Société

Plan de déplacement à Casablanca

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La presse locale a annoncé fin juillet que la Région du Grand Casablanca aurait reçu un certain nombre de soumissions en réponse à un appel d’offres portant sur la réalisation d’une étude sur les déplacements urbains et qu’un bureau franco-marocain aurait été choisi. Notre ville « blanche » aura son Plan de déplacements urbains (PDU) comme ses homologues occidentales avec lesquelles elle est jumelée (Bordeaux, Chicago…). Il faut espérer que cette nouvelle étude assez coûteuse ( 24 millions de dirhams) ne connaisse pas le sort de celles déjà initiées par la Communauté urbaine (C.U.C). L’étude Transroute commandée par les autorités locales de l’époque, de 1976 à 1983 , (1er Conseil de la Communauté Urbaine) a échoué parce qu’elle n’a pas associé les habitants et les élus locaux à sa réalisation. Il en est de même pour l’étude Gertrude gracieusement offerte à la Communauté urbaine par la ville de Bordeaux (dans le cadre du jumelage des deux villes), rangée dans les tiroirs de l’oubli, nonobstant l’accord de principe de l’actuel Conseil en mai 1999. Le nouveau Plan de déplacements urbains (PDU) ne peut être décidé sur des bases scientifiques comme le déclarait à la presse le président de la Région, M. Labsir. Au contraire, seules sont envisageables des solutions techniques adaptées à notre spécificité locale dans une ville où cohabitent, des véhicules divers qui « puent et polluent », des piétons dépourvus d’espaces réservés; des charrettes, des deux-roues bruyants, des animaux errants, et déclinées dans le cadre d’un Agenda 21 local pour permettre à Casablanca d’élaborer un PDU cohérent. Je rappelle ici que le Maroc est signataire de l’Agenda 21, un document résultant des recherches de la conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement. Il a été adopté en juin 1992 lors de la conférence de Rio (Brésil) et prévoit l’application par les Collectivités locales (Région, Communes..) des principes qu’il a édictés en partenariat avec tous les acteurs de la ville ( habitants, associations, élus, groupes divers…) pour élaborer un plan d’actions, dont l’objectif est le développement durable de l’agglomération. La finalité de l’Agenda 21 local est de  » penser globalement et d’agir localement  » et l’élaboration d’un PDU ne peut faire abstraction de cette finalité. Les villes pourvues d’un Plan de déplacements urbains réfléchi, bien construit et sérieux ont toutes agi selon des principes définis dans un Agenda 21 local conformément aux recommandations de la conférence de Rio. La ville de Mohammedia, en collaboration avec Belfort en France et la participation d’ONG, a adhéré aux principes de l’Agenda 21 local. Casablanca serait bien avisée de prendre exemple sur cette ville voisine. Par ailleurs, il serait également souhaitable qu’elle évite de privilégier les déplacements individuels motorisés, sources de pollution, d’encombrements et coûteux en énergie ( le Maroc n’est pas producteur de pétrole que l’on sache !) . Le plan de déplacements doit au contraire les réduire. Des initiatives visant à bouter l’auto hors du centre-ville devront être prises en compte par l’étude. Une politique cohérente dans ce domaine pourrait changer la vie des casablancais. L’étude doit viser également l’amélioration de l’environnement ( qualité de l’air et réduction des bruits) par une maîtrise de l’urbanisme. L’extension du périmètre urbain a toujours été suivie par une forte demande de transports individuels et collectifs. En 1978 ( époque de l’étude Transroute), le réseau normal des autobus de la Régie de Casablanca était de 370 km, celui des scolaires de 384 km avec un parc de 425 véhicules, desservant 45 lignes normales, 45 lignes scolaires, 6 lignes de nuit et 3 lignes saisonnières. Les besoins actuels, avec cette manie de toujours pousser plus loin le périmètre urbain, sont certainement dix fois plus importants ! Cette politique d’extension de la ville risque de compromettre toute solution au problème des déplacements et d’engendrer des conséquences néfastes pour la santé des Casablancais. Une enquête menée par l’hôpital du 20 Août sous l’égide de l’ISSAC a montré que la prévalence de l’asthme a doublé en 10 ans à Casablanca et que 12% de la population écolière est touchée par cette maladie respiratoire .Toutefois il faut remarquer que le problème de la pollution atmosphérique est davantage lié aux transports qu’à l’industrie. Un plan de protection de l’air axé sur la réduction de quantité de CO2 dégagé par les véhicules doit être concomitant à l’étude projetée pour les déplacements urbains. Quel que soit le conseil qui sera élu le 12 septembre 2003, il ne pourra mettre à la disposition des habitants, les moyens de transports collectifs nécessaires pour atteindre tous les quartiers composant l’agglomération, si la question de l’extension des limites de la ville n’est pas résolue une fois pour toutes. Avec un urbanisme contenant la ville dans un espace gérable, il serait facile de promouvoir et de favoriser des transports collectifs performants, propres, sûrs et non polluants grâce à une politique d’exonération fiscale et une taxation des pollueurs (principe cher à notre ministre de l’aménagement du territoire et de l’environnement: pollueur = payeur). Que chacun se rassure, la réussite d’un Plan de déplacements Urbains à Casablanca est possible. Les compétences existent, les problèmes connus, seule la pratique de la concertation reste à organiser. Les futurs responsables de la ville devront mener en collaboration avec la Région une politique de concertation et de communication pour démontrer le rôle essentiel des transports dans le cadre d’un développement durable. Mais, il faut insérer la politique des transports dans la planification urbaine pour que le PDU devienne une réalité et non une fiction comme Transroute et Gertrude. Les élections municipales approchent et les Casablancais aimeraient bien savoir ce qu’en pensent les candidats à la présidence de la ville. Ont-ils une opinion sur ce futur Plan de déplacements urbains avant sa mise en application en 2005 ? Si c’est le cas, qu’ils utilisent donc la presse locale et la campagne électorale pour nous la faire connaître!

Mohamed Bokhamy : Consultant International et Ecologiste

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