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L’IA : Et si le vrai défi, c’était le leadership ?

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L’investissement dans la formation et l’acquisition de talents spécialisés est une condition essentielle pour répondre aux besoins croissants en compétences dans l’IA.

L’intelligence artificielle s’impose aujourd’hui comme une révolution comparable à Internet ou à l’automobile. Pourtant, malgré des avancées spectaculaires et des investissements croissants, son adoption à grande échelle peine à se concrétiser. Selon le rapport «Empowering People to Unlock AI’s Full Potential» de McKinsey (1), 92 % des entreprises prévoient d’augmenter leurs investissements en IA dans les trois prochaines années, mais seulement 1% des dirigeants estiment que leur entreprise a atteint un niveau de maturité suffisant. Comme le disait Roy Amara, cofondateur de l’Institute for the Future, «nous avons tendance à surestimer l’effet d’une technologie à court terme et à sous-estimer son effet à long terme.».
Ce constat met en lumière un paradoxe majeur : ce ne sont pas les limites technologiques qui freinent l’adoption de l’IA, mais bien les difficultés stratégiques et organisationnelles. L’IA n’est pas un simple outil supplémentaire, elle représente une transformation profonde du fonctionnement des entreprises. Pour en tirer pleinement parti, celles-ci doivent revoir leur structure, repenser leurs méthodes de travail et adopter une gouvernance adaptée.

L’illusion d’un blocage technologique
L’IA est souvent perçue comme une technologie complexe et exigeante en ressources. Pourtant, les solutions disponibles sur le marché sont plus accessibles que jamais. Les modèles d’intelligence artificielle sont devenus modulables, interopérables et s’intègrent aisément aux infrastructures existantes. Mistral AI en est un parfait exemple. Cette start-up européenne a réussi à développer des modèles d’IA en open-source peu gourmands et hautement performants, permettant aux entreprises de s’affranchir de certaines dépendances aux géants américains et d’intégrer l’IA de manière flexible selon leurs besoins. Grâce à ces solutions, les organisations peuvent exploiter des modèles plus légers sans avoir à investir massivement dans des infrastructures complexes. La véritable difficulté ne réside donc pas dans la technologie elle-même, mais dans la capacité des entreprises à l’adopter efficacement.
Ce retard s’explique principalement par un manque de vision claire de la part des dirigeants. L’IA est encore trop souvent considérée comme une expérimentation ou un outil d’optimisation plutôt qu’un véritable levier de transformation. Sans une stratégie cohérente et un engagement fort du leadership, les projets IA peinent à dépasser le stade des pilotes et ne s’intègrent pas pleinement aux processus métiers.

Les véritables freins à l’adoption de l’IA
L’adoption de l’IA à grande échelle est entravée par plusieurs obstacles qui ne sont pas d’ordre technologique. D’abord, le manque d’alignement stratégique ralentit la mise en œuvre des projets. Les entreprises peinent à intégrer l’IA dans leur vision globale, ce qui entraîne une fragmentation des initiatives et une absence de coordination entre les différentes divisions.
L’incertitude financière représente également un frein majeur, particulièrement dans un contexte international marqué par des fluctuations économiques et des régulations variables selon les régions du monde. À cela s’ajoute la difficulté à recruter et former des talents capables de gérer ces nouvelles technologies, alors que la demande pour les compétences en IA dépasse largement l’offre disponible sur le marché. Les préoccupations liées à la sécurité des données et aux régulations constituent un autre défi. Enfin, la dépendance aux infrastructures cloud et aux fournisseurs technologiques limite l’autonomie des entreprises, ce qui peut engendrer des risques en matière de souveraineté numérique.

Les six leviers pour accélérer l’adoption de l’IA
McKinsey identifie six facteurs clés pour permettre aux entreprises d’exploiter pleinement le potentiel de l’IA. La première étape consiste à aligner la stratégie IA sur les priorités business, en définissant des objectifs clairs et mesurables. Une mise à l’échelle rapide et maîtrisée des projets pilotes est indispensable pour éviter qu’ils ne restent à l’état d’expérimentation isolée. L’investissement dans la formation et l’acquisition de talents spécialisés est une condition essentielle pour répondre aux besoins croissants en compétences dans l’IA. Un modèle favorisant la collaboration entre les équipes métiers et technologiques permet une intégration plus fluide de l’IA dans les processus de l’entreprise. L’infrastructure technologique doit être flexible pour assurer l’évolutivité et l’interopérabilité des systèmes. Parallèlement, une gouvernance rigoureuse des données et de l’IA est essentielle pour garantir la conformité réglementaire et renforcer la confiance des employés et des partenaires.

Le leadership, moteur de la transformation IA
L’IA ne peut être réduite à une simple innovation technologique, elle représente un changement profond des méthodes de travail et des modèles organisationnels. Comme le confirme le rapport de Mc Kinsey, les dirigeants sont plus de deux fois plus enclins à considérer la préparation des employés comme un frein à l’adoption de l’IA plutôt que de remettre en question leur propre rôle dans cette transition. Pourtant, les employés se montrent bien plus prêts que leurs supérieurs ne l’imaginent, et ils attendent des décisions claires et une formation adaptée pour accompagner cette transition.
Les entreprises qui réussiront à tirer parti de l’IA seront celles qui iront au-delà de la technologie pour en faire un levier stratégique. Plus qu’un simple outil, l’IA doit transformer en profondeur les modèles opérationnels et décisionnels.

Un tournant managérial à ne pas manquer
L’adoption de l’IA n’est pas un choix, mais une nécessité pour rester compétitif dans un monde en constante évolution. Les entreprises qui sauront prendre ce virage stratégique et transformer leur organisation en profondeur bénéficieront d’un avantage concurrentiel durable.
Le défi n’est pas technologique, mais managérial. L’avenir de l’IA dans les entreprises dépend avant tout de la capacité des dirigeants à mobiliser leurs équipes, à structurer une gouvernance efficace et à insuffler une dynamique d’innovation à tous les niveaux. Ceux qui réussiront cette transition ne se contenteront pas d’optimiser leurs opérations, ils réinventeront la façon dont ils créent de la valeur et interagissent avec leur écosystème.

Anthony Hié
Directeur de l’Innovation & de la Transformation Digitale
Excelia

Rèférences
(1) Mayer, H., Yee, L., Chui, M., & Roberts, R. (2025). Superagency in the Workplace: Empowering People to Unlock AI’s Full Potential. McKinsey & Company.e.

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