Société

Mohammedia en danger permanent

Six jours après l’apocalypse de l’eau et du feu qui a ravagé la ville de Mohammédia, la cité continue à avoir le même visage défiguré par l’eau, la boue et la désolation. Six jours aussi après ce lundi noir, les habitants sinistrés de la ville basse continuent à subir les affres de la nature ou plutôt de l’erreur humaine dans la plus grande des solitudes.
Dans les quartiers Wafa, Inara, espagnol, toute la zone du port et jusqu’au centre ville, le spectacle reste effrayant. Appartements défigurés, villas défoncées, caves inondées, commerce détruit et routes submergées par l’eau et la boue où traînent des matelas, des canapés, des réfrigérateurs, voire des objets personnels. Les gens ont tout perdu au cours d’une soirée apocalyptique où l’incident de la raffinerie a fait oublier les ravages considérables de l’eau. Les habitants sinistrés ont été livrés à eux-mêmes face à la montée de l’eau qui a atteint parfois près de trois mètres de hauteur. Du coup les gens qui étaient bloqués dans leurs maisons ou ceux qui n’ont pas pu accéder aux leurs, n’ont été secourus d’aucune manière durant cette nuit. Les sapeurs-pompiers, les agents de sécurité, les chefs d’arrondissement, les caïds et autres mokaddem se sont tous mobilisés pour parer au plus grave. Ce qui n’est nullement une excuse pour laisser des gens dans la détresse totale dans une obscurité absolue.
Beaucoup d’habitants submergés par la montée de l’eau ont passé toute la nuit et une grande partie de la journée sur leur toit sans abri, ni nourriture. Seuls quelques volontaires jeunes et moins jeunes qui ont osé défier le déchaînement de la nature pour venir en aide à leurs semblables. Un esprit de solidarité qui n’a pas fonctionné malheureusement pendant les premières heures de la tragédie. On citera toutefois la solidarité agissante de l’entrepreneur Luc qui a utilisé des zodiacs pour sauver les gens ou Rabti Kebir qui a utilisé le camion de la société pour transporter les gens d’un coin de la ville à un autre. Durant toutes ces heures de panique et d’angoisse, aucun officiel n’a pu traverser cette eau montante pour aller s’enquérir de l’état de la population. Dans le milieu de la nuit, les pilleurs et les voleurs ont profité de cette désertion obligée des forces de l’ordre pour s’emparer des biens des gens en détresse. Ce qui gêne aux entournures, c’est que jusqu’à samedi dernier, les secours en draps et nourriture ne sont pas arrivés à des gens qui ont tout perdu. Plus grave encore , est la manière dont les draps ont été distribués moyennant, pour certains, quelques tractations douteuses du côté du Sphinx vendredi dernier juste à l’heure de la rupture du jeûne.
Les entreprises ont été les plus lésées par des pertes considérables qui ont touché le mobilier, les machines, la matière première et tous leurs documents informatisés ou non. Ce sont surtout les PME et les restaurateurs du port qui ont tout perdu et dont la plupart ne sont pas assurés contre des catastrophes naturelles. Les plus loties parmi ces sociétés et elles sont très rares disposent d’une assurance qui couvre la matière première. Les machines sont à classer dans le compte perte et profit. Lorsqu’on sait que ces mêmes entreprises ont été frappées l’année dernière par cette même inondation, il faut imaginer le nombre des faillites à déclarer et surtout le nombre des gens qui vont perdre leur emploi. Pour le moment, ni l’Etat, ni les autorités locales n’ont recensé les pertes des entreprises, ni celles des habitants. Les pouvoirs publics sont très occupés à déblayer la boue et à pomper l’eau avec les camions de la Lydec dont les hommes se démènent pour sortir Mohammédia de ce bourbier. Mais les Mohammediens sont hantés par la psychose d’une autre inondation que par la boue ou la réparation de leur habitations saccagées par l’eau. Ils regardent le ciel à tout instant et suivent la météo de tous les jours pour savoir qu’il va pleuvoir car la pluie bienfaitrice est devenue synonyme de la peur et de l’angoisse. Faute d’une solution immédiate et urgente, le barrage d’Oued Mellah risque de lâcher à tout moment si les pluies torrentielles se reproduisent.
Ce n’est certainement pas la décision du Premier ministre, Driss Jettou, de construire un nouveau barrage pour parer à cette défaillance qui va réconforter les habitants de Mohammédia. Tout le monde sait qu’un barrage demande des années pour qu’il soit opérationnel tout comme un canal de délestage. Or il semble que le gouvernement n’a pas de solution immédiate pour un barrage vieux de 70 ans même si des multiples projets ont été élaborés depuis les années quatre-vingts. ‘C’est dire que la psychose qui a envahi les habitants de Mohammédia s’explique aisément quand on sait qu’ils seront exposés à d’autres inondations à chaque débordement du barrage. Or si l’Etat assume une grande responsabilité dans cette tragédie, il n’en demeure pas moins que la commune et les autorités locales ont leur part de responsabilité dans ces inondations. De prime abord personne ne s’est posé la question pourquoi les inondations n’ont commencé à frapper de plein fouet la ville alors que le barrage existe depuis la nuit des temps. Ce n’est pas seulement le débit puissant de l’eau qui est à l’origine de tous ces dégâts quand on sait que l’on a construit le quartier Wafa sur une large zone marécageuse qui retenait justement les excédents en eau du barrage. L’autre facteur qui pourrait être à l’origine de cette crue, c’est le terrassement l’année dernière d’un terrain près de la SAMIR. Ce vaste terrain qui appartient à un entrepreneur qui voulait l’utiliser pour l’extension de l’une de ses usines, était assez profond et servait justement comme une cuve pour les eaux excédentaires de Oued El Maleh. Beaucoup de spécialistes attribuent la Crue de l’année dernière et des derniers jours au terrassement de ce terrain auquel la commune et les autorités publiques devraient s’opposer. Ils ne l’ont pas fait. Le danger d’une inondation reste permanent pour une ville sinistrée.

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