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Les violences sexuelles et économiques prennent le relais

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Alors que les violences physiques sur les femmes sont en baisse

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Dans le milieu professionnel, 15% des femmes actives sont victimes de violence dans toutes ses formes. Cette proportion s’accentue parmi les femmes divorcées (22%), salariées (21%), citadines (18%) et les jeunes âgées de 15 à 34 ans (19%).

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Tant attendus, les résultats de l’enquête 2019 du Haut-Commissariat au Plan (HCP) sur la violence à l’encontre des femmes sont tombés. Parmi 13,4 millions de femmes âgées de 15 à 74 ans, plus de 7,6 millions ont subi au moins un acte de violence, toutes formes confondues, durant les 12 mois qui ont précédé l’enquête. Notons que celle-ci a été réalisée entre février et juillet 2019 et a ciblé au total 12.000 filles et femmes et 3.000 garçons et hommes âgés de 15 à 74 ans.

Les femmes violentées représentent 57% de la population féminine. La prévalence de la violence faite aux femmes est de 58% en milieu urbain (5,1 millions de femmes) et de 55% en milieu rural ( 2,5 millions). En publiant ces chiffres, le HCP révèle que la violence a globalement baissé entre 2009 et 2019. En effet, le pourcentage des femmes ayant subi un acte de violence a régressé de 6 points en passant de 63% à 57% si l’on tient compte uniquement de la population cible de 2009 des femmes âgées de 18 à 64 ans. Cette baisse est de 10 points en milieu urbain et de près d’un point en milieu rural.

Les violences sexuelles et économiques en hausse

Les données de l’enquête montrent que les violences sexuelles et économique sont en hausse. Ainsi, la violence sexuelle a augmenté de 5 points en passant de 9 à 14% alors que la violence économique a enregistré une hausse de près de 7 points en passant de 8 à 15%. En revanche, les prévalences des violences psychologique et physique ont respectivement baissé de près de 9 points, passant de 58 à 49%, et de 2 points, passant de 15 à 13%. Cela dit, le HCP fait remarquer que la violence physique a connu une hausse de 4 points en milieu rural en passant de 9% en 2009 à 13% en 2019.

Par espace de vie, le contexte domestique, englobant le contexte conjugal et familial (y compris la belle-famille), demeure le plus marqué par la violence, avec une prévalence de 52% (6,1 millions de femmes) enregistrant une augmentation de 1 point par rapport à 2009. Globalement, les autres cadres de vie ont connu une baisse de la violence en particulier dans l’espace public où la prévalence est passée de 33 à 13% entre 2009 et 2019, suivi par le lieu d’enseignement avec une baisse de 5 points, passant de 24 à 19%. Ainsi, le HCP signale une tendance générale à la baisse en milieu urbain et à la hausse en milieu rural à l’exception du lieu public.

Violence conjugale : Les femmes moins instruites et au chômage les plus touchées

La violence conjugale touche davantage les femmes jeunes, moins instruites et en situation de chômage. L’enquête précise que les femmes âgées de 15 à 74 ans, victimes de violence perpétrée par un mari ou un ex-mari, un fiancé ou un partenaire intime, sont principalement des femmes mariées avec une prévalence de 52%, de jeunes femmes de 15 à 24 ans (59%), des femmes ayant un niveau d’enseignement moyen (54%) et des femmes en situation de chômage (56%).

Par référence au profil du partenaire, la prévalence est particulièrement élevée parmi les femmes dont le partenaire a vécu dans un environnement marqué par la violence conjugale, avec un taux de 73%, les partenaires jeunes âgés de 15 à 34 ans, avec un taux de 61%, et ceux ayant un niveau scolaire secondaire collégial, avec un taux de 57%. Par ailleurs, le HCP fait observer que dans 7 cas sur 10 ( 69%), les actes de violence dans le contexte conjugal sont dus à une violence psychologique , 12% des cas à une violence économique, 11% à une violence physique et près de 8% à une violence sexuelle.

Le harcèlement sexuel représente 49% des cas dans les lieux publics

Concernant les lieux publics, l’enquête révèle que 13% des femmes ont été violentées au cours des 12 derniers mois (1,7 million de femmes), 16% en milieu urbain et 7% en milieu rural. Cette prévalence est prépondérante parmi les femmes jeunes âgées de 15 à 24 ans (22%), les célibataires (27%), les femmes ayant un niveau d’enseignement supérieur (23%) et les ouvrières (23%).

49% des cas de violence commis dans ces lieux sont imputables au l’harcèlement sexuel, 32% à la violence psychologique et 19% à la violence physique. Dans le milieu professionnel, 15% des femmes actives sont victimes de violence dans toutes ses formes. Cette proportion s’accentue parmi les femmes divorcées (22%), salariées (21%), citadines (18%) et les jeunes âgées de 15 à 34 ans (19%). Ces actes de violence sont commis par des responsables hiérarchiques dans 41% des cas et par des collègues dans 29% des cas.

La majorité de ces actes de violence (83%) est due soit à des comportements psychologiquement violents (49%), soit à la discrimination économique (34%). Par ailleurs, dans les établissements d’enseignement et de formation, la violence psychologique est de loin la plus répandue. 22% d’élèves et d’étudiantes ont déclaré avoir subi un acte de violence. Les auteurs de ces violences sont dans 46% des cas de violence des camarades des victimes, 28% des professeurs et 21% des personnes étrangères à l’établissement. Les actes de violence commis sont dans 52% des cas d’ordre psychologique, 37% des cas du harcèlement sexuel et 11% des cas physiques.

1,5 million de Marocaines victimes de «cyber-violence»

Ces dernières années, une nouvelle forme de violence a fait son apparition, à savoir la «cyber-violence». Celle-ci a émergé avec le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication et l’expansion des réseaux sociaux. Avec une prévalence de 14%, près de 1,5 million de femmes sont victimes de violence électronique au moyen de courriels électroniques, d’appels téléphoniques, de SMS, … Selon l’enquête, le risque d’être victime de ce type de violence est plus élevé parmi les citadines (16%), les jeunes femmes âgées de 15 à 19 ans (29%), celles ayant un niveau d’enseignement supérieur (25%), les célibataires (30%) et les élèves et étudiantes (34%).

Cette forme de violence est dans 77% des cas le fait d’une personne inconnue. Le reste des cas de cyber-violence revient, à part égale de près de 4%, à des personnes ayant un lien avec la victime, notamment le partenaire, un membre de la famille, un collègue de travail, une personne dans le cadre des études ou un(e) ami(e).

Seulement 10% des victimes ont déposé plainte

La majorité écrasante des Marocaines ne dénonce pas son agresseur. Seulement 10,5 % des victimes de violence contre 3% en 2009 (près de 18% pour la violence physique et moins de 3% pour la violence sexuelle) ont déposé une plainte auprès de la police ou d’une autre autorité compétente. Elles sont moins de 8% à le faire en cas de violence conjugale contre 11,3% pour la violence non conjugale.

Parmi les principales causes qui expliquent cette situation figurent la résolution du conflit par consentement, l’intervention de la famille, la crainte de la vengeance de l’auteur de violence, le sentiment de honte ou d’embarras particulièrement en cas de violence sexuelle. Le recours des victimes à la société civile suite à la survenue de l’incident de violence ne concerne que 1,3% des femmes. Il est de 2,5% pour les victimes de la violence conjugale contre 0,3% en cas de violence dans les autres cadres de vie.

Elle sont 75% à considérer que la violence a augmenté dans l’espace public

Outre l’analyse des tendances et des différentes formes de violence à l’encontre des femmes, l’enquête du HCP s’est aussi intéressée à la perception de la société à l’égard de ce phénomène. Il en ressort que les femmes sont plus nombreuses que les hommes à considérer que la violence à l’encontre des femmes (73% contre 55%) et des enfants (69 % contre 48%) a augmenté au cours des cinq dernières années. A l’inverse, les hommes sont plus nombreux que les femmes (49% contre 26%) à percevoir que l’évolution de la violence à l’encontre des hommes a augmenté. Autre constat à relever : 57% des femmes contre 21% des hommes estiment que le contexte conjugal est celui où la violence à l’égard des femmes est la plus fréquente.

Ces proportions sont respectivement de 27% contre 58% pour l’espace public et de 12% contre 10% pour le contexte familial. Par ailleurs, 75% des femmes et 78% des hommes considèrent que la violence a augmenté dans l’espace public au cours des cinq dernières années. 69% des femmes et 58% des hommes perçoivent la violence dans le contexte conjugal. A noter que la prévalence de la perception de l’augmentation de la violence conjugale est plus importante parmi les femmes divorcées (72,8%), les femmes ayant une expérience de violence conjugale (61%), les femmes rurales (61%) et les femmes ayant un niveau scolaire secondaire (63%). Pour les hommes, cette prévalence est plus élevée parmi les divorcés (64%), ceux âgés de 45 à 59 ans (61%) et les actifs occupés (59%).

38% des femmes acceptent la violence conjugale pour conserver la stabilité familiale

Toujours selon l’enquête, Près de 38% des femmes et 40% des hommes déclarent accepter la violence conjugale pour conserver la stabilité de familiale. Cette proportion est plus importante chez les femmes sans niveau scolaire que les femmes instruites avec respectivement 53% et 9%. Cette perception est plus élevée parmi les hommes divorcés (50%), les sans niveau scolaire (50%) et les ruraux (48%). Les raisons principales qui font durer la relation conjugale malgré la violence du conjoint sont la présence des enfants pour 77% des femmes et 72% des hommes et le manque des ressources de la femme pour 11,5% des femmes et 4% des hommes.

Autre constat alarmant à relever : 27% des femmes et 31% des hommes affirment que le mari ou le partenaire intime a le droit de punir sa conjointe pour une quelconque faute. Cette proportion est plus élevée et à part égale parmi les femmes et les hommes ruraux (36%) et parmi les femmes et les hommes sans niveau scolaire (35%). Elle est de 32% parmi les femmes âgées de 60 et plus et de 31% parmi les hommes de la même tranche d’âge. Par ailleurs, 21% des femmes et 25% des hommes affirment que le conjoint a le droit de battre sa femme si elle sort de chez elle sans demander son autorisation. Ces affirmations sont plus élevées parmi les femmes rurales (31%), les hommes ruraux (30%) et les femmes sans niveau scolaire (31%).

58% des femmes et 57% des hommes ignorent la loi

Cette enquête a aussi permis de montrer qu’un nombre important de femmes et d’hommes ne connaît pas la loi 103-13 relative à la lutte contre la violence à l’encontre des femmes. En effet, plus de 58% des femmes et 57% des hommes affirment ne pas être au courant de l’existence de cette loi. Ce pourcentage est plus élevé dans le monde rural (70% des femmes et 69% des hommes), parmi les femmes et les hommes sans niveau scolaire (respectivement 71 et 74%).

Parmi ceux qui connaissent la loi, 45% des femmes et 31% des hommes considèrent qu’elle est insuffisante pour garantir la protection des femmes contre la violence. Par ailleurs, 62% des femmes sont au courant de l’existence des associations d’assistance et d’hébergement des femmes victimes de violence et de leurs enfants. Signalons également que les femmes sont mieux informées sur les associations non gouvernementales que sur les structures étatiques dédiées au soutien et à la protection des femmes victimes de violence.

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