ALM : Quel bilan faites-vous de la gestion de la période qui nous sépare des attentats qui ont secoué la ville de Casablanca ? Abdelaziz Hafidi Alaoui : Après plus de quarante jours sur le déclenchement des attentats du 16 mai 2003, et tout en laissant la Justice faire son travail pour jeter la lumière sur les tenants et les aboutissants de cette affaire et ses différents protagonistes, il nous appartient d’agir dans le sens de la clarification de certaines positions et de la mise en place des dispositifs nécessaires à l’éradication de la violence terroriste. Il faut reconnaître que l’Etat était prévoyant en mettant en place une législation de lutte contre le terrorisme, et ce, avant même que les actes terroristes ne se manifestent au Maroc et avant même que des groupes terroristes passent à l’action. Il nous appartient dès lors, maintenant, de mettre fin à une sorte d’opacité qui a régné depuis plusieurs années au sein de la vie politique partisane. Quelles sont, à votre avis, les mesures urgentes qui doivent être adoptées à cet effet ? Je pense, entre autres, à la loi sur les partis qui devrait être présentée au Parlement. Car, il est temps que l’on se penche sur cette question et de mettre fin à l’amalgame qui règne entre le spirituel, qui relève en premier lieu, aux prérogatives de SM le Roi en tant que Commandeur des croyants, et le temporel, qui doit être géré, en grande partie, par les partis politiques. Qu’est-ce que vous reprochez au texte régissant, actuellement, le domaine partisan ? Jusqu’à présent, il suffit qu’il y ait des personnes qui se rassemblent pour créer un parti politique ; et ce sans qu’il y ait le moindre souci pour le travail d’encadrement. Or, ce travail doit être réglementé. Les textes de lois doivent, donc, compléter, les dispositions de la Constitution et définir comment créer un parti, d’où peuvent provenir ses ressources financières et comment se gèrent ses finances et, bien entendu, ses modalités de gestion. A titre d’exemple, un parti qui dispose de moins de 3% de voix lors des élections législatives, ne doit plus exister. Du moins jusqu’à l’organisation d’une nouvelle échéance électorale. L’organisation et l’encadrement de la population ne doivent pas se faire dans le chaos et l’anarchie, et par des partis non représentatifs. Car, avec un travail politique effrité où les responsabilités des uns et des autres ne sont pas manifestes et établies, il est difficile de concevoir un travail d’encadrement clair et sain. Comment vous voyez, selon cette optique, la question des subventions des partis ? A mon sens, les subventions doivent se faire en fonction de la représentativité de chaque parti. Or, dans le cas actuel, tous les partis sont rémunérés, y compris ceux qui n’ont aucun siège au Parlement et qui sont sanctionnés par la population. A mon sens, cette mesure est à même de dégager une nouvelle configuration politique avec deux ou trois grands pôles. Ce qui pourrait baliser le terrain à une fluidité en ce qui concerne la mise en application du principe de l’alternance. Car, autant nous voulons une majorité forte et cohérente, autant nous avons besoin d’une forte opposition. Est-ce que vous ne voyez pas que les attentats du 16 mai ont porté un coup au progrès démocratique du Maroc ? D’abord, la démocratie est une affaire d’équilibre. Abstraction faite des aléas de la conjoncture actuelle, il n’en demeure pas moins important de souligner la nécessité de l’organisation et de la réglementation de l’action politique partisane ; et ce, d’autant plus que nous avons des échéances électorales proches; Nous sommes donc pris par ces faits, surtout sachant que les textes législatifs sont prêts et qu’ils sont en instance depuis deux ans déjà. Par ailleurs, les attentats terroristes du 16 mai nous obligent à lever toute sorte d’amalgame qui continue de coller à l’action politique et qui se dresse devant sa laïcisation. Et qu’en est-il de l’état des lieux de la vie partisane ? En bref, il y a lieu de faire part de l’existence de partis disposant de patrimoines respectables et d’autres qui n’ont pas de patrimoine, ni de fond en dehors des cotisations de leurs membres, comme c’est le cas pour le RNI, qui depuis sa naissance en 1978 a choisi d’être un parti du centre. Est-ce que vous estimez que votre parti adhère, de par sa gestion, à la Cour des partis démocratiques, qui intègrent en leur sein le principe de l’alternance des générations et des compétences ? Je ne suis pas inquiet pour l’avenir du RNI. L’alternance doit être perçue à tous les niveaux de l’organigramme organisationnel du parti. Nous avons 3 femmes parmi les 23 membres du Bureau politique. En outre, les anciens dirigeants du parti sont de nos jours minoritaires au sein du Bureau politique.