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Nacer Boulaajoul : «L’Afrique n’a pas mis toute la législation nécessaire pour protéger les usagers vulnérables»

© D.R

Entretien avec Nacer Boulaajoul, secrétaire permanent du CNPAC

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Organisé du 13 au 15 novembre 2018 à la ville ocre, le 1er Forum africain de la sécurité routière a été placé sous le signe de l’action. Une dynamique qui s’est traduite par la qualité des intervenants de haut niveau présents à ce Forum et les débats tenus lors des différentes sessions. Véritable artisan de cet événement, le Comité national de prévention des accidents de la circulation (CNPAC) en a assuré l’organisation aux côtés du ministère de l’équipement, du transport, de la logistique et de l’eau (METLE) et en partenariat avec le Programme des politiques de transport en Afrique (SSATP) , amenant donc les décideurs à réfléchir sur la nécessité de se mobiliser collectivement contre l’insécurité routière en Afrique. Sur cette questions et bien d’autres, nous sommes allés à la rencontre de Benacer Boulaajoul, secrétaire permanent du CNPAC et président de la Prévention routière internationale.

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ALM : Comment avez-vous réussi à mobiliser autant de personnalités et d’experts pour cette toute première édition ? 

Nacer Boulaajoul : Le premier Forum africain sur la sécurité routière a pour objectif d’interpeller et de challenger les décideurs politiques gouvernementaux pour qu’ils puissent agir. Il part d’une initiative marocaine proposée en 2015 à Brasília lors de la réunion de l’évaluation à mi-parcours de la décennie d’action. Nous avons eu dès le départ le soutien de la part de la plupart des organisations internationales, notamment l’OMS, le Forum international des transports, la Banque mondiale et des responsables concernés par  la sécurité routière tels que Jean Todt, l’envoyé spécial du secrétaire des Nations Unies pour la sécurité routière et qui est également le président de la Fédération internationale de l’automobile. Le nombre de participants a atteint 46 pays africains. Globalement, on a 75 pays au niveau mondial qui participent à ce forum. Toutes les autorités en charge de la sécurité routière des pays africains sont représentées à cet événement. Egalement, une vingtaine de ministres africains y a pris part. Sont venues pour nous soutenir, des personnalités reconnues pour leurs actions dans le domaine de la sécurité routière comme Zoleka Mandela, petite-fille de Nelson Mandela et ambassadrice de la sécurité routière auprès de la fondation FIA. Le Maroc bénéficie du soutien et du respect de la communauté internationale grâce notamment aux efforts déployés par Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Pratiquement 1.200 participants ont assisté à ce 1er Forum.

Le nombre de morts sur les routes en Afrique s’alourdit chaque année, comment y remédier ?

Effectivement les statistiques publiées au niveau mondial font état d’un triste bilan pour le continent. Le taux de mortalité routière s’élève à 26,6 pour 100.000 habitants alors que la moyenne mondiale est de 17,4. L’insécurité routière coûte aux pays à faible revenu et à revenu intermédiaire entre 3 et 5% du PIB. Vous pouvez imaginer la perte que les pays africains enregistrent chaque année. Dans le domaine de la sécurité routière, l’Afrique présente un certain nombre de dysfonctionnements, il est donc temps d’agir comme cela a été dit à l’ouverture de ce Forum. Ils sont notamment d’ordre institutionnel dans la mesure où il n’y a pas d’organisation en charge de la sécurité routière au niveau africain. Le Maroc a eu l’idée de créer le CNPAC depuis les années 70. C’est une expérience sur laquelle on capitalise pour créer l’Agence nationale de sécurité routière. Un autre dysfonctionnement est relatif à tout ce qui est infrastructures. Je vous explique, il ne suffit pas de construire des infrastructures mais il faut le faire bien, en respectant les normes afin de protéger les usagers vulnérables (comme les piétons ou les gens qui se déplacent à moto). Il y a également le volet juridique. A ce niveau l’Afrique n’a pas mis toute la législation nécessaire pour protéger les usagers vulnérables. Dans certains pays, la réglementation qui concerne le taux d’alcoolémie, le port de la ceinture de sécurité, le port du casque, est absente.  Il  y a aussi un aspect important qui est relatif  à la prise en charge des victimes des accidents. Il s’agit de la prise en charge en termes d’intervention après l’accident afin de réduire ce qu’on appelle les délais d’intervention, à avoir la golden hour qui consiste à intervenir dans l’heure qui suit l’accident. Un autre volet important sur lequel il faut travailler: la recherche et développement au niveau du continent parce que la sécurité routière est un domaine scientifique par excellence. 

Vous avez évoqué le volet législatif, quelles sont les mesures à adopter par exemple ?

Le volet législatif est extrêmement important. Au niveau de l’OMS on a identifié cinq indicateurs qui doivent être obligatoirement intégrés au niveau de la législation, à savoir la limitation de la vitesse aussi bien dans le milieu urbain que dans la campagne, le port de la ceinture de sécurité que cela soit au niveau des sièges avant que des sièges arrière, le port du casque pour les deux-roues, l’interdiction du téléphone au volant et surtout la conduite sous influence. On veut dire par là la conduite sous l’effet de l’alcool ou la drogue mais également sous la prise de médicaments. Comme vous le savez, il y a un certain nombre de médicaments qu’on ne doit pas prendre avant de conduire. Tout cela nécessite une législation qui permet d’effectuer les contrôles nécessaires. 

Quel rôle pourra jouer l’Observatoire africain de la sécurité routière ?

L’objectif  est d’homogénéiser les données qui concernent la sécurité routière au niveau de l’Afrique et de dégager des indicateurs qui permettront entre autres de se comparer entre pays. Il s’agit aussi de dresser un tableau de bord à même de mieux piloter la stratégie au niveau de l’Afrique.

Comment le Maroc pourra-t-il contribuer à cette stratégie ?

Le Maroc a une expérience dans le domaine de la sécurité routière qu’il peut partager avec les pays du continent. Par la même occasion, nous avons énormément de choses à apprendre des pays frères. Au niveau de l’Afrique, on a un certain nombre de similitudes sur les plans social, culturel, politique, et économique, et je pense qu’il faut investir à partir de ces similitudes pour créer de la valeur ajoutée pour le continent. J’ajouterais que si une expérience a réussi au Mali, au Niger, au Nigeria ou dans tout autre pays africain, il y a de fortes chances pour qu’elle puisse réussir également au Maroc et vice versa.

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