Ce projet a été proposé par la commission d’experts dépêchés au Maroc au mois de juillet dernier par l’Union européenne afin de se pencher sur les moyens à même de renforcer l’effort marocain de lutte contre l’immigration clandestine. Ce comité, formé de dix experts dont cinq sont des fonctionnaires de la commission européenne et les cinq autres représentant l’Italie, la France, les Pays-Bas et le Portugal, a présenté un ensemble de propositions pour aider le Maroc à « mieux contrôler les flux migratoires vers l’UE ». Un plan qui suppose un investissement européen de 40 millions d’euros. Parmi les propositions contenues dans le rapport des experts européens, il y a lieu de noter « la création de patrouilles de police conjointes » formées par des agents européens et marocains pour contrôler les côtes marocaines.
L’idée, qui semble avoir comme objectif d’aider le Maroc, revêt en vérité un double intérêt pour les Européens. D’abord, la création de patrouilles conjointes permettra aux Européens de contrôler la destination des quarante millions d’euros qu’ils prévoient d’octroyer au Maroc. Ensuite, ils pourront avoir un droit de contrôle sur les côtes marocaines.
Certes, le sommet européen de Séville avait prévu la création de telles patrouilles entre les services de police des pays européens, mais l’idée d’impliquer des pays tiers avait été écartée. D’où l’extravagance d’une telle proposition. Car la création de patrouilles conjointes entre les services de police des pays membres de l’Union-européenne est une décision logique puisqu’elle part du principe de l’espace européen unifié. Mais l’idée de créer de telles patrouilles entre les Marocains et les Européens est une aberration puisqu’elle implique une concession du droit souverain et exclusif des autorités marocaines de contrôle territorial et de la protection des frontières. Par ailleurs, la présentation du rapport des experts européens a coïncidé avec la publication d’une étude élaborée par le Bureau International du Travail (BIT) sur l’immigration clandestine.
Dans ce rapport intitulé « L’immigration irrégulière subsaharienne à travers et vers le Maroc », les experts de l’Organisation indiquent que « pratiquement tous les subsahariens qui tentent d’émigrer vers l’Europe transitent par l’Algérie ». Selon le rapport du BIT, les candidats à l’immigration clandestine « se promènent en toute tranquillité dans ce pays qui n’exerce pas vraiment de contrôle sur ses frontières au Sud ».
Selon des témoignages recueillis par les auteurs du rapport, des subsahariens affirment que la police algérienne ferme l’oeil sur les subsahariens qui transitent par l’Algérie et qui s’installent dans le pays dans l’attente d’une occasion pour passer au Maroc. L’Union européenne devrait donc exercer des pressions sur ce pays afin de l’inciter à contrôler ses frontières au Sud et à lutter contre les milliers de subsahariens qui s’installent à Maghnia en attente d’une possibilité de s’infiltrer au Maroc.
À ce propos, les experts de la commission européenne affirment qu’en un seul jour, le 14 juillet 2002, ils ont observé l’arrestation par les autorités marocaines de 180 subsahariens près de la frontière à Oujda. Une fois expulsés vers l’Algérie, ces candidats à l’immigration clandestine sont immédiatement relâchés par les autorités de ce pays et n’attendent plus qu’une nouvelle occasion pour passer au Maroc, affirme le rapport.