Dans son rapport annuel au titre de 2023-2024, la Cour des comptes a émis plusieurs recommandations pour faire face aux défis de la réforme de la protection sociale et aux nombreuses insuffisances en matière de prévention des troubles mentaux, d’infrastructures sanitaires et de médecins spécialistes.
La Cour des comptes a publié son rapport annuel au titre de 2023-2024. Le chantier de la protection sociale et des secteurs sociaux, en l’occurrence la santé mentale, occupe une place importante dans le rapport. La Cour a noté que des avancées notables ont été réalisées dans la mise en œuvre du chantier de la protection sociale. Elle indique que le nombre d’assurés principaux au titre du régime de l’AMO pour les catégories des professionnels, des travailleurs indépendants et des personnes non-salariées exerçant une activité libérale a atteint 1,68 million d’assurés principaux au 10 septembre 2024, soit 56% de la population cible de ce régime. Cela dit, le nombre des assurés principaux ayant des droits ouverts ne dépasse pas 1,2 million et le taux de recouvrement des contributions dues est seulement de l’ordre de 37%, ce qui est de nature à impacter l’équilibre financier du régime. S’agissant du régime de l’AMO des personnes qui ne peuvent pas s’acquitter de leurs cotisations (AMO Tadamon), le nombre des assurés principaux a dépassé 4,05 millions et le montant des transferts de l’Etat à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS), au titre de ce régime, s’est établi à 15,51 MMDH pour la période allant de décembre 2022 à fin septembre 2024. A noter qu’environ 74% des dépenses des prestations de soins de ce régime se sont orientées vers le secteur privé. Quant à l’AMO des personnes ayant la capacité de cotiser et n’exerçant aucune activité salariale ou non salariale (AMO Chamil), environ 133.000 personnes y sont inscrites, dont 67% disposent des droits ouverts. En dépit de ces progrès, la réforme de la protection sociale connaît certains défis. Ils sont particulièrement liés au développement du système de ciblage, à la maîtrise des effectifs des catégories prises en charge par l’Etat, à la diversification des sources de financement en vue d’alléger la pression sur le budget de l’Etat, au développement et à la mise à niveau des établissements de soins publics et à la lutte contre la vulnérabilité à travers la substitution de l’aide par le revenu. Pour faire face à ces défis , la Cour recommande d’activer l’ensemble des instances intervenant dans la gestion du système de protection sociale, la mobilisation et la diversification de sources de financement durables, le développement et la mise à niveau des établissements de soins publics, le suivi de l’impact de l’aide sociale directe sur les catégories sociales bénéficiaires et la coordination entre la politique de la protection sociale et les autres politiques économiques et sociales
Insuffisance des infrastructures et de médecins spécialistes
Dans son rapport annuel, la Cour a abordé les aspects portant sur la prévention en matière de santé mentale, la disponibilité et l’accessibilité de l’offre de soins, ainsi que les conditions de prise en charge des malades. La juridiction relève que les efforts dans le domaine de la prévention et de la promotion de la santé mentale auprès de la population en général et des groupes spécifiques en particulier demeurent insuffisants. La Cour estime que ces insuffisances en matière de prévention des troubles mentaux peuvent entraîner des prises en charge médicales coûteuses pour le système de santé national. Par ailleurs , bien que des efforts aient été déployés par le ministère de la santé et de la protection sociale durant les dernières années pour le développement d’une offre de soins adaptée, la Cour note que ces efforts demeurent insuffisants pour garantir la disponibilité des établissements de santé mentale et l’accessibilité suffisante de ces soins à l’ensemble de la population. La Cour a révélé l’insuffisance des infrastructures sanitaires et leur non-généralisation à l’échelle nationale. La Cour fait remarquer dans ce sens que la capacité d’accueil en psychiatrie dans le secteur public est de 2.466 lits, avec une densité moyenne ne dépassant pas 6,86 lits pour 100.000 habitants. Elle a également relevé l’insuffisance des médecins spécialistes, leur répartition inégale et le manque de certains profils spécialisés dans la prise en charge des patients atteints de troubles mentaux. La Cour a aussi constaté la non-disponibilité des médicaments au niveau des structures de soins, ainsi que l’insuffisance des taux de remboursement de certains médicaments et actes médicaux par l’assurance maladie.
Concernant la prise en charge et l’organisation des soins et services de santé, la Cour a noté plusieurs insuffisances liées particulièrement à la faible intégration de la santé mentale dans les établissements de soins primaires, au manque d’articulation entre les différents niveaux de soins psychiatriques et à l’absence d’une prise en charge globale des patients. Celle-ci a également relevé la discontinuité des soins à cause du manque de dispositifs de suivi post-hospitalisation, ainsi que l’insuffisance des établissements intermédiaires de réhabilitation et des structures d’accueil des cas sociaux. La Cour des comptes a recommandé au Chef du gouvernement de développer une politique intégrée avec des orientations claires prenant en compte les grands enjeux de ce système, notamment ceux relatifs à la promotion de la santé mentale, à la prévention des maladies mentales et au développement d’une offre de soins adaptée et répondant aux besoins de la population. Elle a également recommandé d’adopter un cadre juridique adapté tenant compte de la spécificité de la santé mentale, et un cadre de gouvernance favorable qui implique l’ensemble des parties prenantes. En outre, la Cour a recommandé au ministère de la santé d’élaborer et de mettre en œuvre une stratégie multisectorielle appropriée en matière de santé mentale, fondée principalement sur l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie de renforcement de la prévention, le renforcement de l’offre de soins dédiée ainsi que l’utilisation optimale des ressources disponibles. Elle a, enfin, recommandé de se doter de dispositifs de surveillance et de veille épidémiologique, en se basant sur un système d’information efficace et harmonisé.