Un important effort devra être mené pour conscientiser les futurs époux aux droits et obligations découlant du mariage.
Changements majeurs : Le projet de réforme de la Moudawana apporte des changements majeurs pour une plus grande égalité entre les deux sexes. La reconnaissance du travail domestique comme une contribution économique, le maintien de la garde des enfants par la mère en cas de remariage constituent des avancées de taille.
Le projet de reforme du Code de la famille représente une véritable révolution pour les femmes marocaines. Très attendue par les différentes composantes de la société, les principaux points de cette réforme qui avaient été dévoilés le 24 décembre 2024 continuent de susciter d’intenses débats. Au lendemain de la séance de travail présidée par le SM le Roi Mohammed VI au Palais Royal à Casablanca, le ministre de la justice, Abdellatif Ouahbi, a présenté, lors d’une rencontre, les grandes lignes de ce qui a été réalisé en matière de révision du Code de la famille. Au total, 139 propositions de réforme ont été présentées au Souverain. Parmi les principaux points adoptés sur la base des propositions de l’Instance chargée de la révision du Code de la famille et de l’avis légal du Conseil supérieur des oulémas, figurent en premier lieu la possibilité de consigner les fiançailles et de considérer en tant que règle l’acte de mariage comme seule preuve justificative du mariage, tout en fixant les cas exceptionnels de recevabilité de l’action en reconnaissance de mariage.
Dans le cadre de la nouvelle Moudawana, les Marocains résidant à l’étranger auront la possibilité de contracter le mariage sans présence de deux témoins musulmans. L’âge légal minimum du mariage est de 18 ans. Il peut descendre à 17 ans et ce de manière exceptionnelle. Cette exception sera encadrée par des conditions strictes et sera soumise à une autorisation judiciaire. Cela dit, ces conditions n’ont pas été dévoilées. Par ailleurs, l’épouse doit préciser dans l’acte de mariage son refus ou non de la polygamie. En cas de refus, l’époux n’est pas autorisé à se marier avec une seconde épouse. Si aucune stipulation n’est mentionnée, la polygamie est limitée dans certains cas exceptionnels, à savoir la stérilité, une maladie empêchant la relation conjugale. Il est aussi prévu la création d’une Instance non judiciaire pour la réconciliation et la médiation. Celle-ci intervient pour concilier les époux sauf en cas de divorce à l’amiable. Par ailleurs, le divorce consensuel fera l’objet d’un contrat direct entre les deux époux, sans avoir à recourir à une procédure judiciaire, tout en réduisant les types de divorce et de répudiation, étant donné que le divorce pour discorde englobe la plupart d’entre eux.
Le délai maximal pour statuer sur les affaires de divorce et de répudiation est fixé à 6 mois. Parmi les autres points, il y a lieu de signaler un nouvel encadrement pour la gestion des biens acquis durant la relation conjugale, avec la valorisation du travail de l’épouse au sein du foyer en le considérant comme une contribution au développement des biens acquis durant la relation conjugale.
Autrement dit, si la femme ne travaille pas durant la période du mariage et que le couple a acquis de nouveaux biens, ces biens seront alors partagés entre les époux en cas de divorce, ce qui constitue une avancée de taille dans la mesure où l’épouse au foyer en cas de divorce se trouvait sans bien matériel malgré tous ses sacrifices et son dévouement pour son foyer familial. L’autre avancée majeure concerne la garde des enfants. Avec la nouvelle Moudawana, la mère divorcée ne perd pas la garde de ses enfants même en cas de remariage. La garde des enfants est considérée comme un droit partagé entre les deux époux durant la relation conjugale, avec la possibilité de sa prolongation, en cas d’accord, après la rupture de cette relation; et renforcer le droit au logement pour l’enfant gardé, en plus de la mise en place de nouvelles règles régissant la visite de l’enfant, objet de la garde, ou son déplacement. Signalons également la mise en place de critères de référence qui seront pris en compte dans l’estimation de la Nafaqa. En cas de décès de l’un des conjoints, l’autre partie a le droit de conserver le domicile conjugal selon les conditions définies par la loi. Concernant l’héritage des filles, la commission a révélé que la proposition du Conseil supérieur des oulémas préconise que toute personne peut, de son vivant, faire don aux héritières de la part qu’il souhaite de ses biens, en substituant la possession dérivée à la possession réelle. Enfin, il convient de mentionner l’ouverture de la possibilité de testament (Wassiya) et de don (Hiba) aux deux conjoints, en cas de différence de religion.
Pour accompagner cette importante réforme, le ministre de la justice avait indiqué qu’il faudra mobiliser les ressources humaines qualifiées et suffisantes, dont des juges et des cadres, pour se charger des affaires de famille, tout en leur assurant une formation continue spécialisée. Il est aussi primordial de réviser les procédures et mesures relatives aux affaires de famille, tout en mettant en place un guide pratique et de référence du Code de la famille. Un guichet unique sera créé au niveau des tribunaux de famille en vue de faciliter l’accès à la justice de famille. Un important effort devra être mené pour conscientiser les futurs époux aux droits et obligations découlant du mariage, tout en adoptant une politique publique visant à accompagner cette question. Signalons qu’une commission de rédaction des textes de lois pour la réforme de la Moudawana a été mise en place. Celle-ci est composée du ministère de la justice, le ministère des habous et des affaires islamiques, le ministère de la solidarité et de l’insertion sociale ainsi que le secrétaire général du gouvernement.