Kasbat Tadla. Kamal et Mohamed sont amis depuis une dizaine d’années. Kamal est âgé de trente et un an, alors que Mohamed est son aîné de quatre ans. Ils se sont rencontrés la première fois sur les bancs de l’école primaire. Seulement, après avoir tous deux échoué, ils se sont séparés. Mohamed retourne chez lui, dans un douar de la périphérie de Kasbat Tadla, tandis que Kamal reste et se débrouille afin d’apprendre un métier. Au fil des années, Mohamed retourne au centre de Kasbat Tadla et rencontre Kamal. Nostalgiques, ils commencent à évoquer le temps de l’école, de leurs jeux d’enfants, de leurs bagarres…Ce sont maintenant deux jeunes hommes qui sont arrivés à avoir un métier pour gagner leur vie, qui rêvent et qui ont des ambitions. Kamal est un commerçant et il dispose d’une voiture. Mohamed est devenu f’kih. Comment en est-il arrivé là ? Kamal lui pose cette question à maintes reprises, mais Mohamed ne veut jamais répondre. «C’est un secret», lui dit-il. Il affirme à ses clients qu’il a la force de chasser le mal, qu’il peut aider les femmes à trouver un époux et qu’il peut influer sur l’avenir des gens. Mais l’essentiel pour Kamal est que Mohamed soit un bon ami, qui le soutient en période de crise, qui intervient pour l’aider à chaque fois qu’il le peut. Au fil des jours, ils deviennent inséparables… Un seul point les sépare, c’est celui des femmes. Kamal les adore au point qu’il ne se passe pas une semaine sans qu’il ait une nouvelle relation. Une fois qu’il ferme son commerce, il va rencontrer une de ses conquêtes. Mohamed lui demande à chaque fois de ne plus abuser de ces relations amoureuses, d’éviter de promettre aux filles monts et merveilles et de les abandonner une fois qu’il a obtenu d’elles ce qu’il voulait. Il lui fait des reproches à chaque fois. Et cela bien qu’il mette à sa disposition sa demeure pour qu’il passe de bons moments avec ses maîtresses. Mais Kamal lui tourne le dos. Il le traite de jaloux. En fait, Mohamed craint surtout pour son argent qu’il a peur de dépenser pour les filles. D’un reproche à l’autre, le comportement de Kamal commence à changer. Il commence à éviter les gens, à s’isoler, à ne parler à personne. Pourquoi ? Quelle mouche l’a piqué ? Mohamed n’en sait rien. Il commence à lui demander le pourquoi de ce nouveau comportement. En vain. Kamal ne veut plus lui répondre. Il se contente de le regarder comme s’il ne l’avait jamais vu. Les jours passent et Kamal se renferme de plus en plus au point que Mohamed ne peut plus supporter de voir son ami sombrer de cette manière. Il décide de l’aider à sortir de son état psychique. Mais Kamal ne veut plus qu’il lui parle, qu’il s’intéresse à lui. Mohamed insiste. Il s’adresse à lui, lui demande de lui dire ce qu’il ressent. Kamal le regarde avant de lui demander de le rejoindre à la voiture. Sans demander la destination, il monte dans la voiture. Kamal conduit sans échanger un mot avec son ami. Ce dernier tente à maintes reprises de le tirer de son mutisme. Mais en vain. Il roule à une vive allure jusqu’au moment où ils arrivent à proximité d’une forêt située près de Beni Mellal. Kamal descend, se dirige vers le coffre de la voiture, l’ouvre et en sort un fusil de chasse. Mohamed qui le suit, le dévisage furtivement. Kamal se tourne vers lui, lui demande de marcher un peu. Tout à coup, Mohamed commence à crier, à hurler. Kamal pointe le canon du fusil vers son visage. Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il veut faire? qu’est-ce qu’il lui a fait ? Sans prononcer un mot, il tire une balle dans le coeur de Mohamed qui s’écroule. Kamal remonte dans sa voiture et démarre sans se retourner. Deux jours plus tard, le cadavre est découvert. Une enquête est ouverte. Le défunt était en compagnie de son ami intime Kamal, apprennent les enquêteurs. Convoqué, celui-ci ne fait aucune difficulté pour avouer aux enquêteurs être l’auteur du meurtre. Le mobile ? «Il m’a envoûté au point que je n’arrive plus à avoir de relations intimes avec les filles…», déclare-t-il. Toutefois, l’une de ses maîtresse dément ces déclarations et affirme aux enquêteurs qu’il n’en est rien. Pourquoi l’a-t-il alors tué ? Kamal persiste dans sa première déclaration. Il a été déféré devant la chambre criminelle près la Cour d’appel de Beni Mellal.