Le bilan des victimes des dernières précipitations s’alourdit de jour en jour. Le dernier en date est celui diffusé par l’agence MAP lundi soir qui cite la protection civile. Il déplore huit morts dans la seule ville de Settat. Il s’agit des six passagers du grand taxi emporté par les crues à l’entrée sud de la ville. Les deux autres victimes sont un enfant de onze ans trouvé mort dans la commune de Tamadroust et une autre personne décédée dans la localité de Malline El Oued, à une quinzaine de kilomètres de Settat. A l’heure du bilan, les causes de la catastrophe commencent à être dégagées. On parle de la canalisation souterraine de l’oued Boumoussa qui traverse le centre-ville de Settat. L’oued, où confluent les crues des bassins versants avoisinants s’étalant sur une superficie de 100 km carrés, a atteint un débit de 125 mètres cubes la seconde, au moment du drame. La canalisation elle, ne pouvait évacuer que 80 mètres cubes la seconde. Dans ces conditions, le drame était inévitable. Plus même, beaucoup louent le seigneur que le bilan n’ait pas été plus lourd. Ce n’est hélas pas une première au Maroc. La vétusté des infrastructures, conjuguée à d’autres facteurs, a déjà tué par dizaines au Royaume. Le drame de l’Ourika, survenu le 17 août 1995, est encore vivace dans la mémoire collective des Marocains. Là encore, il avait fallu d’une trentaine de minutes pour que la vie de dizaines, voire de centaines de citoyens, soit marquée à jamais. Trente minutes qui étaient en fait le résultat de décennies de négligence et de laisser-aller. Les rescapés de l’Ourika racontent encore comment en un clin d’oeil, une vallée enchantée s’etait transformée en désert de boue jonché de cadavres et de carcasses de voitures et de pylônes électriques. A l’époque, une fois réveillé du drame, le Maroc entier avait décortiqué les causes du drame. Chacun y était allé de son analyse, de son expertise. Cinq années plus tard, le même scénario lugubre a failli se répéter n’eût été la clémence du ciel. Les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. Que des pluies bienfaitrices et tant attendues s’abattent sur le Maroc aurait dû être un motif de liesse populaire. Un bourgeon d’espoir pour un avenir meilleur. Mais, cela aurait été compté sans la négligence chronique de ceux qui se sont installés depuis des années dans la perspective d’un Maroc inexorablement désertique. Un Maroc que des précipitations, somme toute modestes sous d’autres cieux, ravagent au point que des morts soient déplorés, que des zones industrielles importantes soient sinistrées, que de pleins quartiers soient inondés, que des tronçons autoroutiers vitaux soient coupés, que des trains de voyageurs déraillent… Qui en porte la responsabilité ? Les municipalités qui ne prévoient pas des situations extraordinaires, accordent des permis de construire sans autre forme de contrôle, permettent des déboisements massifs, engagent des chantiers sans véritable vision prospective ? Les élus locaux qui auraient pu écouter les nombreuses doléances des citoyens-contribuables et s’en faire l’écho auprès des sphères compétentes ? Les entrepreneurs qui bâclent en toute impunité des chantiers vitaux ? Les autorités concernées qui ne sévissent pas toujours et consacrent ce faisant le sentiment d’impunité ? La société civile dont ce chantier aurait pu être l’un des plus palpables auprès des citoyens ? Sans doute tous à la fois à des degrés différents. Mais aussi chaque citoyen, jaloux du développement et de la sûreté de son pays.