Le ministère de la santé et de la protection sociale a publié une nouvelle mise à jour du manuel de surveillance et de riposte à l’épidémie de rougeole qui touche toutes les régions, provinces et préfectures du Royaume. Les détails.
La mise à jour du manuel de surveillance et de riposte à l’épidémie de rougeole permettra de mieux répondre aux besoins des professionnels de santé, aussi bien en matière de détection et de prise en charge des malades que d’investigation épidémiologique et de riposte. Il faut rappeler que la pandémie Covid-19 a entraîné un recul de la vaccination à travers le monde, ce qui a engendré l’éclosion de multiples foyers épidémiques. Au Maroc, une épidémie de rougeole s’est déclarée en septembre 2023 à partir de trois localités au nord d’Agadir-Ida Outanane, avant de se propager rapidement aux différentes préfectures et provinces de la région Souss-Massa, puis celles de Marrakech-Safi. Le ministère signale que toutes les régions, provinces et préfectures sont désormais affectées par l’épidémie.
Caractéristiques épidémiologiques
La rougeole est l’une des maladies infectieuses les plus transmissibles et les risques d’attaques secondaires dépassent les 90% chez les personnes réceptives, c’est-à-dire qu’une personne infectée peut transmettre le virus à neuf contacts proches non vaccinés sur dix. Le virus est transmis par voie aérienne, par des gouttelettes aéroportées ou par contact direct avec des sécrétions du nez ou de la gorge de personnes infectées. Le virus reste actif et transmissible dans l’air ou sur les surfaces infectées pendant une période allant jusqu’à deux heures. La période d’incubation est de 7 à 14 jours. Cela dit, elle peut exceptionnellement aller jusqu’à 21 jours chez les immunodéprimés. La période entre l’exposition au virus et l’apparition de l’éruption cutanée est de 14 jours en moyenne et peut aller jusqu’à 21 jours. Quant à la période de contagion, elle débute 4 jours avant l’apparition de l’éruption cutanée et se termine 4 jours après. La rougeole peut être grave chez toute personne l’ayant contractée. mais certains groupes sont plus susceptibles de souffrir de complications liées à la maladie, notamment les enfants de moins de 5 ans, les adultes de plus de 30 ans , les femmes enceintes ainsi que les personnes dont le système immunitaire est affaibli par le VIH ou autres maladies. Parmi les complications graves figurent la pneumonie, la cécité, l’encéphalite, la diarrhée sévère. Chez la femme enceinte , il y a un risque d’accouchement prématuré et faible poids du bébé à la naissance.
Une couverture vaccinale de 95% pour éviter la propagation du virus
La vaccination reste le moyen le plus efficace pour prévenir la rougeole. Les enfants devraient recevoir deux doses du vaccin pour être immunisés. En effet, deux doses de vaccin sont efficaces 97% à 100% pour prévenir la maladie en cas d’exposition au virus, alors qu’une seule dose est efficace à environ 93%. Au Maroc, le vaccin anti rougeoleux est combiné avec celui de la rubéole dans le cadre du Programme national d’immunisation, dont les prestations sont assurées gratuitement au niveau de tous les établissements de soins de santé primaires (ESSP). La première dose est administrée à l’âge de 9 mois et la seconde dose à l’âge de 18 mois. Les anticorps induits par le vaccin apparaissent généralement quelques jours seulement après la vaccination. Ainsi, les personnes vaccinées sont généralement entièrement protégées après 2 ou 3 semaines. En raison de l’infectiosité extrêmement élevée de la rougeole, le ministère de la santé estime que la couverture vaccinale doit être au moins de 95% pour éviter la propagation du virus en communauté.
Dispositif de veille et de surveillance
Le dispositif de veille et de surveillance du ministère repose au niveau opérationnel sur la détection précoce des cas, pour une prise en charge appropriée et la mise en œuvre de mesures adaptées de santé publique en vue de contrôler la propagation du virus. Il s’agit d’investiguer les cas afin de déterminer la source de l’infection et d’identifier les contacts ; de déterminer le statut vaccinal de chaque cas de rougeole et de ces contacts et d’auditer les décès pour confirmer ou infirmer l’imputabilité à la rougeole et identifier les déterminants et les circonstances des décès. Il est aussi question d’identifier les zones à faible couverture vaccinale, présentant un risque plus élevé d’épidémie et nécessitant des efforts particuliers de riposte vaccinale. Au niveau national, il s’agira de suivre les tendances temporelles de l’épidémie ; de cartographier les zones épidémiques ; connaître les souches virales circulantes ; assurer la disponibilité du vaccin et des moyens de diagnostic et de prise en charge; d’évaluer l’impact de la vaccination et des mesures mises en œuvre. Selon le ministère, une circonscription est considérée épidémique dans les situations suivantes; 2 cas confirmés au laboratoire au cours des 2 dernières semaines, sans lien épidémiologique ; foyer de 3 cas au moins, dont un cas confirmé au laboratoire, au cours des 2 dernières semaines ; 3 cas suspects sporadiques, dont un au moins lié à des foyers confirmés de rougeole au niveau d’une circonscription limitrophe ; foyer de 5 cas suspects de rougeole ; survenue d’un décès imputable à la rougeole. Au niveau des zones épidémiques, le ministère appelle à une surveillance active (les professionnels de santé visitent les structures de soins à la recherche de cas), avec investigation épidémiologique de chaque cas détecté.
Riposte vaccinale
Au niveau des zones non épidémiques, le ministère a prévu de mettre en œuvre une vaccination sélective et assurer le rattrapage par le vaccin RR et les autres vaccins selon le calendrier national de vaccination et l’âge de l’enfant en ciblant les enfants de moins de 5 ans (vérification des registres de vaccination et relance) ; les enfants de plus de 5 ans non scolarisés (vérification du statut vaccinal lors des contacts avec les services de santé et rattrapage selon l’âge) ; les enfants scolarisées (préscolaires, écoles, collèges et lycées).Pour ce qui est des zones épidémiques, il est prévu d’organiser rapidement une campagne de vaccination de masse non sélective par le vaccin RR à partir de l’âge de 6 mois. Dans les collectivités fermées, il s’agira de vacciner l’ensemble des résidents y compris le personnel quel que soit le statut vaccinal et les antécédents de la rougeole. Il est toutefois nécessaire de prendre en compte les contres-indications du vaccin RR. Il ne doit pas être administré aux femmes enceintes, les personnes immunodéprimées et toutes personnes ayant une sensibilité au vaccin RR suite à l’administration d’une première dose. S’agissant de la prise en charge de la rougeole, elle doit se faire en ambulatoire sauf pour les cas qui présentent des complications ou une autre affection nécessitant une hospitalisation, en raison du risque élevé de transmission intra-hospitalière. Les cas de rougeole non graves doivent recevoir un traitement ambulatoire et être isolés à domicile. Le malade doit alors porter un masque chirurgical. Il doit limiter les contacts aux seuls membres de la famille qui ont été vaccinés ou qui ont des antécédents de rougeole. Il faut éviter tout contact avec des femmes enceintes, des nourrissons ou des jeunes enfants non vaccinés dans le foyer ou toute personne avec un déficit immunitaire ou sous traitement réduisant l’immunité. Signalons que l’éviction scolaire pour l’enfant ou l’arrêt du travail pour l’adulte est d’au moins 5 jours à partir de l’apparition de l’éruption sauf complications.
Traitement
Le traitement de la rougeole est avant tout symptomatique. Selon l’état clinique du patient : réhydratation orale, antipyrétiques et antalgiques, soins oculaires. Tous les enfants et adultes atteints de rougeole doivent recevoir systématiquement deux doses de vitamine A deux jours successifs, à renouveler 4 à 6 semaines plus tard si formes sévères ou signes cliniques de déficit avéré en vitamine A. A noter que la dose journalière est de 50.000 IU avant 6 mois, 100.000 UI entre 6 et 11 mois et 200.000 UI à partir de 12 mois. Le ministère précise que pour un enfant ayant reçu récemment la vitamine A à titre curatif (cas de la rougeole), il est impératif d’attendre 4 à 6 mois pour administrer les doses préventives selon le calendrier national de supplémentation. Pour un enfant ayant reçu récemment la vitamine A à titre préventif, il est impératif d’attendre 2 à 3 mois pour administrer les doses curatives. Par ailleurs, l’antibiothérapie est indiquée en cas de signe de surinfection.