Certaines personnes ont une bien triste notion du service public qu’elles assimilent à un service personnel qu’elles rendent de façon parcimonieuse, en dépit de la mission qui leur incombe et des bénéfices qu’elles en retirent. Avec un tel comportement, elles désobligent, portent préjudice et font mal…
«Sans la liberté de blâmer, il n’est pas d’éloge flatteur», permettez-moi d’user de cette citation si chère aux journalistes pour vous demander d’appuyer cette réaction citoyenne et rendre publique cette lettre ouverte destinée au directeur général de la Sûreté nationale. Le vendredi 14 octobre 2005, en plein Bd Taza, à Hay Moulay Abdellah, à Casablanca, en début d’après-midi et en pleine affluence, je me suis vu projetée par une moto, traîné par deux énergumènes, lacérée, rouée de coups, délestée de mon sac qui contient une importante somme d’argent, tous mes papiers d’identité administratifs et professionnels, mes clés, le téléphone portable, mes documents bancaires : carnet, carte et livret…. Si l’acte d’agression est en lui-même affreux, abominable, condamnable…Si je suis restée démunie et faible devant mes agresseurs, la moindre chose à laquelle je m’attendais, c’est à un peu de répondant, un peu d’assistance ou compassion, de la part de ceux qui sont chargés sécuriser les biens et les personnes. En l’occurrence, la police censée assurer la sécurité et la sûreté des citoyens. Mais après cette agression physique et cette perte matérielle, j’ai dû me confronter à une autre agression, celle beaucoup plus morale, mais inattendue de la police de l’arrondissement 19 en charge de ce quartier, situé à Hay Elousra. Même rouée de coups et abattue, je suis partie faire le même jour le constat d’usage au commissariat en question que j’ai trouvé vacant. De retour samedi matin, le responsable est absent mais un préposé me reçoit froidement pour prendre ma déclaration et me rétorquer que « ces agressions dans ce boulevard au centre de quartiers marginaux sont ici monnaie courante et même ordinaires… » C’est-à-dire comme si pour moi rien ne s’était passé et qu’il ne fallait même pas réagir car cela n’aboutirait à rien. L’espoir de voir mes agresseurs arrêtés et déférés devant la justice s’est envolé. La plainte est devenue un simple et banal acte administratif qui me permettrait d’obtenir une déclaration de vol. Pour recevoir cette déclaration de vol, on me demanda de retourner le lundi 17 octobre. Ce lundi à 10h30 du matin, le commissariat est encore vide. Le seul préposé présent m’affirma que la déclaration est faite mais qu’il n’est pas autorisé à la signer, le commissaire est absent. Je devrais retourner le mardi.
Quand je me suis présentée le mardi 18 octobre à 10 h 40, ma surprise fut encore plus grande de savoir que la déclaration n’est pas faite et que pour l’obtenir, il fallait détenir et présenter des copies de documents volés, les numéros des chèques et quoi d’autre encore…J’ai compris que c’est un interminable va-et-vient qui ne va pas cesser. Lorsque j’ai demandé à voir le commissaire pour réclamer, celui-ci présent sur place se déclara absent. Donc je n’avais plus aucun recours. Sur l’entrée de l’appartement qui sert de commissariat, figure bien en vue, une pancarte où il est inscrit LA POLICE AU SERVICE DU CITOYEN. Ici cette pancarte est contrastante et ne répond aucunement au service fourni.
En qualité de professeur de droit, j’enseigne à mes étudiants des éléments sur la probité et la compétence de notre système juridique et judicaire. C’est dire, combien je crois en notre police et en notre sûreté nationale dont je reste fière.
Mais dans ce commissariat du quartier Aloussra, j’ai seulement vu des personnes imbues de leur charge, supérieures aux citoyens qui viennent les solliciter, indifférents à leurs problèmes et à leurs douleurs. J’ai vu un officier responsable démissionnaire, des bureaucrates qui vous assaillent de tracas administratifs….
J’ai subi des dommages physiques, matériels et moraux ; je ne veux pas encore subir de préjudices du fait du manque de conscience professionnelle de ce commissariat de quartier. C’est pourquoi je me permets de dénoncer cette attitude et peut-être éviter aussi, à d’autres citoyens, pareille mésaventure.
• Aïcha FADIL
Docteur en Sciences Juridiques
Professeur de Droit