Un rapport sénatorial américain pointe le rôle joué par le groupe BP et les autorités britanniques dans la libération en août 2009 du Libyen Abdelbaset al-Megrahi, seul condamné dans l’attentat de Lockerbie, parce qu’il n’avait soi-disant que trois mois à vivre. Dans ce rapport intitulé «Justice bafouée», dont l’AFP s’est procuré copie mardi, quatre sénateurs reprennent point par point le fil des événements qui a mené à la libération par les autorités écossaises de M. Megrahi, toujours vivant 16 mois plus tard. La libération du seul auteur condamné de l’attentat contre le vol Pan Am de 1988 (270 morts, dont 189 Américains) au-dessus du village de Lockerbie (Ecosse), accueilli en héros en Libye, avait fait scandale aux États-Unis au point que le Sénat avait lancé une commission d’enquête. «Les preuves montrent que le gouvernement britannique (…) était préoccupé par l’avenir d’un contrat pétrolier de 900 millions de dollars entre BP et Tripoli», écrivent les sénateurs, en précisant que ce contrat était «le plus important dans l’histoire du groupe». Ils expliquent comment le nom de M. Megrahi avait été retiré de l’accord sur le transfert des prisonniers (PTA), établissant les conditions de libération ou de transfèrement de détenus étrangers au Royaume Uni, jusqu’à ce que «les pressions exercées par la Libye et BP amènent le gouvernement britannique à l’inclure dans l’accord».
«En mai 2007, le même mois où BP a signé son contrat avec la Libye, les autorités britanniques ont signé avec Tripoli un protocole prévoyant un accord sur le PTA dans les douze mois», poursuivent les sénateurs. En octobre et novembre suivants, le groupe pétrolier «fait pression à trois reprises sur le ministre britannique de la Justice de l’époque, Jack Straw, pour accélérer les négociations». A ce moment là, selon le rapport, des membres du service de renseignement britannique MI6 sont impliqués. Finalement, Londres craque et, en décembre 2007, inclut Megrahi dans sa liste de prisonniers transférables. Parallèlement, il passe toute une série d’accords commerciaux et d’armements avec la Libye. Il s’agit alors de convaincre les Ecossais, au départ réticents, à laisser échapper M. Megrahi. Mais, selon le rapport, les pressions conjuguées des autorités britanniques et du Qatar, où l’Ecosse a «de solides intérêts financiers publics et privés», ont eu raison de leurs scrupules. «La quasi totalité des responsables écossais ont refusé de répondre aux questions des enquêteurs (…) mais nous concluons qu’un certain nombre de considérations politiques, économiques et financières ont joué un rôle». Les Ecossais ont fini par décider de le relâcher pour des raisons humanitaires, passant outre le PTA et la possibilité d’un transfèrement. Mardi, le gouvernement écossais a rejeté les conclusions du rapport sénatorial américain. «Il ne s’agit pas d’un rapport officiel de la commission du Sénat des Affaires étrangères», a indiqué un porte-parole. «Il s’agit d’une resucée erronée et fausse de documents rendus publics il y a plusieurs mois. Nous rejetons cette fausse interprétation dans sa totalité», a-t-il ajouté.