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Quand la femme journaliste, interrogée, revendique ses droits les plus élémentaires…

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C’est grâce à l’effort collégial des membres de l’Union Presse Francophone, en partenariat avec l’ambassade de France au Maroc, qu’a pu être réalisée la première étude sur la question genre dans la presse.
Il en est ressorti un tableau plutôt assombri des conditions de la femme journaliste au Maroc. Précarité, inégalité salariale, difficulté à gravir les échelons sans endosser une personnalité masculine le décrivant… La question de la femme interpelle. L’UPF a mis le doigt sur un dossier épineux d’ordre national. Les détails.
C’est une première au Maroc. Une étude quantitative et qualitative sur les femmes journalistes vient d’être réalisée. Et c’est l’UPF Maroc (Union Presse Francophone Maroc) en partenariat avec l’ambassade de France qui en est l’instigateur. Près de 400 femmes journalistes ont été questionnées soit en focus groupe, soit en appel téléphonique pour administration de questionnaire. L’étude a pu être réalisée par un cabinet qui a mis en exergue les principales tendances.
Déjà sur le plan de l’étude qualitative, toutes les femmes qui ont répondu ont revendiqué le métier comme une vocation, une passion…
Par rapport aux mutations qu’a subies le métier face à la progression fulgurante de la presse en ligne, les femmes journalistes ont eu, pour la plupart du temps, à y faire face, parfois seules, sans formation ni préparation.
A la question de savoir quel rôle a joué la presse dans la société, toutes les participantes de l’étude ont affirmé que «c’est une profession de valeurs, basée sur l’éthique et la déontologie car l’information crédible, rigoureuse et transparente est sacrée».
Sur les conditions de travail, la tendance est claire: difficulté et précarité sont les deux mots qui ont décrit le plus souvent cet axe. Pour elles, «la stabilité dans le métier est difficile. Les perspectives d’évolution de carrières, les conditions d’exercice parfois pesantes face au fonctionnariat de plus en plus fort dans les rédactions demeurent préoccupantes». Cerise sur le gâteau, la sensation de culpabilité par rapport au regard de la société et de la famille, la sensation de devoir constamment prouver ses compétences ont été relevées, lors des différents focus groupes réalisés.
Les discriminations liées à l’embauche, aux salaires, aux promotions ont été, également, pointées du doigt par ces femmes. Il en est ressorti, en effet, que le match demeure inéquitable.
Sur la question de sexisme, les journalistes femmes interrogées ont déclaré qu’elles ne préféraient plus s’attarder sur ces faits. «Elles arrivent à les gérer et les dépasser». Chez l’ancienne génération, les relations hommes-femmes sont très correctes voire cordiales. Et cet état permet de mieux gérer le personnel avec le professionnel, compte tenu de la spécificité du métier qui impose des déplacements, très souvent hors heures de travail et dans des cadres souvent conviviaux en fin d’événements. L’étude qualitative a fait ressortir, néanmoins, que «les plus jeunes sont moins armées et aussi moins engagées et donc davantage exposées aux désagréments dans l’exercice du métier. Elles s’imposent moins dans leur vie privée». Les femmes aux commandes deviennent des hommes. Cet axe parle de lui-même. Et les journalistes femmes préfèrent les patrons hommes… «l’autorité, le leadership et autres compétences managériales toujours considérés comme des attributs masculins».
Par ailleurs, l’étude qualitative a démontré qu’«à compétences égales, les hommes sont privilégiés».
Partant de ces principaux axes, les membres de l’UPF Maroc en concertation avec les membres associés de l’ambassade de France recommandent, principalement, de se constituer en réseaux pour augmenter la solidarité. La formation qui augmenterait les compétences et faciliterait les évolutions de carrière a, également, été recommandée. L’instauration d’un contre-pouvoir au féminin permettrait aussi de contrecarrer cette culture patriarcale. Sur le plan quantitatif, les grandes tendances ont concerné 291 femmes journalistes interrogées. Il ressort de l’étude que «si la grande majorité des femmes en exercice a un diplôme national, près d’une journaliste sur deux n’a pas suivi de cursus journalistique».
Au-delà des critères de compétences et de rentabilité, la mobilité au sein d’un même organisme de presse semble être corrélée au facteur temps. Concrètement, les évolutions concernent les femmes journalistes de 45 ans et plus, mariées et celles ayant des enfants.
Il a été démontré que «le bond en avant dans la carrière dépend souvent d’un changement d’organisme». Pour ce qui est du travail à distance qui s’est imposé par la force des choses avec la crise sanitaire due à la Covid 19, «les femmes à responsabilité managériale pratiquent davantage le télétravail».
Par ailleurs, le facteur discrimination ne semble pas avoir d’impact sur la question du genre. De manière indirecte néanmoins, le statut de mère peut dans certains cas constituer un ralentisseur de développement de carrière. Selon l’étude en effet, «60% des journalistes interrogées ayant des enfants ont dû faire un choix entre leur vie professionnelle et personnelle. Par ailleurs, 48% d’entre elles ont dû renoncer à une offre (contre 16% dans le cas des journalistes sans enfant)».
En définitive et compte tenu des chiffres qu’ils ressortent de cette étude quantitative, les femmes interrogées préconisent pour améliorer leurs conditions de journalistes au moins 4 actions. 80% d’entre elles proposent d’éduquer davantage les familles quant aux spécificités de ce métier. 60% recommandent aussi une action pédagogique au sein des établissements scolaires. 10,5% d’entre elles déclarent que «les médias doivent sensibiliser les publics à cette problématique». Enfin, 3,5% estiment que «l’Etat doit entreprendre des campagnes de sensibilisation sur le sujet».
Bref, la question du genre ne cessera d’interpeller. Dans le journalisme comme dans d’autres métiers où la prédominance est masculine pour des raisons de spécificités de métier, il est clair que s’y engager en tant que femme sous-entend obstacles et embûches. Et c’est dans cette optique que l’Union Presse Francophone et le service consulaire français comptent mettre les bouchées doubles pour soutenir la femme journaliste dans l’exercice de ses fonctions. A suivre…

 

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