ALM : En quoi consiste le projet régional de renforcement des capacités des acteurs associatifs pour la lutte contre les violences sexuelles à l’égard des enfants ?
Najia Bounaim : Il s’agit d’un programme qui a été initié en 2009 et qui est mené par notre association en collaboration avec les ONG Acting for Life et Ecpat Luxembourg. Dans le cadre de ce projet, quatre pays de la région MENA à savoir le Maroc, l’Algérie, la Tunisie et le Liban ont été identifiés pour la mise en place de la première phase du projet. Celui-ci cible les acteurs de la société civile c’est-à-dire les associations de protection de l’enfance et les acteurs étatiques en l’occurrence le ministère de la Jeunesse et des Sports . Ce projet porte ainsi sur deux grands volets. Le premier a trait à la formation des intervenants sociaux à travers l’organisation de sessions de formation sur les concepts de base des violences sexuelles et la prise en charge psychologique des enfants. Ils sont également formés sur les conduites d’autoprotection chez l’enfant face à l’exploitation sexuelle. Les enfants sont sensibilisés sur ce type de violence à travers des outils ludiques notamment un spectacle de marionnette «Mina et Dbib». Ce spectacle vise à faire connaître aux enfants les manœuvres d’approches développés par les abuseurs , repérer les situation à risques et les éviter.Le second volet est axé sur la sensibilisation du grand public à travers plusieurs actions : l’implication des médias lors de rencontres sur cette problématique, la distribution d’un dépliant et la mise en place d’un site web sur les violences sexuelles à l’encontre des enfants. Nous avons pu observer que plus de 50% des agressions sexuelles sont commises par l’entourage proche. Et il est regrettable que l’éducation sexuelle n’est pas enseignée dans les établissements scolaires. Par conséquent, l’enfant ne connaît pas son corps et ne sait quelle conduite à adopter devant l’abuseur. Nous sommes actuellement sur le point de finaliser une convention de partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale.
Quelles sont les grandes lignes de cette convention ?
Celle-ci porte sur la mise en place d’un programme d’autoprotection qui consiste à développer chez l’enfant les conduites à adopter dans une situation à risque. Les enseignants recevront ainsi une formation spécifique par des experts nationaux et internationaux. A ce sujet, je tiens à signaler que nous disposons d’un pôle d’expertise au sein de l’association. Dans un premier temps , il s’agira d’un programme pilote qui sera testé dans certains établissements scolaires. Après une évaluation, nous généraliserons ce programme au niveau national.
Qu’en est-il des chiffres relatifs à ce type de violence ?
Il n’y a pas d’étude spécifique à ce sujet. Et par conséquent il est difficile de quantifier le phénomène. Les derniers statistiques du centre d’écoute de l’Observatoire national des droits de l’enfant qui date de 2009 ont révélé que sur les 493 cas d’enfants maltraités qui ont eu recours au Centre d’écoute, 137 sont des cas d’agression physique et 94 d’agression sexuelle. 64% des victimes sont âgées de 7 à 18 ans et 26% entre 7 et 12 ans. Quand au profil de l’agresseur, les agressions sont commises par des étrangers (42%), des voisins/proches (42%), les parents (8%), les éducateurs à (2%), ainsi que des enfants mineurs (6%).
Comment évaluez-vous la situation au Maroc ?
On constate qu’il y a une ouverture d’esprit. De plus en plus de cas sont dénoncés.Cela dit, de nombreux problèmes subsistent notamment au niveau du cadre juridique. Les limites portent sur la procédure et le pouvoir discrétionnaire du juge. Dans la majorité des cas, les sanctions sont sans commune mesure avec le délit perpétré à l’encontre de l’enfant.