ALM : On remarque aujourd’hui que rares sont les entreprises marocaines qui élaborent pour leurs salariés un véritable plan de succession en bonne et due forme. D’après vous, pourquoi ?
Abdessamad Bourbah : En business, la notion de succession consiste à transmettre la société (généralement familiale) à la génération suivante, à la vendre ou à déléguer les responsabilités et les pouvoirs.
Un plan de succession écrit oriente l’avenir de la société et lui offre d’importants avantages opérationnels et stratégiques. Il permet aussi d’augmenter la valeur de l’entreprise aux yeux des investisseurs, des prêteurs, des fournisseurs et des clients.
L’établissement d’un tel plan consiste à définir les besoins futurs pour l’état-major de la société en fonction de la vision et de la stratégie des dirigeants et en conformité avec les évolutions probables des métiers de l’entreprise, à évaluer les candidats possibles, à surveiller leur progrès, à décrire les plans de développement individuels et la manière avec laquelle les successeurs seront déclarés, et à établir un calendrier de succession.
En d’autres termes, un plan de succession ne peut être établi que si l’organisation jouit d’une grande visibilité et une structuration aussi bien sur le plan business que sur celui humain.
Le plan de succession, résultat d’un empilement de plusieurs strates de maturité d’un système de gestion des carrières, est encore une dimension non atteinte par la majorité des entreprises marocaines. En outre, seules quelques grandes entreprises et multinationales disposent d’un système de gestion de carrières dynamique. L’aspect culturel est aussi à prendre en considération, le courage managérial est nécessaire pour préparer sa propre succession.
À quoi sert la mise en place du plan de succession au sein des entreprises ?
Idéalement un plan de succession doit être mis en place dès que l’entreprise ouvre ses portes car, on ne sait jamais quand on en aura besoin. Pour le moins, l’entreprise doit avoir un plan complet deux à cinq ans avant la date de départ du propriétaire ou du top-management, car les successions et les sorties nécessitent une planification considérable. Les entreprises qui mettent sur pied un processus de succession en prévision d’absence, de départ en retraite, etc. visent à maintenir la vitalité et à assurer la continuité et la pérennité de la société.
Généralement la succession est confiée à des personnes ayant fait une partie de leur carrière dans l’entreprise et ayant participé à son histoire.
Comment procède-t-on pour élaborer le plan de succession ? Et quels sont les acteurs qui doivent y participer ?
Un plan de succession ne peut se dérouler que si un référentiel des métiers et des compétences existe et est entretenu et qu’une politique de détection et de développement des potentiels est mise en œuvre. Une cartographie des postes-clés doit alors être établie avec des fiches monographiques des titulaires de postes, et qu’un système d’évaluation, adossé à des plans de développement individuels et collectifs, permette de mesurer les évolutions et de combler les écarts. Le processus d’élaboration des plans de succession exige l’adhésion et l’engagement de l’état-major de l’entreprise, qui, avec l’expertise de la DRH, est le principal acteur de cette œuvre.
Comment assurer l’objectivité de l’opération ?
Ce sont les instances du pilotage de ce processus, les «people review», les comités de nominations et de rémunération et les comités carrières qui regroupent les principaux dirigeants de l’entreprise, qui assurent l’objectivité de l’opération. En effet, tout doit être formalisé et mesuré et chacun des dirigeants a son mot à dire. Les décisions finales étant, bien sûr, du ressort du n°1 de l’entreprise.
Le recours à l’outil informatique pour la gestion des carrières est-il toujours nécessaire ?
L’outil informatique est désormais indispensable pour tout processus en GRH, il permet de gagner du temps, de fiabiliser l’information et de se doter de bases de données riches en informations et en variables de décision. Mais attention, ce n’est qu’un outil de travail, qui permet de mieux gérer l’information, une fois le modèle de gestion des carrières est conçu et validé par les instances dirigeantes.