Abandon scolaire, absentéisme, démotivation, tabagisme, violence… Autant de fléaux qui peuvent affecter le parcours scolaire de milliers de jeunes Marocains. Ces problèmes surviennent principalement à l’étape finale de l’enseignement fondamental, provoquant traumatisme et crise auprès des élèves et entravant par conséquent la continuité du processus éducatif. Toucher ces troubles du doigt et pouvoir les réparer est l’ultime solution pour garantir un équilibre pour l’élève. Le corps professoral marocain a su remédier à ces failles. D’une initiative personnelle, certains enseignants ont choisi de créer de petites cellules d’écoute pour épauler les élèves en difficulté. La réussite de cette expérience pilote a permis de convertir lesdites cellules en un plan stratégique adopté par le ministère de l’éducation nationale, de l’Enseignement supérieur, de la Formation des cadres et de la Recherche scientifique. Cepeandant, après six ans de leur mise en place, les centres d’écoute restent toujours une initiative bénévole. En effet, l’Association nationale de l’aide à l’élève en difficulté affirme l’absence jusqu’à présent d’un financement étatique prenant en charge ces centres d’écoute. Sur le plan national, les collèges et lycées de Casablanca, Rabat, Marrakech et Oujda se sont vu doter de leurs premières cellules de médiation scolaire. Ce cadre institutionnel permet à l’enfant d’être écouté et soutenu et surtout compris. Il s’inscrit conformément à charte nationale de l’éducation et de la formation, ainsi que dans la note circulaire cadre du 13 juillet 2004 qui ambitionne l’amélioration de l’acte pédagogique. «Les centres d’écoute contribuent à l’appui des efforts consentis pour garantir l’accès à la scolarisation en tant que droit primordial pour l’enfant», indique Amina Salmi, enseignante de philosophie dans un lycée à Casablanca et superviseur d’une cellule d’écoute dans le même établissement. Et de poursuivre que «l’enfant en difficulté manque de repère et rentre en confrontation constante avec lui-même et son entourage. Nous tenons à travers les séances d’écoute à valoriser le rôle de l’éléve dans la sphère sociale et de rétablir le dialogue enfant –adulte». L’école offre un cadre convivial pour remplacer le rôle de la famille. «L’enfant en difficulté fuit souvent le regard critique de sa famille. Quelle que soit la situation financière de ses parents et quel que soit l’environnement ambiant chez lui, un enfant qui passe par une adolescence agressive a tendance à se renfermer sur lui et se laisser négliger», souligne Mme Salmi. En effet, c’est dans l’école que le changement de comportement se fait sentir. En groupe ou en individualité, la séance d’écoute offre à l’élève «adolescent» une oreille attentive pour entendre ses doléances et évaluer objectivement ses attentes. «Personnellement, je procède par une démarche illustrative en invitant l’enfant à transcrire sa souffrance en dessin. Une fois le dessin terminé, nous débattons ensemble le choix de couleur, de forme et de thème», révèle Mme Salmi. Et de poursuivre: «L’élève prend progressivement son aise et peut du premier abord débattre de son problème sans pour autant que je l’évoque directement». Il est à noter que les moments de crises par lesquels passe l’éléve ont un impact émotionnel important à la fois interne et externe. C’est dans ce sens que les parents sont invités à un moment ou un autre à prendre part aux séances. «Nous avons décelé chez nos élèves un problème de communication avec leurs parents. De ce fait, nous étendons notre approche au cercle familial», déclare l’enseignante. Si certains parents s’avèrent coopérants et répondent favorablement à la demande des initiateurs des centres d’écoute, d’autres refusent de confronter les problèmes qui touchent leurs enfants. Par crainte ou obstination, ces parents élargissent le gouffre et handicapent toute tentative de réconciliation. Selon l’approche terrain, les parents ont également besoin d’écoute. Autre doléance, il est indispensable de dispenser une formation en écoute et soutien psychologique afin d’alléger la tâche aux enseignants et traiter ces problèmes de façon professionnelle.
Lycée Ibn Al-Haïtam, une expérience pionnière en matière d’écoute Le lycée Ibn Al-Haïtham à Casablanca fut la première institution scolaire à instaurer les centres d’écoute. Vu le jour durant la saison scolaire 2004, cet observatoire a été créé par des volontaires spécialisés, à savoir psychologue, assistante sociale, écoutante et avocate. À une année de sa mise en place, le centre d’écoute a vu défiler 167 lycéens. Par nature d’aide, 32 élèves ont bénéficié de l’aide psychologique, 27 élèves de l’assistanat social et 15 élèves de l’aide juridique. L’initiative d’Ibn Al-Haïtham a ouvert l’accès à d’autres établissements afin de dispenser un soutien psychologique aux élèves en difficulté. Une telle démarche a favorisé la réintégration d’un grand nombre d’enfants à la fois dans le tissu scolaire et social. |