Société

Mustapha Abou Malek : «L’abstinence dans l’absolu est une utopie»

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ALM : Du point de vue sociologique, comment expliquez-vous le phénomène de l’abstinence sexuelle ?
Mustapha Abou Malek : En fait, j’ai du mal à raisonner en terme d’abstinence, parce que parler de l’abstinence dans l’absolu est une utopie. J’ai du mal à concevoir qu’une personne n’entretienne aucun rapport sexuel jusqu’au jour du mariage, aujourd’hui comme hier. Ainsi, lorsqu’il s’agit d’aborder ce sujet, je préfère plus utiliser les termes de restriction , rigorisme ou permissivité. Le rigorisme l’emporte au niveau des discours, c’est-à-dire il y a une large tranche de la population qui opte pour le rigorisme, mais uniquement au niveau du discours. Mais dans les faits, on ne peut pas vérifier, car il s’agit d’un sujet tabou et sensible. Mais au niveau des opinions et des attitudes, les gens, en grande partie, optent pour le rigorisme. Et il y a d’autres qui optent pour la permissivité, c’est-à-dire, selon eux, nous sommes dans une ère où il est tout à fait normal de se tester, de tester l’autre, de vivre une expérience, de s’expérimenter et d’apprendre en attendant le jour-J. L’abstinence n’existe que dans les textes, en Islam par exemple, elle est recommandée et c’est ce qui expliquait dans le temps le mariage précoce des petites filles. Mais regardez aujourd’hui, le mariage précoce n’est plus de mise. Il n’a plus cours dans la vie sociale, alors comment parler d’abstinence?

A quoi est dû ce constat selon vous?
D’abord il y a l’instinct et la tentation qui sont très forts. Et il y a l’influence du milieu et de l’environnement, quand on observe aujourd’hui comment les gens se côtoient, se découvrent et se connaissent. Autant de facteurs qui font en sorte que les jeunes, filles et garçons, n’attendent pas le mariage pour vivre leur première expérience sexuelle.

Pouvez-vous nous définir le concept de la restriction?
La restriction se fait par l’impact et le poids des valeurs. Surtout les valeurs morales qui supposent que, aussi bien au niveau de la morale et de religion, l’acte sexuel est assimilé à la déviance et au «zina», qui n’est pas acceptée. Il y a aussi le poids des institutions, à commencer par la famille qui veille au grain. Il y a aussi l’école qui transmet ce discours moralisant qui recommande carrément l’abstinence et puis ce qu’on appelle le contrôle social, non pas de la part des intimes mais aussi de la part de tout le monde et ce contrôle brandit souvent la sanction sociale, c’est-à-dire le discrédit. Et personne n’accepte d’être dévalorisé, d’être discrédité et d’être marginalisé. Troisième facteur qui n’était pas apparent dans le temps mais qui existait, c’est aujourd’hui la maladie dont l’impact est surtout véhiculé par les médias. C’est la peur de la maladie, vu le tapage médiatique autour des MST.

Peut-on qualifier la fidélité dans le couple d’abstinence sexuelle?
Oui, pourquoi pas? Nous pouvons parler dans ce cas d’abstinence dans la mesure où elle est délibérée et acceptée en considération du conjoint et non pas imposée. Mais la tentation est juste à côté, elle n’est pas très loin. L’animal en nous qui fait fi de tout ce qui est moral et respect de l’autre est toujours présent en nous. Et il y est également question de restriction, c’est-à-dire qu’on se limite et on se contrôle en considération de plusieurs choses que l’on partage dans un couple.

Y a-t-il une différence entre l’abstinence chez la femme et chez l’homme?
Je dois dire que garçons et filles sont loin de se priver quand l’occasion se présente, sauf que c’est la fille qui paye souvent les pots cassés, on la culpabilise et on lui fait porter le chapeau, pour des raisons phallocratiques, le sexisme étant de mise dans les rapports mixtes.

Comment percevez-vous les cas de personnes qui se trouvent dans l’obligation de s’abstenir en l’absence du conjoint pour des raisons professionnelles?
Il est vrai qu’une très forte restriction s’impose pour des raisons professionnelles, pour les raisons invoquées ci-dessus, ayant trait à la peur du discrédit et de la sanction sociale.

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