BP, éreinté aux Etats-Unis par trois mois de marée noire, est également dans le collimateur pour l’affaire Lockerbie, le Sénat soupçonnant le groupe britannique d’avoir poussé à la libération du Libyen Megrahi en échange de contrats pétroliers. Exaspérés par les «manœuvres dilatoires» attribuées à BP et aux gouvernements britannique et écossais, des sénateurs ont même lancé un appel à la délation pour obtenir des informations sur d’éventuelles tractations secrètes liées à la libération, il y a tout juste un an, d’Abdelbaset al-Megrahi. Le Libyen, seul condamné pour l’attentat contre le vol Pan Am de 1988 (270 morts, dont 189 Américains) au-dessus du village de Lockerbie (Ecosse), a été remis en liberté par la justice écossaise en août 2009 après que des médecins eurent estimé qu’il ne lui restait que trois mois à vivre. Un an après son retour triomphal à Tripoli, il est toujours en vie. Les sénateurs, qui ont promis l’anonymat à qui l’exigerait, souhaitent obtenir le plus d’informations possibles avant l’audience publique que prépare en septembre sa commission des Affaires étrangères. BP est soupçonné d’avoir joué de son influence auprès des gouvernements britannique et écossais pour obtenir la libération du condamné… et un permis d’exploration de 900 millions de dollars au large de la Libye. BP et les deux gouvernements concernés ont démenti cette accusation. BP admet avoir fait pression pour que Londres accélère la conclusion d’un accord de transfèrement de prisonniers avec la Libye pour obtenir des contrats dans ce pays, mais assure n’avoir jamais spécifiquement insisté sur le cas Megrahi. Une première audience prévue en juillet a été annulée, car plusieurs témoins, dont le directeur général de la compagnie, le sortant Tony Hayward, ont refusé de se présenter devant la commission. Les élus veulent également entendre Mark Allen, un ancien agent du MI6 (le service de renseignement extérieur britannique) engagé chez BP, et l’ex-ministre de la Justice Jack Straw. Le Premier ministre écossais, Alex Salmond, a déclaré qu’il était prêt à rencontrer des élus américains au Royaume-Uni mais qu’en aucun cas son ministre de la Justice ne comparaîtrait devant la commission sénatoriale. Il a fait valoir que des ministres américains n’accepteraient pas une telle demande de la part d’un pays étranger. L’administration Obama a enfoncé le clou par la voix de la secrétaire d’Etat Hillary Clinton, qui a déclaré mi-juillet à son homologue britannique William Hague que chaque jour de liberté de Megrahi était «un affront» pour les familles des victimes de l’attentat. Lors de sa première visite aux États-Unis quelques jours plus tard, le Premier ministre britannique David Cameron a annoncé un nouvel examen du dossier mais exclu de rouvrir l’enquête et démenti que des fonctionnaires britanniques aient pu être influencés par BP. M. Cameron a aussi accepté au dernier moment de s’entretenir de la question avec des sénateurs américains. A l’issue de la rencontre, le démocrate Charles Schumer a déclaré qu’une nouvelle enquête n’était pas exclue.
Olivier Knox (AFP)