Société

Pour l’honneur de la famille

Lundi 20 mai. 7h du matin. Souk Chtaïba, au quartier Sidi Othman, à Casablanca est déjà en effervescence. Les marchands et leurs clients animent déjà le souk. Abdelhak, la trentaine, vient d’y mettre ses pieds. «Ya Fattah Ya Razzak », balbutie ce volailler comme tout autre marchand qui y arrive, le matin. Abdelhak fait un tour au souk, éparpille les bonjours, remarque que les prix de volaille montent en flèche. Les chevillards qui s’abstiennent de se rendre dans les nouveaux abattoirs de Casablanca sont la cause de ces augmentations des prix. Par conséquent, le commerce des volailles connaît une récession. Tous les volaillers se plaignent sans cesse de la situation désastreuse du marché. Abdelhak se réfugie dans un coin du souk, attendant l’arrivée d’un client. Mais personne d’autre que Abdellah, un de ses amis volailler, ne s’adresse à lui. «La situation empire de jour en jour, et de façon catastrophique», dit Abdellah. « J’espère que cette situation prendra fin d’ici bientôt», lui répond Abdelhak, optimiste.
«Tu sais mon ami, on doit prendre des verres ce soir pour oublier cette situation et rigoler un peu», lui propose Abdellah. Abdelhak ne répond pas, il se contente de faire une grimace, comme pour exprimer son consentement.
Midi sonne. Abdelhak s’adresse à Abdellah. «Donne-moi ta cotisation pour acheter des bouteilles de vin rouge», lui demande-t-il.
Abdellah lui verse cent dirhams. Abdelhak y ajoute d’autres billets, les donne à un garçon du souk, pour aller au centre ville lui acheter du vin rouge.
Quatorze heures. Abdellah et Abdelhak se rencontrent près du local d’un poissonnier, préparent leur soirée, ouvrent la première bouteille, conversent, s’enivrent. D’un moment à l’autre, un marchand du souk les rejoint et le groupe s’aggrandit. D’un verre à l’autre tout est devenu très délicieux. Abdelhak met la main dans sa poche, en sort une photo de sa fille de quatre ans. Il la tend à la personne qui se trouve à son côté.
«…Regarde quelle belle fille, c’est la mienne, je l’adore au point que je ne rêve que d’elle.…C’est mon paradis, mon ange, mes fleurs…Elle est toute ma vie, je l’aime à un point inconcevable…». Abdelhak continue à exprimer son amour pour sa mignonne. Tout à coup Smaïl arrive. Il est déjà dans un état d’ébriété avancée. Ils l’ont remarqué. «Fais voir cette photo…», demande-t-il à Abdelhak. Celui-ci la lui tend.
Smaïl la scrute curieusement comme s’il cherchait un secret et il lui dit : «Mais elle ne te ressemble pas !». Abdelhak avale son verre de vin, lui lance un regard noir. «Tous les enfants ne ressemblent pas à leurs parents «lui répond-t-il.
-«Je veux te dire franchement qu’elle n’est pas ta fille, elle est la fille de tout le monde…», lui affirme Smaïl.
-«Que veux-tu dire au juste, Smaïl ?», lui demande Abdelhak qui se lève de sa place comme s’il avait été piqué par un scorpion. Il se lève et se dirige vers Smaïl. Leurs amis interviennent pour empêcher une éventuelle bagarre.
Abdelhak quitte le lieu, s’isole. Les accusations de Smaïl lui ont blessé le coeur. Elles étaient comme des flèches tirées par Smaïl. Pourquoi? Il ne sait pas, alors qu’ils sont des amis sans le moindre problème. Quelle mouche a donc piqué Smaïl? Abdelhak commence à avaler un verre après l’autre, tente d’oublier les insultes de Smaïl. Mais il ne peut y arriver. Un feu brûle son coeur. Il se lève de son coin, s’adresse à la mère de Smaïl pour se plaindre. Elle dispose d’un local où elle vend des épices au souk Chtaïba. «Ton fils m’a insulté et il a qualifié ma fille de « fille de tout le monde», de fille de débauche…». La mère essaie de le calmer.
«…Smaïl est comme un frère pour toi. C’est seulement le vin qui lui a tourné la tête au point qu’il n’arrive pas à savoir ce qu’il dit…Mon fils, Smaïl t’aime. Ne prends pas garde à ce qu’il a pu te dire».
Abdelhak s’apprête à rebrousser chemin, quand il rencontre Smaïl. Celui-ci le regarde furtivement, lui crache au visage, l’insulte. Ne pouvant plus contrôler ses nerfs, Abdelhak lève la main, gifle Smail. Ce dernier tombe à terre, essaie de se relever. Abdelhak saisit une bouteille, la brise contre le mur. Il ne lui reste dans la main qu’un tesson. Il lui assène un coup, un deuxième puis un troisième. Smaïl ne peut plus se relever. Abdelhak retourne chez lui, ferme la porte et attend…La Protection Civile arrive sur l’avenue 10 Mars, à hauteur de Souk Chtaïba, évacue la victime vers les urgences. Malheureusement Smaïl rend l’âme quelques heures plus tard. Pour sa part, Abdelhak a été conduit au commissariat de la police. Sa femme et sa fille dont il a défendu l’honneur le suivent avec des yeux pleins de larmes.

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