Société

Les larcins du Marché central

«Ils opèrent avec une moto Peugeot 103. Leurs apparences sont trompeuses», déclare R.A, 45 ans vendeur dans une pâtisserie au marché. Généralement à deux. Le premier possède l’allure d’un apprenti mécanicien vêtu d’une anodine blouse bleue. Le deuxième, le plus pitoyable, est certainement le plus dangereux. Son bras gauche porte un semblant de bandage pratiquement peinturluré de mercurochrome. En fait, il n’est pas blessé, mais ce pansement dissimule une arme redoutable. À savoir une barre de fer qui, en cas d’attaque, peut descendre la plus solide des mâchoires par terre. Quant à la doublure du manche de son avant-bras droit, elle est équipée d’un tournevis tout long, tout affûté et luisant à briller sous l’éclairage des réverbères. Les deux énergumènes, entre autres, constituent une bande qui ne sévit que vers les 19 heures aux parages du marché central, boulevard Mohammed V à Casablanca, d’après des témoignages sur place. Comment agissent-ils ? «Ils jouent au cache-cache avec les fourgonnettes de la police qui sillonnent les lieux», souligne Ahmed H, 40 ans, vendeur de journaux sur place pendant le soir. «Le premier avec la moto surveille le terrain ; à savoir le passage des forces de l’ordre et tout comportement de nature à faire échouer l’opération, tandis que son compagnon guette attentivement ses victimes. Une sorte de division de tâches qu’on ne peut déceler qu’une fois le forfait accompli», précise un gérant de restaurant qui a préféré garder l’anonymat. Les victimes désignées sont généralement des personnes en possession de sacs de plastique noir à la sortie des épiceries, des pâtisseries ou des restaurants. Ces victimes sont interpellées par le soi-disant handicapé ou blessé au bras gauche. Pour les induire en erreur, il se présente comme un démuni qui demande la charité. Aumône faite ou non. Il aura eu le temps de juger de l’état pécuniaire de la personne abordée, sinon de constater son état d’ébriété avant de donner le signal à son compagnon pour l’isoler au coin de la rue. Lorsque la victime est isolée, l’indifférence des passants tourne à un semblant de complicité. Les victimes, en situation de faiblesse sont délestées sans aucune difficulté. Mais une fois la victime fait preuve de farouche opposition, elle se trouve devant un choix. Céder ou être agressé. Généralement elle opte pour le premier choix. «Il vaut mieux perdre un peu d’argent que de se retrouver avec des balafres sur le visage», déplore un passant. Il faut dire que dans les environs de ce marché, tabous à part, des estaminets, bars et autre épicerie marchande de boissons alcoolisées sans compter les pâtisseries à large clientèle constituée notamment de jeunes filles et de femmes, ces malabars apparaissent, agressent et disparaissent au gré des soirs et surtout de l’affluence. Les fins de mois, étant propices, il y a lieu de prendre garde à sa poche, notamment dans des coins pareils.

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