De gauche à droite, Imane Aoun, communications officer UN Women Morocco Country Office, Meryem Ouchen Noussairi, représentante ONU Femmes au Maroc, et Bouchra Abdou, directrice d’ATEC.
Inégalités : L’Association Tahadi pour l’égalité et la citoyenneté (ATEC) monte au créneau à l’occasion de la Fête du travail, journée internationale des travailleurs.e.s, en lançant une campagne nationale pour valoriser le rôle primordial, largement ignoré des femmes dans l’ensemble des foyers au sein de la société marocaine. L’action est soutenue par l’ONU Femmes Maroc, ONG présidée par Bouchra Abdou. Retour sur les faits marquants d’une journée bien spéciale pour la femme.
«Cette initiative s’inscrit dans notre engagement à faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes au Maroc. En rendant visible le travail invisible, nous contribuons à déconstruire les stéréotypes et à poser les bases d’un nouveau contrat social au sein des foyers».
C’est en ces termes que Bouchra Abdou, directrice de l’ATEC, introduira la problématique qui perdure encore et encore au Maroc. Provoquer une prise de conscience collective, tel est l’objectif. Car tant qu’il restera invisible, le travail domestique des femmes continuera d’alimenter les inégalités de genre. Il est donc temps de le nommer, le reconnaître et mieux le partager.
«Le point de départ de la mobilisation est une « fiche de poste» imaginaire, listant avec précision les multiples responsabilités assumées quotidiennement par les femmes dans leur foyer – cuisinière, éducatrice, infirmière, intendante, femme de ménage, planificatrice, entre autres. Ce document, aussi symbolique que reproduisant fidèlement les tâches accomplies quotidiennement par des millions de femmes marocaines, a été matérialisé sous la forme d’un tablier spécialement conçu pour l’occasion, devenu un véritable objet manifeste de la Campagne», expliquent les parties prenantes de la campagne. Le but étant de faire sortir de l’ombre un travail indispensable – cuisinière, éducatrice, infirmière, intendante, femme de ménage, planificatrice –souvent perçu comme naturel, mais ni rémunéré ni reconnu….
Concrètement, ce tablier sera porté, le 1er mai, dans les rues par des femmes mais aussi par des hommes, lors d’une marche organisée par ATEC en collaboration avec la Confédération démocratique du travail (CDT) au quartier Derb Omar à Casablanca.
Ceci devrait interpeller l’opinion publique sur une injustice structurelle encore largement absente des débats nationaux.
Et d’ailleurs, Meryem Ouchen Noussairi, représentante d’ONU Femmes au Maroc, confirmera que «cette initiative s’inscrit dans le cadre de la célébration de la journée internationale du travail mais également pour mettre en lumière le travail des femmes aux foyers, une activité non rémunérée, non valorisée et certainement rarement partagée dans le couple dans les foyers du Maroc».
Les enjeux sont réels
Selon les dernières données du Haut-Commissariat au Plan (HCP), « les femmes marocaines accomplissent plus de 90 % du temps total dédié aux tâches domestiques. En moyenne, elles y consacrent cinq heures par jour, contre seulement 43 minutes pour les hommes».
S’insurgeant face à ce déséquilibre, la directrice de l’ATEC rappellera que « le travail domestique non rémunéré est l’un des angles morts de notre société. Il est temps de le nommer, de le montrer, de le partager». Pour l’heure, cette situation pèse sur les trajectoires professionnelles et personnelles des femmes et freine l’égalité des chances.
Baptisée «Ch9a Dare Machi 7ogra», la campagne qui s’inscrit dans un programme d’actions ambitieux sera déployée jusqu’en septembre 2026 à l’échelle nationale. Ce projet vise à réduire d’au moins une heure par jour le temps que les femmes consacrent aux tâches domestiques dans les foyers ciblés.
Sa réussite sera conditionnée par la mobilisation inclusive et intergénérationnelle, impliquant des jeunes à travers des campagnes digitales, des événements sportifs, du théâtre itinérant et de l’affichage urbain. Le projet sera encouragé par la création de contenus engagés (vidéos, podcasts, courts-métrages ) conçus avec et pour les jeunes.
Des actions d’accompagnement des familles sur le terrain sont également prévues à travers une application mobile innovante qui mesurera la charge domestique réelle au sein des foyers. Pour rappel, ce projet s’imbrique dans le cadre du programme régional d’ONU Femmes « Dare to Care», une initiative novatrice visant à remettre en question les normes sociales discriminatoires. La démarche devrait déconstruire les stéréotypes qui freinent la participation des femmes à l’emploi rémunéré dans la région des États arabes.
Le programme, qui a démarré en octobre 2023, se poursuivra jusqu’au mois de septembre 2026. Il est soutenu financièrement par l’Agence suédoise de coopération internationale au développement (Sida). Et il ambitionne d’ impliquer activement les hommes et les garçons dans une répartition plus équitable des tâches domestiques et des responsabilités de soins.
Les mesures post, campagne permettront de savoir si celle-ci aura impacté toute une culture patriarcale où les stéréotypes bloquent encore la moitié de la population dans une avancée franche et l’épanouissement personnel. Il y va de toute une société. Les échéances 2030 sont là pour le rappeler ! A l’autre moitié de choisir…