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L’impératif du digital à l’ère de la Covid Préconisations pour le secteur du retail

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En raison de la pandémie de Covid 19, certains acteurs du retail, en l’occurrence les opticiens ou les vendeurs de motocycles, ont vu leurs ventes chuter de -100%.

Par Lamiae Benhayoun (*)
Par Lamiae Benhayoun (*)

La crise sanitaire a entraîné la fermeture de nombreux magasins et modifié les habitudes des ménages dont les achats ont baissé de 17,9% et ont majoritairement été réalisés à distance. Les relations avec les clients sont désormais centrées sur le numérique. La pandémie a démontré que la transformation digitale est devenue un impératif pour opérer dans le secteur du retail, voire pour survivre. La technologie favorise non seulement l’engagement des consommateurs, mais modifie aussi les règles de la productivité dans le retail. Par exemple, l’automatisation des processus accélère les tâches de back-office. Les détaillants ont accès à plus de données opérationnelles pour conduire des analyses sophistiquées, et peuvent exploiter l’intelligence artificielle pour la conception des produits, la gestion de la chaîne d’approvisionnement et l’amélioration de l’expérience en magasin.

La transformation digitale nécessite une modernisation des systèmes d’information (SI) reposant pour la plupart des acteurs du retail sur des SI legacy. Ces systèmes patrimoniaux, essentiels aux opérations d’une entreprise, ont été construits pendant des décennies avec des technologies et méthodologies devenues obsolètes à l’ère digitale comme le Cobol ou le Fortran. Si ces SI ont évolué grâce à l’avènement des ERP qui permettent la gestion intégrée des processus clés, le développement d’Internet et du e-commerce impose de nouvelles infrastructures plus flexibles aux évolutions du marché : le Fast Information Technology (IT). Il repose sur la capacité à exploiter les nouvelles technologies comme la Data, l’IoT, ou le Cloud pour mieux répondre aux besoins de l’entreprise. Son intégration requiert des méthodes agiles pour accélérer la production et réduire le time to market.

Si aujourd’hui de plus en plus d’entreprises dans des secteurs comme l’automobile ou les banques-assurances migrent massivement vers du Fast IT, c’est loin d’être le cas des acteurs du retail. Ce secteur a plusieurs spécificités empêchant ses organisations d’appliquer les approches standards d’intégration du Fast IT. Le retail possède une diversité d’acteurs et de produits. Il existe différents formats de magasins avec des canaux de distribution hétérogènes. Le secteur se caractérise aussi par différentes formes organisationnelles : centralisée, décentralisée, intégrée, réseau de franchise, etc. Les formats de ventes au détail sont également diversifiés et évolutifs. Sur le long terme, les détaillants développent de nouveaux formats, gèrent les formats existants et abandonnent des formats sous l’effet de facteurs économiques, sociaux ou démographiques. Sur le court terme, les formats de ventes peuvent changer en fonction de la saisonnalité des produits. Historiquement d’un point de vue technologique, l’industrie du retail est peu outillée et informatisée. Mais l’arrivée de nouveaux acteurs (Amazon, Alibaba), la part grandissante du e-commerce et l’évolution des attentes des consommateurs font évoluer le paysage. Enfin, la main-d’œuvre dans le secteur du retail est peu qualifiée, avec un turnover élevé, et dispose d’une faible culture technologique.

Dans le cadre d’une recherche en collaboration avec le cabinet Devoteam, nous avons déterminé les étapes nécessaires à la migration d’un SI legacy vers du Fast IT pour la transformation digitale d’un acteur du retail :
1. Identifier le besoin de migrer vers du Fast IT : Plusieurs facteurs sont à considérer, notamment l’intérêt de la modernisation pour les processus et bénéfices financiers de l’entreprise, le coût de mise en œuvre du Fast IT, le coût de maintien d’un SI legacy toujours efficace et la disponibilité de personnes compétentes pour le piloter.
2. Définir un schéma directeur cible en impliquant les métiers : La définition du schéma directeur permet de formaliser et de conceptualiser la mise en place du SI. La recherche a mis en évidence l’importance d’impliquer les équipes métiers lors de la définition du schéma. Elles connaissent le mieux l’usage prévu du nouveau SI et les contraintes de sécurité des données à migrer dont il faut tenir compte.

3. Faire évoluer le SI existant brique par brique : L’ensemble des applications et outils d’une entreprise ne peuvent être modernisés en même temps mais doivent être priorisés. Il semble bénéfique d’initier la transformation avec les applications dites front office (site e-commerce, CRM). Elles sont hautement caractéristiques du Fast IT et induisent implicitement toute une infrastructure nouvelle pour les accompagner (Cloud, Analytics, etc.). Après chaque évolution, il faut veiller à sauvegarder les fichiers et données clés et s’assurer de tester le système pour vérifier la fonctionnalité des applications et l’intégrité des données.
4. Déterminer les composantes du SI legacy à maintenir et leur temps de conservation : Migrer son SI d’un système legacy à un Fast IT ne signifie pas de faire table rase du passé. Nos résultats soulignent la nécessité pour une entreprise de maintenir un minimum de legacy, i.e. de trouver un équilibre entre modernité, efficacité et coûts pour faire cohabiter un système legacy et Fast IT, au moins pendant un certain temps. Cela permet d’assurer une transition plus flexible et réduit la réticence au changement des équipes. De plus, il faut être conscient que les outils Fast IT implémentés aujourd’hui risquent de devenir obsolètes au bout d’une décennie. Il est primordial de prévoir leur évolution lors de leur intégration dans le SI.

5. Adopter une approche top down pour décliner la stratégie IT : Il s’agit de définir d’abord au niveau exécutif les attentes de la stratégie IT et les modalités de déploiement, notamment le budget et le rétroplanning global. Ensuite, les équipes opérationnelles déterminent les phases, ressources et actions détaillées à leur n+iveau. Il est nécessaire d’impliquer l’ensemble des fonctions supports, notamment les services financiers, informatiques, les développeurs et les ingénieurs. Cette approche est particulièrement bénéfique pour le retail car il y a une segmentation de plus en plus forte entre les équipes techniques et métiers, ce qui complique les projets de modernisation.

6. Démocratiser les méthodes de travail en mode agile : Cet élément s’est avéré être une bonne pratique pour la migration d’un SI legacy à du Fast IT. Il permet aux équipes de développement de délivrer plus rapidement et réduit le time to market des applications.
Sur le long terme, il est vital de mettre en place une gouvernance des SI pour éviter que le patrimoine applicatif de l’entreprise ne se transforme en une dette technique. Les entreprises du retail peuvent se retrouver paralysées par le maintien d’un SI rigide et peu adapté aux besoins des métiers. Elles doivent instaurer une véritable gouvernance de leur SI pour se protéger contre un manque d’agilité et ralentir au maximum l’obsolescence de leurs systèmes.

( *) Professeur à l’Université Internationale de Rabat

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