rendez-vous bien installé, avec un cap clair.

Vous avez choisi cette année une thématique ambitieuse : «Les soins en cancérologie entre médecine de précision et médecine intégrative». Pourquoi ce positionnement ?

Parce que le cancer n’est pas une pathologie que l’on peut réduire à des protocoles. Il interroge nos pratiques à la fois sur le plan technologique, clinique et humain. La médecine de précision, avec tout ce qu’elle implique de données moléculaires, d’intelligence artificielle et de traitements ciblés, est un formidable levier. Le cancer n’est plus une entité unique, mais une mosaïque de sous-types biologiques, chacun appelant une réponse spécifique. Mais cette approche pointue ne suffit pas. Il faut surtout ne pas négliger la prise en charge des effets secondaires, la souffrance, la fatigue, l’angoisse. D’où l’importance de conjuguer ces deux approches, à savoir l’hyper-technologie d’un côté et l’attention portée à la personne dans sa globalité de l’autre. C’est là que la médecine intégrative prend toute sa légitimité à travers une approche globale, centrée sur la personne, combinant les traitements conventionnels avec des thérapies complémentaires validées, dans le respect des preuves scientifiques et des préférences du patient.

À quels enjeux répond cette articulation entre haute technologie et soins complémentaires ?

Elle répond à un impératif d’équilibre. Dans les centres de soins, nous sommes confrontés tous les jours à des patients qui ne demandent pas seulement des traitements efficaces, mais des soins qui prennent en compte leur qualité de vie, leur dignité, leurs rythmes. Si nous voulons que les innovations thérapeutiques produisent pleinement leurs effets, nous devons les inscrire dans des parcours de soins continus, souples, humains. Cette édition est précisément conçue pour interroger ces équilibres et partager les expériences qui fonctionnent.

Quelle place les CoDays veulent-ils occuper dans le paysage médical marocain ?

Une place de déclencheur. Nous ne prétendons pas remplacer les institutions de formation ou les sociétés savantes. Mais nous assumons de proposer un espace de confrontation d’idées, où l’on aborde les sujets sans détour, à partir de cas réels, de pratiques éprouvées, de visions parfois divergentes. C’est aussi un espace d’inspiration pour les jeunes professionnels de santé qui voient à travers les CoDays une manière d’envisager leur métier avec responsabilité, mais aussi avec espérance.

Cette édition est marquée par une participation internationale importante. Quel est l’apport de ce dialogue global ?

Il est essentiel. Le cancer est un enjeu mondial, mais il se soigne dans des contextes locaux. Avoir parmi nous des experts venus d’Europe, d’Amérique du Nord, d’Asie ou d’Afrique, c’est l’occasion de confronter les modèles, de sortir de nos zones de confort, de faire circuler les idées et les bonnes pratiques. Ce n’est pas une importation des savoirs, mais une fertilisation croisée. L’oncologie marocaine a beaucoup à apprendre, mais aussi beaucoup à partager.

Qu’espérez-vous que les participants retiennent de ces deux jours ?

J’espère que chacun repartira avec quelque chose de concret, une nouvelle idée à explorer, une pratique à améliorer, une collaboration à initier. Mais j’espère surtout qu’ils repartiront avec la conviction que l’on peut faire autrement. Que l’on peut soigner mieux, plus humainement, sans renoncer à l’exigence scientifique. Ce que nous construisons ici, c’est une vision de la cancérologie qui écoute autant qu’elle prescrit, qui anticipe autant qu’elle soigne. Ce séminaire est aussi une invitation à penser autrement, à décloisonner, à unir les forces de l’oncologie moléculaire et de l’accompagnement holistique. Car nous sommes convaincus que c’est dans cette alliance que réside la médecine de demain : une médecine à la fois précise, humaine et profondément engagée.

À la veille de cette 4ème édition, quel est votre état d’esprit ?

De la gratitude, d’abord. Pour toutes les équipes, les partenaires, les intervenants qui font des CoDays un événement vivant, exigeant, sincère. Et puis une grande confiance. La cancérologie évolue vite, le Maroc est en mouvement et nous avons une génération de praticiens, de chercheurs et de décideurs qui veulent avancer ensemble. C’est cette énergie que les CoDays veulent incarner. Et ce n’est que le début.