Société

L’homme qui aimait les bijoux

Un après-midi du mois de janvier. Abdelmalek est chez lui, devant le miroir. Il est bien soigné. Il a l’allure d’un haut fonctionnaire qui s’apprête à sortir pour un dîner de travail. Il descend de chez lui, ouvre la portière de sa Peugeot 205, y monte, tourne le contact et démarre.
Quelques minutes plus tard, au centre ville de Khouribga, il remarque une fille, la trentaine, marchant lentement sur le trottoir. Elle n’est pas très jolie, mais ce n’est pas non plus un laideron. Bien maquillée, elle porte une djellaba marron, un sac à la main. Il klaxonne. Elle fait semblant de n’avoir rien entendu. Mais Abdelmalek gare la voiture, descend, se dirige vers elle, s’approche d’elle : “Si tu le permets…je voudrais te dire un petit mot…“ lui demande-t-il avec une galanterie toute particulière. Elle n’est pas habituée à ce genre de comportements, qu’elle ne voit que dans les films à la télévision. Elle ne le répond pas, garde le mutisme, tente de dissimuler son sourire, continue son chemin. “Je ne te demande pas plus de quelques minutes pour te parler…et te proposer quelque chose qui, je crois, va te faire plaisir…“lui ajoute-t-il. Elle lève la tête, cette fois-ci, le scrute du regard et lui demande : “Qu’est ce que tu veux au juste ?…j’en ai marre de ce racolage …et j’aimerais que tu me laisses tranquille…“lui dit-elle.
Abdelmalek, lui non plus, n’est pas accoutumé à ce genre de comportement. “Penses-tu que j’ai laissé ma voiture et t’ai suivie pour perdre mon temps à racoler des filles?… Est ce qu’une personne comme moi a du temps à perdre dans ces choses là ?…“l’interroge-t-il. “Je ne sais pas…“ lui répond-t-elle.
“…Non, j’ai maintenant un rendez-vous et parce que j’ai remarqué que tu es une fille de bonne famille (“Bent Annasse“), je me suis dit que je ne devais pas rater cette occasion…pas plus…“, lui affirme-t-il. Il note son numéro de portable sur un bout de papier, le lui tend : “Si tu es intéressée, tu peux m’appeler sur ce numéro …mais je te supplie de le faire, parce que je suis de bonne foi…“.
Ce mot de “bonne foi“ a laissé des résonances profondes au coeur de la fille. Abdelmalek retourne à sa voiture, y monte, démarre. Le lendemain son portable sonne. C’est elle. “Bonjour…“, lui dit-elle sans ajouter un autre mot. Sans la laisser attendre, il lui demande de la rencontrer le lendemain au centre ville. Najat, trente-cinq ans, monte à l’intérieur de la voiture, commence à parler avec lui, comme si elle le connaissait. Elle n’est plus celle d’hier. Il lui parle de mariage, de sa responsabilité dans une grande société de Casablanca, de sa famille qui possède des lots de terrain à Rabat et à Fès, de ses frères qui vivent en France… Au fil des jours, elle ne parle à sa mère que de lui, de ses paroles mielleuses, de ses comportements d’un jeune homme de la ville, de son amour généreux…Sa mère est transportée de joie ; enfin sa seule fille qui dépasse les trente ans va se marier. Le rêve de toute mère…
Il la rencontre une fois par semaine. “C’est insuffisant mon grand amour. Tu me manques les autres jours…“ lui dit-elle un jour au café. “Je suis très pris par le travail. Je me rends très souvent à Casablanca…Heureusement que je suis un haut cadre et que personne n’a d’autorité sur moi…“ lui répond-il. Un jour du mois de mars. Le couple se rencontre. “J’ai parlé à ma mère de toi et elle m’a demandé de te voir…Donc je te supplie ma belle de t’habiller soigneusement et de mettre les bijoux en or que tu gardes pour les grandes occasions…afin qu’elle se convainc que j’épouserai une fille d’une famille aisée comme la nôtre…“, lui demande-t-il.
Dimanche, dans l’après-midi. Ils se rencontrent au centre ville. Abdelkmalek conduit la voiture. Najat est heureuse. “Il est vraiment sérieux “ pense-t-elle. Abdelmalek continue son chemin vers une destination qu’elle ignore. Une demi-heure plus tard, il s’arrête dans un endroit désert. “Pose tes bijoux“ lui demande-t-il calmement. Najat ne comprend pas, sourit bêtement. « Je ne rigole pas… », ajoute-t-il. La jeune femme reste bouche-bée, et demande :“C’est quoi ? tu rigoles ou quoi Abdelmalek ?“. L’ange se transforme en démon. Il la gifle violemment. Elle sanglote, ôte ses trois bracelets, une gourmette, une chaîne, des boucles d’oreille et deux bagues, tous en or. Elle n’ajoute pas un mot, se contente de pleurer.
Abdelmalek redémarre, arrive quelques mètres loin du centre ville, lui ordonne, sous la menace d’un couteau, de ne pas crier. Najat descend, hèle un petit taxi. Arrivée chez elle, elle se jette dans les bras de sa mère, sanglote, lui relate l’histoire. Sa mère tente la consoler. Ce n’est pas seulement le rêve du mariage qui s’est évaporé, mais également les bijoux de ses deux amies du quartier qui les lui avaient prêtés pour cette rencontre…

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